Une figure de proue chez les Innus – Marcelline Picard-Kanapé reçoit l’Ordre du Canada

Par Steeve Paradis 11 août 2018
Temps de lecture :
Marcelline Picard-Kanapé montre avec fierté sa médaille en tant que membre de l’Ordre du Canada et le certificat qui l’accompagne, signé de la main de la gouverneure générale Julie Payette. Photo Le Manic

Marcelline Picard-Kanapé montre avec fierté sa médaille en tant que membre de l’Ordre du Canada et le certificat qui l’accompagne, signé de la main de la gouverneure générale Julie Payette. Photo Le Manic

Pessamit – Marcelline Picard-Kanapé a reçu le plus grand honneur qu’un citoyen canadien qui n’est pas militaire puisse recevoir. La pionnière innue dans les domaines politique et de l’éducation a été reçue membre de l’Ordre du Canada le 5 juillet, lors d’une cérémonie tenue à la Citadelle de Québec.

Pour ceux et celles qui l’ignorent, Mme Picard-Kanapé est une figure de proue de la communauté de Pessamit et est considérée comme une sommité dans le monde de l’éducation parmi les Premières Nations. Longtemps directrice d’école, elle a notamment implanté l’enseignement en langue innue pour les jeunes de la communauté.

L’engagement de Marcelline Picard-Kanapé a également emprunté le chemin parfois cahoteux de la politique. Elle fut notamment la première femme à être élue conseillère à Pessamit, et ensuite chef durant quatre ans, où elle a imprimé sa marque.

« J’ai réfléchi avant de dire oui (à recevoir l’Ordre). C’est un bel honneur, bien sûr, mais je le prends pour l’ensemble de la communauté, pas seulement pour moi », a lancé la récipiendaire, que Le Manic est allé rencontrer à sa résidence de Pessamit. « Dans tout ce que j’ai fait, j’ai toujours eu comme motivation d’ouvrir des portes aux jeunes, de leur dire qu’il n’y a pas grand-chose d’impossible, même si on est autochtones », a-t-elle enchaîné.

« Marcelline Picard-Kanapé est championne de l’éducation des autochtones », mentionne-t-on dans le texte d’intronisation à l’Ordre de Mme Picard-Kanapé. « Elle a ardemment prôné l’utilisation des langues autochtones dans le milieu de l’éducation, ce qui a mené à la normalisation de l’innu-montagnais. Première femme à faire partie du conseil de bande de la nation innue de Pessamit et à être élue chef, elle a su inspirer les nouvelles générations de dirigeantes autochtones », peut-on aussi lire.

Sur un plateau
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Marcelline Picard-Kanapé n’avait jamais anticipé qu’elle deviendrait une personnalité connue et reconnue, autant chez les Innus que les allochtones, et qu’elle en ferait autant dans son illustre carrière.

« Tout ce que j’ai eu, ça m’est comme arrivé sur un plateau, je n’ai jamais couru après ça. J’avais fait des études pour être enseignante, pas plus. Ce sont les événements qui ont fait en sorte que j’en ai fait plus, finalement », confie la septuagénaire, à la fois humble et éloquente.

Cette humilité se manifeste également lorsqu’elle souligne au journaliste qu’on lui prête, à tort selon elle, le titre de première institutrice innue au Québec. « Je suis sûrement la première sur la Côte-Nord, mais pas au Québec. Il y avait une fille qui enseignait avant moi à Pointe-Bleue (Mashteuiatsh) », soumet-elle.

Sans avertissement
Après 16 ans à enseigner à l’école primaire de la communauté, Mme Picard-Kanapé devient directrice de ce qui s’appelait alors l’école primaire et secondaire de Betsiamites. « Un beau matin, alors que j’étais en congé de maternité, le chef (Léonard Paul) et des gens du ministère (des Affaires indiennes) sont débarqués chez moi pour me demander de prendre la direction de l’école. C’est comme ça que ç’a commencé. »

La nouvelle membre de l’Ordre du Canada se rappelle d’avoir reçu beaucoup d’aide des professeurs afin de faire sa place tout en apprenant les rouages du poste, l’entretien des loyers des professeurs de l’extérieur faisant notamment partie des tâches.

À travers tout ça, elle a largement contribué à la création de matériel pédagogique adapté à la langue innue. Ses efforts ont aussi débouché sur la publication du premier dictionnaire innu-français. « Ce fut des années vraiment intéressantes. On partait de zéro, on a tout monté et ça a réussi », se remémore celle qui dit avoir « toujours été guidée par le bon sens » dans ses actions.

Outre un intermède de quatre ans, la septuagénaire aura été impliquée de 1959 à 2006 dans le monde innu de l’éducation, autant à Pessamit qu’à Uashat-Maliotenam et Manawan. Elle a été directrice d’école ou directrice de l’enseignement durant 35 ans. « J’ai eu la chance de toujours décrocher de bons emplois et j’ai vraiment eu une belle carrière », conclut-elle.

Petite histoire
Pour la petite histoire, le cinéaste Denis Villeneuve a été fait officier de l’Ordre au cours de la même cérémonie. Le musicien Alain Caron (UZEB) a également été reçu membre ce 5 juillet. Créé en 1967, l’Ordre du Canada reconnaît « des réalisations exceptionnelles, le dévouement remarquable d’une personne envers la communauté ou une contribution extraordinaire à la nation ».

Partager cet article