La mission du Dr Vollant

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 15 juin 2021
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Pendant ses années de marche avec son bâton aux mille rêves, le Dr Stanley Vollant a entendu une pluie d’histoires de racisme systémique mettant en cause le non-respect du système de santé envers les Autochtones. Photo : Facebook

Le Dr Stanley Vollant, chirurgien originaire de Pessamit, n’a pas seulement été témoin du racisme systémique dans les soins de santé, il l’a vécu. La méfiance des autochtones envers le système de santé, il la connaît, mais il veut aussi l’enrayer.

C’est pourquoi il multiplie ses interventions sur le sujet. Il a participé en tant que conférencier vedette au forum virtuel Comprendre le racisme systémique dans les soins de santé organisé par le Centre d’amitié autochtone de Maniwaki le 9 juin.

Le médecin de 56 ans a été adopté par ses grands-parents dès sa naissance et il a grandi à Pessamit selon les rites traditionnels.

« Déjà à l’époque, j’étais au courant des problématiques dans le système de santé. Mes grands-parents parlaient très peu français. À chaque fois qu’ils allaient à l’hôpital, ils ne comprenaient pas ce que le médecin disait. Ils avaient un sentiment d’incompréhension, il y avait déjà une méfiance importante envers le système de santé », a-t-il raconté.

En vieillissant, le racisme est devenu plus que théorique pour Dr Vollant.

« Je l’avais sur mon corps avec les bleus que je me faisais en me battant pour me défendre », a-t-il dévoilé. Lors de ses études secondaires à Québec, les autres élèves non autochtones l’ont intimidé pendant un an. « J’ai dû utiliser mes poings pour faire ma place. On me traitait de cawish, de sauvage. On me disait que je puais, que je n’étais pas intelligent. »

C’est en 1982 qu’il a eu l’appel de la médecine. Son père adoptif a été frappé à mort sur le bord de la route 138 à Colombier par un conducteur ivre allochtone.

« Même si on a trouvé le sang de mon grand-père sur la voiture, jamais il n’y a eu d’accusation. La justice n’était pas très juste envers les Premières Nations », a-t-il ajouté.

Cet événement marquant dans sa vie l’a toutefois motivé à aller aux études. « J’ai décidé d’aller en médecine et je suis rentré à l’Université de Montréal en 1984, a affirmé Stanley Vollant. Il y avait beaucoup de méconnaissance des Premières Nations. Je me suis fait une mission d’éduquer mes collègues pour mieux connaître les Innus. »

Quelques années plus tard, en 1990, un autre événement vient chambouler son quotidien : la crise d’Oka. « J’étais en première année en chirurgie, je me pensais protégé parce que j’étais dans un milieu éduqué avec des médecins, des universitaires. Pendant trois mois, chaque jour, j’ai dû me défendre », a-t-il déclaré.

L’étudiant en médecine a même pensé quitter le pays. « Finalement, j’ai décidé de rester parce que ma mission d’éduquer mes collègues de travail au racisme était très importante. Mon rôle devenait de plus en plus important. »

En 1994, Stanley Vollant atteint son objectif et devient chirurgien à l’hôpital de Baie-Comeau où il a été témoin de nombreux actes racistes posés vis-à-vis les Premières Nations. « Souvent les gens oubliaient que j’étais autochtone parce que j’étais médecin. On parlait de façon méprisante des Premières Nations », se souvient-il.

Cependant, les patients de Pessamit, même s’ils n’étaient pas traités par Dr Vollant, se sentaient plus en sécurité parce qu’il œuvrait à l’hôpital.

« Ils ne se sentaient pas bien compris, respectés, mais le fait que je sois là les rassurait beaucoup. Le racisme systémique dans les soins de santé, je l’ai vu, je l’ai vécu et les gens m’en parlaient énormément », a-t-il poursuivi.

Conséquences

Pendant sa conférence, le Dr Stanley Vollant a rappelé que les complications sont plus élevées chez les patients autochtones.

« Ils ont 30 % de risque d’avoir des complications et leur taux de mortalité est aussi plus élevé. C’est en relation avec la comorbidité et aussi, à la problématique de racisme systémique. Les gens retardent leur diagnostic. Les cancers sont trouvés de façon plus tardive, tout comme le diabète, ce qui augmente le risque de complications », a expliqué le chirurgien.

Selon Dr Vollant, le racisme systémique a réellement des impacts au niveau de la santé des Premières Nations « qu’on peut commencer à quantifier, il faudrait d’autres études pour les analyser un peu mieux ».

« Il faut reconnaître que le racisme systémique existe au Canada et dans le système de santé. Il faut aller de l’avant », a-t-il soutenu.

La sécurisation culturelle : une piste de solution

Pour le docteur Stanley Vollant, le concept de sécurisation culturelle fait partie des pistes de solution pour contrer le racisme systémique tout comme la décolonisation des relations.

La sécurisation culturelle a été développée par les Maoris de Nouvelle-Zélande dans les années 1990.

« Ils présentent les mêmes problèmes de santé que les Autochtones. On ne partage pas la même génétique, mais la même histoire. Colonisation, pensionnat, christianisation et les statistiques sont les mêmes au niveau du diabète, de la violence, des suicides », a précisé le médecin originaire de Pessamit.

Le racisme systémique étant bien présent dans leur communauté, l’association des infirmières a créé ce concept qui va au-delà de la sensibilité.

Afin de l’illustrer, le conférencier a donné l’exemple d’un innu de Pessamit qui va à l’hôpital de Baie-Comeau. « Il y va à reculons parce qu’il se fait dévisager par les employés qui croient que puisque c’est un indien, il prend de l’alcool et des drogues. »

Ce patient ne sera pas traité au même niveau que les non autochtones et il donnera probablement moins de renseignements sur sa condition de santé, selon Stanley Vollant.

« Ça risque de finir avec des conséquences négatives au niveau thérapeutique, contrairement à dans une clinique où tous les employés ont suivi des cours de sécurisation culturelle », a-t-il évoqué.

Décoloniser nos relations

Stanley Vollant croit également qu’il faut décoloniser nos relations pour faire disparaître le racisme systémique.

« Une relation qui est colonisée, ça veut dire quelqu’un qui se pense supérieur devant quelqu’un qui se croit inférieur. Souvent dans la médecine c’est comme ça », a-t-il avancé.

Tandis que dans une relation décolonisée, « c’est plutôt, je suis un être humain comme toi, on va discuter, on va se respecter et on va établir un plan de traitement ensemble ».

Finalement, le chirurgien recommande que tous les corps de métier œuvrant dans les soins de santé aient des lignes directrices à respecter en matière de sécurisation culturelle.

« C’est très important d’aller vers l’éducation du personnel des services de santé, mais pas juste une fois. On ne peut pas apprendre tout des Premières Nations en une heure et demie. Il faut que ça soit fait de façon récurrente à travers plusieurs stratégies pendant une année. »

Le Dr Stanley Vollant et tous les adeptes du principe de Joyce Echaquan espèrent que le gouvernement du Québec reconnaîtra qu’il y a du racisme systémique dans notre société et dans les soins de santé.

« Malheureusement, on n’est pas encore arrivé là. J’espère qu’un jour on y arrivera, il y a plusieurs solutions », de conclure le médecin autochtone.

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