Marc Girard – La fibre du trappeur

Par Shirley Kennedy 18 janvier 2019
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Marc Girard et sa fille Léonie après une chasse à l’ours concluante à la saison 2013. Photo courtoisie

Marc Girard et sa fille Léonie après une chasse à l’ours concluante à la saison 2013. Photo courtoisie

Forestville – Les récentes données témoignant d’une récolte record d’ours noirs au Québec en 2018, n’étonnent pas outre-mesure Marc Girard. Ce trappeur chevronné qui exerce sa passion depuis 41 ans, avait déjà constaté il y a deux ans, une hausse de la valeur des peaux d’ours.

Selon ce tout récent rapport du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, le bilan préliminaire de la chasse et du piégeage de l’ours noir révèle la cueillette de 6 513 spécimens, ce qui représente une hausse significative de 28% par rapport à la récolte moyenne des cinq dernières années. Sur le total des prises, 5 716 ours ont été récoltés par la chasse et 797 l’ont été par le piégeage, pour 18 277 permis vendus. Même si les chiffres définitifs ne sont pas disponibles à ce jour, la récolte de cette année constitue un record.

Une des causes

« À tous les 10-15 ans, les grands chapeaux en poils d’ours des soldats du Royal 22e Régiment de la GRC sont renouvelés. Il y a deux ans, on a informé les trappeurs que les peaux d’ours se vendraient plus cher, notamment pour cette raison », explique Marc Girard.

À l’affût des statistiques liées à la chasse et au piégeage, Monsieur Girard est formateur certifié PEGAF (piégeage et gestion des animaux à fourrure) et PIGEC (piégeage et gestion des canidés) qui concerne principalement le coyote, le renard et le loup.

Depuis 1994, ce trappeur émérite dispense en moyenne deux formations par année et peut même se rendre à Sept-Îles pour partager ses vastes connaissances. « J’ai trappé mon premier ours à 11 ans. J’ai appris de mon père, mes frères et mes beaux-frères. Même après 41 ans de pratique, j’essaye encore de m’améliorer », dit-il.

D’ailleurs, les nouvelles méthodes de trappage instaurées par le ministère de la Faune depuis quelques années, sont religieusement appliquées et enseignées par ce chasseur expérimenté qui aspire à un minimum de cruauté dans sa pratique.

Adeptes moins nombreux

Bien que les formations de Marc Girard soient très appréciées des amateurs et trappeurs, ces derniers se font de moins en moins nombreux au fil des ans reconnait-t-il.

Les jeunes semblent moins intéressés et l’âge moyen des membres est de plus en plus élevé. Actuellement, l’Association des trappeurs de la Haute-Côte-Nord compte 60 membres alors que l’Association régionale représente environ 200 adeptes. « C’est rendu un loisir le piégeage », tranche Marc Girard.

En fait, le prix de l’essence et l’équipement entraînent des dépenses qui dépassent bien souvent les gains médiocres des vendeurs. « Il y a plusieurs années, une peau de lynx ça se vendait 1000 $, à l’heure actuelle c’est 50 $. Les peaux de martres sont toujours très populaires pour les manteaux. J’ai déjà obtenu entre 100 $ et 125 $ alors qu’aujourd’hui c’est 60 $ ». Pour les garnitures de manteaux, la fourrure de renard et du coyote est encore en demande malgré la chute drastique des prix observe Marc Girard, qui trappe aussi les écureuils dont la fourrure est utilisée pour les bordures de manteaux tandis que les queues servent à la fabrication des mouches à pêche. « Je ramasse les écureuils aussi, je les récupère et je les vends 1 $, 2 $, quand j’en ai 50-60, je parfois aller chercher une centaine de dollars ».

Pratique responsable

Bien qu’il s’adonne à la chasse à l’ours pour la fourrure de prime abord, il se fait un devoir de récupérer la viande qu’il apprêtera en smooked meat ou viande à fondue. « C’est une viande de plus en plus appréciée des chasseurs et des trappeurs. C’est une viande foncée dont le goût s’apparente à celui du raton laveur ».

Cette philosophie, il se fait un devoir de la partager avec les chasseurs et chasseuses qui retiennent ses services de guide lors de la chasse à l’ours sportive. Tuer pour tuer, hors de question pour Marc Girard dont l’enseignement ne se limite pas au trophée. C’est d’ailleurs ce qui fait sa réputation. « Lorsque nous enlevons la vie d’un animal, on se doit de maximiser la capture. J’invite les gens que je guide à cuisiner l’ours, c’est une très bonne venaison lorsque bien apprêtée ».

De père en fils, de père en fille

Puisque la pratique de la trappe et de la chasse sportive font partie de sa vie depuis toujours, Marc Girard a transmis sa passion et son savoir à ses deux fils, Marc-Antoine et William ainsi qu’à sa fille Léonie, une habituée de la chasse à l’ours, « qui a abattu son premier orignal cet automne », précise notre homme avec fierté.

Une bête qu’il faut respecter

Marc Girard se fait un devoir de sensibiliser tous et chacun au respect de l’ours qui revêt pour plusieurs un côté obscur. « Dans sa biologie, la femelle est mature sexuellement seulement entre 3 et 5 ans et met bas une fois aux deux ans. Donc il faut avoir un suivi de la récolte puisque depuis une quinzaine d’année, il y a vraiment une baisse dans notre zone et les bleuetières n’ont pas aidé. Beaucoup se vantent d’avoir tué plusieurs ours, pourtant ils ont leur place dans la chaîne alimentaire au même titre que les autres animaux ».

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