Assumer pour m’en responsabiliser

Par Erika Soucy 12 mars 2019
Temps de lecture :

Sur le coup, j’étais surprise qu’on s’en surprenne. Je trouvais même mon fil Facebook particulièrement naïf et déconnecté. Après, j’ai regardé l’entrevue de Jonathan-Ismaël Diaby à Tout le monde en parle et je me suis dit : « Okay, c’est vraiment intense, finalement… »; j’ai été troublée d’entendre la violence si crûment à l’écran, on n’est pas habitué de retrouver des paroles comme ça dans notre télévision.

Après, j’ai repensé à mes ami.e.s Facebook qui ont l’indignation facile et à leur façon de réagir : « Des dégénérés ! », « Des ostis de bozos », « Gang de crisses d’épais ! ». Okay, bon… J’ai aussi repensé à certains de mes partys de Noël, de jjob; à des propos et des publications sur les réseaux sociaux de la part de gens proches de moi, de la part de gens que j’aime… Je ne connais personne qui a déjà humilié un noir en public, mais j’en connais une trâlée qui ne se gêne pas pour dire que les Arabes ont des guenilles sales su’a tête et que les Indiens sont une gang de tout croches.

Et je ne vous ferai pas croire que j’y échappe. Non pas que je tienne ces propos, mais j’avoue que je juge et que je crains, moi aussi.

J’ai du racisme en moi. Je l’assume. Je n’en suis pas fière, mais je l’assume. Pour mieux m’en responsabiliser.

Est-ce qu’à ce stade-ci de ma chronique, vous avez envie de me traiter d’esti de conne ? J’espère que non. Pourtant, mon mécanisme de pensée est semblable à celui de Madame X ou Monsieur Y qui croit dur comme fer qu’un réfugié syrien atterrit à Montréal pour toute nous faire sauter.

S’il y a une différence, c’est que je prends le temps de l’écouter, le racisme en moi. Je me demande toujours: « De quoi j’ai peur, exactement? » Vous voulez un exemple concret? Okay, je me lance…. J’avoue qu’il n’y a pas si longtemps, je roulais toujours un peu des yeux quand j’entendais un artiste autochtone parler d’une démarche qui s’ancre dans une spiritualité. Les esprits, les rituels… Ça me gosse encore un peu.

Pourquoi ? Qu’est-ce que ça dévoile sur moi? Parce que ce n’est pas l’art autochtone, le problème; c’est moi. Si je prends le temps d’y réfléchir, je réalise que ma réaction nait de ma propre insécurité par rapport à la spiritualité. J’ai eu une éducation religieuse assez intense, à avoir peur de la fin du monde de manière maladive de l’âge de 9 à 12 ans. Peut-être que mon côté réfractaire vient de là? Peut-être que c’est moi qui a des trucs à régler? J’ose croire que je ne suis pas une idiote irrécupérable pour autant.

Après, je comprends et j’accepte que certaines choses me parlent plus que d’autres dans l’art des Premières Nations (puisqu’il s’agit toujours, ici, de mon exemple concret). Je refuse de jeter le bébé avec l’eau du bain et je vais voir plus loin. Si la spiritualité ne me rejoint pas, peut-être que d’autres aspects me touchent ? Oh, je pourrais aussi ne pas faire l’effort de fouiller dans cet univers, faire mes trucs de mon bord et dire simplement que ça m’énarve, l’art autochtone, mais ce n’est pas ce que j’appellerais « me responsabiliser ». Et peut-être que je ne trouverai rien qui m’accroche ou m’intéresse, mais j’aurai dépassé mes propres peurs, mes propres traumatismes. Ça, c’est ma façon de combattre mon racisme (et de découvrir au passage une littérature magnifique et actuelle que celle des écrivaines et écrivains autochtones).

Bon, bon… Là, je vous entends penser. Vous vous dîtes : « Ben oui, l’artiste qui nous parle d’art ! Mais les femmes voilées qui vivent de la violence, elle en fait quoi? » Et bien je fais comme vous : je juge, je crains, je ne suis pas mieux. Je ne pense pas aller demain dans un centre culturel islamique pour me faire des ami.e.s musulmans. Mais à hauteur de mes capacités, par le biais de mes intérêts, je vais faire un pas. Moi, c’est la lecture mon truc… Avez-vous des écrivains arabes à me conseiller?

Partager cet article