Cri du coeur des entrepreneurs saisonniers

Par Shirley Kennedy 4:27 PM - 1 septembre 2021
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Paryse Deschênes, Mireille Pineault et Tina Tremblay ont partagé leur désarroi aujourd'hui concernant la pénurie de main-d'oeuvre et la réforme de l'assurance-emploi réclamée depuis des années.

C’est un véritable cri du coeur qu’ont lancé Paryse Deschênes, Mireille Pineault et Tina Tremblay au terme du point de presse tenu ce matin à Tadoussac par l’Alliance interprovinciale qui invite les candidats et chefs de partis à se prononcer au sujet de la réforme de l’Assurance-Emploi dans le cadre de la campagne électorale fédérale.

En fin d’activité, après que Guillaume Tremblay de la CSN-Côte-Nord, Line Sirois d’Action-Chômage Côte-Nord, Charles Breton maire de Tadoussac, Michel Savard de la Table des groupes populaires, Pascal Langlois de la FTQ et Micheline Anctil préfète de la MRC HCN eurent réclamé « encore une fois » une réforme adaptée à la réalité des régions, Paryse Deschênes, copropriétaire de La Galouine, Auberge et Restaurant, a livré un témoignage bouleversant sur la situation que vivent les entreprises saisonnières.

Dans le dernier droit de leur 18e saison touristique comme propriétaires de l’entreprise, madame Deschênes et son associé sont passés de 28 employés en 2019 à 20 en 2020 et à 17 pour la saison actuelle. Une carence de main-d’oeuvre encaissée par les dirigeants et propriétaires.

« Nous commençons à 6 h et ce jusqu’à 23 h, nous les employeurs, alors qu’habituellement après 18 h nous devrions être en mesure de réduire la cadence, c’est le contraire, on doit l’augmenter », déplore-t-elle.

Visiblement crevée, la femme d’affaires estime qu’elle et tous ses confrères et consoeurs de l’hôtellerie et de la restauration, devraient être en mesure de bénéficier d’employés saisonniers, permanents et qualifiés sur qui ils peuvent compter l’année suivante. « Mais au lieu de ça, le gouvernement nous demande en plus de gérer le passeport vaccinal, les masques sans oublier le fait que nos employés sont inquiets pour l’hiver à venir, on doit gérer ça aussi puisque pour la majorité ce sont des emplois occupés par des femmes souvent monoparentales. »

Paryse Deschênes confie même être victime de harcèlement justifié de la part de ses employés qui ne savent pas s’ils passeront l’hiver ou tomberont dans le trou noir de l’assurance-emploi. « Ils paient leurs cotisations à l’assurance-emploi donc ils veulent un revenu pour vivre pendant l’hiver et c’est tout à fait normal, ils y ont droit », ajoute-t-elle.

Madame Deschênes a même fait l’acquisition d’une résidence pour loger ses employés qu’elle fait venir de l’Europe et d’ailleurs. « Je me suis impliquée dans divers comités pour essayer de trouver des solutions, mais là c’est assez les comités de ci et de ça. Qu’ils arrêtent de dépenser de l’argent pour des comités et qu’ils fassent la réforme ».

Pour Mireille Pineault propriétaire du restaurant Le Bateau qui a fermé ses portes hier, la prestation et la qualité du service est restée la même à Tadoussac. « Nos clients ont bien mangé, ont été bien accueillis et ils ont dormi dans des draps propres quand même ». Afin de garder un minimum d’offres dans le village, les propriétaires de restaurants se sont même consultés afin de ne pas fermer la même journée en raison du manque d’employés.

Annoncée depuis quelques années déjà, la pénurie de main-d’oeuvre n’est pas que liée à la pandémie ou à la PCU du gouvernement fédéral selon Tina Tremblay, directrice générale de l’Hôtel Tadoussac. « Ça fait longtemps qu’on nous l’annonce la pénurie, qu’on nous dit vous allez entrer dans le mur, ce n’est pas d’hier. Il faut que le gouvernement arrête de faire des consultations et qu’il passe à l’action », a-t-elle lancé.

La préfète de la MRC de La Haute-Côte-Nord Micheline Anctil, avance qu’il y a urgence en la demeure et ce plus que jamais. « Les hommes et les femmes concernés ont besoin de savoir ce qui se passe dans leur vie d’une année à l’autre », dit-elle, faisant référence à l’incertitude causée par l’intention du gouvernement de payer la formation aux travailleurs saisonniers afin qu’il puissent travailler 12 mois par année.

Toujours très flamboyante dans ses propos, Line Sirois d’Action Chômage Côte-Nord réitère que « ça fait 20 ans qu’on nous fait des promesses. Trudeau avait promis une réforme en 2015. Si on a une alliance avec les autres provinces, avec nos élus, les syndicats, comités et employeurs et que tous ensemble on demande la même chose, c’est qu’il y a un fichu problème avec l’assurance emploi ». Cette dernière félicite le gouvernement Trudeau pour les mesures en place pendant la pandémie, malgré que le problème demeure entier. « Présentement, après le 18 septembre, ceux qui vont faire une demande pourraient se ramasser avec 420 heures pour 14 à 17 semaines, voire jusqu’à 500 heures parce que notre taux de chômage est très bas, la population est moins active, plus vieillissante. Les gens quittent la région pour avoir de la stabilité et un travail à l’année », relate madame Sirois qui ne peut expliquer qu’on puisse penser demander à un travailleur de l’industrie saisonnière qui réside à Tadoussac d’aller travailler chez Tim Horton à Baie-Comeau.

Michel Savard de la Table des groupes populaires, tient à déboulonner le mythe entendu sur plusieurs tribunes concernant la PCU et la PCRE. « C’est totalement faux! La pénurie elle est partout. On manque d’infirmières, de médecins et de travailleurs dans l’industrie de la forêt, du tourisme. Les préjugés font la vie dure. Il faut le répéter: la réalité sur la Côte-Nord, c’est qu’on a perdu 6 000 personnes entre 2010 -2020. C’est un problème démographique. Monsieur Blackburn du Conseil du patronat qui dit que la pénurie de main-d’oeuvre est dû à la PCRE, il est dans l’erreur. Le gouvernement veut combler le déficit avec des gens de l’industrie saisonnière. Tout ce que ça va faire, c’est transférer le problème. Un plombier ne devient pas pompier du jours au lendemain. On n’apprend pas un autre métier en deux semaines ». on a perdu 6 000 personnes. Problème démographique. TOus les groupes d’âges. 15-24 ans. Combler le déficit avec les gens de l’industrie saisonnie`re. Transférer un problème. Combattre un feu, t’apprends pas ça dans deux semaines.

« On est en train de fermer Tadoussac, c’est carrément ça qui se passe », a conclu Line Sirois d’Action Chômage Côte-Nord.

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