Une pionnière de Forestville n’est plus

Par Shirley Kennedy 3:29 PM - 27 juillet 2021
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Gemma Plourde et son époux Roland Tremblay. Photo courtoisie

Le 10 juillet dernier, une grande dame qui a contribué à l’histoire de Forestville, a fermé les yeux pour toujours. Madame Gemma Plourde, communément appelée « madame Tremblay du Plaza », était âgée de 91 ans et vivait à Québec depuis près de 20 ans.

Née le 18 décembre 1929 dans la région d’Alma, Gemma Plourde est tombée dans la marmite du business dès son plus jeune âge. Son père était un homme d’affaires averti, maquignon de métier, qui transigeait avec les bûcherons du Lac-St-Jean et des environs.

« À l’âge de 5 ans, elle a vendu son premier cheval en l’absence de son père », raconte son fils Russel Tremblay. Après avoir uni sa destinée à celle de Roland Tremblay originaire de St-Nazaire, le couple flairant l’effervescence créée par la compagnie à Forestville et la construction des barrages, décide de s’établir à Forestville en 1953.

Russel Tremblay raconte, qu’à l’époque, seuls les employés de la compagnie (Anglo Pulp Company) pouvaient acquérir un terrain pour y construire leur résidence. C’était sans compter sur la détermination et la perspicacité hors du commun de Gemma Plourde, qui obtiendra exceptionnellement un terrain pour s’établir.

C’est Gemma Plourde qui ouvrira le premier magasin général de la Ville, le 5-10-15. Érigé sur la route 138 en face de Tissus Irène, celui-ci déménagera ses pénates dans l’édifice Plaza situé au centre de la Ville, à l’intersection de la 14e rue et 2e avenue. L’édifice du 5-10-15 sera transformé en bloc appartements. « Le Plaza a été construit avec un surplus d’actifs des bâtiments d’Hydro-Québec lors de la construction du barrage de Manic 1 », raconte Russel.


Forte personnalité
Femme de tête au caractère bien trempé, Gemma Plourde ne s’en laisse pas imposer. Quiconque se place au travers de sa route en subira les conséquences, se souvient son fils. « Les gens venaient à la maison et à cette époque, les mœurs n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Une fois, quelqu’un a dit : Gemma fais-moi un café. Elle a répondu : si tu veux un café, fais-toi en un. »

Négociatrice implacable, Gemma endosse son rôle de femme d’affaires et de patron avec la bénédiction de son époux Roland qui préfère travailler dans l’ombre et s’occuper du volet administratif des affaires. En parallèle de son rôle de mère de cinq enfants, voyant un besoin pour les femmes de son époque de s’émanciper, elle fonde une maternelle à Forestville quelques années avant que le ministère de l’Éducation n’en fasse autant. « Elle a réuni les parents intéressés et elle a mis le service en place », rapporte Russel.

Douée d’un flair hors du commun, Gemma se porte acquéreur de la Laurentienne Forest, un organisme privé qui est l’ancêtre du ministère des Forêts. Son dernier projet d’affaires sera l’acquisition du Guest Lodge de la compagnie qu’elle transforme en Domaine gîte des invités. Bien qu’elle n’ait pas effectué d’études supérieures, Gemma est comme son père, douée pour les affaires et une insatiable autodidacte. « Vers l’âge de 50-60 ans, elle est partie à Fredericton pour apprendre l’anglais. Quand elle décidait quelque chose, elle s’arrangeait pour atteindre son but », ajoute M. Tremblay.

Avec l’arrivée des magasins à grandes surfaces tels que le Continental et la Baie d’Hudson, madame Plourde ferme le magasin général dans le Plaza pour en faire un centre commercial avec différentes boutiques spécialisées dans la chaussure, les vêtements pour hommes, vêtements pour dames, une pharmacie, une disquerie et un casse-croûte.
« Elle voyait venir, c’était une femme progressiste, visionnaire, une féministe, une femme d’affaires assez radicale puisque selon les us et coutumes de l’époque, c’était les hommes qui menaient », raconte avec admiration son fils Russel.

« Demandez à des gens qui étaient dans le commerce à l’époque, ma mère était reconnue comme une femme d’affaires solide et ce jusqu’à Montréal. C’est évidemment la première féministe que j’ai connue. Elle avait pour son dire, moi j’ai ma place et je la prends ».

Début 1990 elle se départit de ses actifs à Forestville et elle quittera pour la vieille capitale en 2002, six ans après le décès de son époux Roland avec qui elle aura eu 5 enfants : Roly, Larry, feu Gladys, Russel et Dave. Elle était grand-mère de cinq petits-enfants et de quatre arrière-petits-enfants.

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