Un deuil en deux temps

Par Johannie Gaudreault 3:13 PM - 21 juillet 2020
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On dit que le cancer est la maladie du siècle, mais comment considérons-nous la démence? On dirait que dans toutes les familles, il y a au moins un membre qui en est touché. Dans la mienne, c’était mon grand-père, entre autres.
Le plus difficile avec la démence, c’est que la personne est toujours là physiquement, mais on ne la reconnaît plus. La maladie s’est emparée de son cerveau, de ses souvenirs, de sa personnalité… Il ne se souvient plus comment fonctionne le micro-ondes, ensuite c’est le téléphone, finalement c’est comment manger… Et tout ça, beaucoup plus vite que l’on aurait pensé.
Par chance, il était bien accompagné. Ma grand-mère a pris soin de lui du début à la fin et nous, sa famille proche, nous nous sommes adaptés à ses nouvelles conditions de santé. Pas toujours facile, mais on a réussi à le garder dans le cercle familial même s’il ne voulait pas.
Il était sur le sofa, assis à la même place, sans broncher, jour après jour, mois après mois, année après année. Il nous regardait vivre, les yeux éteints, la passion de la machinerie disparue. Parce que les loaders, pépines et compagnie l’ont animé toute sa vie, à l’exception des huit dernières années.
Plus les années passaient, plus il disparaissait. Lentement, mais sûrement. C’est à ce moment que j’ai fait mon premier deuil. J’ai vite compris que la maladie avait emporté mon grand-père et que je ne le reverrais plus de sitôt.
Quand je parlais de lui à ma fille de sept ans, j’utilisais déjà l’imparfait. « Ton arrière-grand-père, il était généreux et il aimait raconter des histoires », lui racontais-je. Pourtant, il était encore là, assis sur son divan, à nous regarder parler de lui au passé.
En mars dernier, il ne se levait même plus dans le salon pour regarder les voitures passer. Il ne buvait même plus trois à quatre cafés par jour, il ne posait même plus de questions dont il connaissait la réponse. Il avait mal, pas seulement le mal de vivre, mais une douleur au poumon droit : un cancer.
En à peine deux semaines, nous avons su qu’il avait un cancer, qu’il demeurait à l’hôpital et qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps. Tout un choc! Parce que oui je l’avais déjà perdu, mais je pouvais encore le serrer dans mes bras, sentir son odeur, essayer de lui faire sortir des mots de la bouche.
Depuis le 24 mai, le divan est vide, ta place reste froide, les marques de ton corps n’y paraissent plus. Je vis mon deuxième deuil et celui-ci est encore plus difficile à surmonter. Pour m’aider, je me dis que tes souffrances sont terminées et que tu as eu la chance d’être entouré jusqu’à ton dernier souffle.

Bon repos grand-papa!

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