Les petits cailloux de Mélanie Pelletier

Par Shirley Kennedy 5:00 PM - 3 juillet 2019
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Lors de la Soirée Tapis rouge du Cégep de Baie-Comeau. À la lecture du parcours de Mélanie, l’assistance s’est levée afin de lui faire une ovation. Récipiendaire de la bourse d’encouragement pour les parents aux études, Mélanie est en compagnie de Claude Montigny, directeur général du Cégep, Rachel Maltais et Marc Champagne du groupe Les Sans-Faute, promotion 1966 du collège classique de Hauterive. Photo Le Manic

Forestville – La vie n’a pas toujours été clémente avec Mélanie. « C’est comme ça, dit-elle. Il suffit de trouver la force en soi pour s’en sortir ». Les écueils rencontrés sur sa route, elle les a transformés en petits cailloux, laissés ici et là. Question de toujours se souvenir d’où elle vient, du chemin parcouru, et surtout de la destination finale.

Pour briser le cercle, elle a bûché comme pas une. Ses armes : une force de caractère à toute épreuve doublée d’une volonté de fer. « J’ai compris à un moment donné, que je devais travailler plus fort que les autres pour me démarquer. Je me suis dit, si je ne vais pas à l’école, si je ne finis pas mon secondaire 5, je vais continuer dans cette vie-là ».

Le chemin
Après le secondaire 5 donc, Mélanie obtient son titre de préposée aux bénéficiaires. Quatre ans plus tard, elle devient infirmière auxiliaire. Un travail qu’elle adore, un métier qu’elle pratiquera avec dévouement pendant dix ans.
Aujourd’hui à 33 ans, Mélanie a franchi une autre étape puisqu’elle vient d’obtenir son diplôme d’études collégiales en Soins infirmiers. D’ici à ce qu’elle complète l’examen de l’Ordre des infirmiers et infirmières du Québec, elle est candidate à l’exercice de la profession d’infirmière (CEPI). Son ambition ultime ? Être infirmière praticienne spécialisée (IPS).
Afin de tirer parti de son parcours atypique et laborieux, Mélanie voit son vécu et ses années d’expérience à titre de préposée aux bénéficiaires et d’infirmière auxiliaire, comme un atout dans la pratique de sa profession. « Je sais c’est quoi le travail de préposée. Mon parcours n’a pas été facile mais ça fait qui je suis aujourd’hui. Je vais toujours essayer d’aider tout le monde. J’ai été tellement malheureuse à un certain moment. Si je peux faire la différence avec un mot, une écoute, un sourire… »

Au-delà des épreuves, cette mère monoparentale a trouvé soutien et réconfort auprès de personnes qui ont croisé sa route, notamment des collègues de travail : Christine Brousseau, Lisette Varin, Louise Canuel et son amie Lindsay Hardy Racine. « Il y a toujours des personnes qui entrent dans nos vies et qui nous apportent quelque chose. Louise, j’ai toujours pu compter sur elle. Ça fait 14 ans qu’on se côtoie. Elle est venue à mon bal et à ma remise de diplôme ».

Si elle a réussi à terminer ses études collégiales avec brio, Mélanie doit une fière chandelle à son père, Sylvain Pelletier et au père de ses enfants, Slobodan Milosevic. « Depuis trois ans, c’est mon père qui garde mes enfants. Il arrive chez-nous à 6 h du matin. Sans lui, cela aurait été impossible. Et Slobodan, c’est lui seul qui avait l’étoffe pour me dire : ok tu es prête, vas-y faire ton DEC ».
Mélanie tient à raconter son histoire pour ses enfants Emilia-Rose 6 ans et Jivoïn 5 ans. Et aussi pour donner de l’espoir aux jeunes. « Rien n’est impossible, les seules personnes qui peuvent faire obstacle à nos rêves, c’est nous-mêmes, personne d’autre ».

Bien qu’elle ait réussi jusqu’à maintenant à atteindre ses objectifs, qu’elle ait mérité la bourse d’encouragement pour les parents aux études lors de la Soirée Tapis Rouge du Cégep de Baie-Comeau, Mélanie se souvient davantage avec émotion de ce matin de tempête alors qu’elle devait faire la route Forestville-Baie-Comeau en vue de l’Épreuve uniforme de français, dont l’issue allait être déterminante pour la suite. « Je croyais que le Cégep serait fermé. Ce ne fut pas le cas. Mon père était incapable de sortir de son appartement tellement il y avait de la neige. Je lui ai dit : Creuse-toi un tunnel, fais quelque chose mais je dois y aller. Je suis arrivée 20 minutes en retard mais j’ai passé. J’ai tellement pleuré quand j’ai reçu le résultat ».

Trois ans et au-delà de 144 000 kilomètres plus tard, sans prêts et bourses, en travaillant une fin de semaine sur deux, avec deux jeunes enfants, Mélanie Pelletier peut dire mission accomplie. « Je veux montrer à mes enfants que quand tu veux, tu peux. J’ai toujours essayé d’appliquer ces valeurs pour devenir quelqu’un, pour honorer ma famille qui a vécu des difficultés. Je suis devenue ce qu’eux auraient voulu devenir, mais ils n’ont pas eu cette chance. Un jour, je ferai des conférences, un jour je raconterai toute mon histoire pour inspirer les autres».

 

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