Faire tomber les tabous de l’autisme

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 30 mars 2022
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Sandrine Lebrun a été diagnostiquée autiste profil asperger à l’âge de 46 ans. Photo : Courtoisie

La Forestvilloise Sandrine Lebrun a été diagnostiquée à l’âge de 46 ans comme étant autiste profil asperger. Celle qui a tenté de cacher sa différence jusqu’à cet instant, en 2012, dans le bureau de la spécialiste Isabelle Hénault, lutte aujourd’hui contre la stigmatisation de l’autisme.

Pour Mme Lebrun, le trouble du spectre de l’autisme (TSA) n’est ni une maladie, ni un handicap, mais plutôt « un état de fait ».

« Il est possible de faire une très belle vie en étant autiste, j’en suis la preuve, dit-elle. J’ai eu une belle carrière en psychoéducation, j’ai même été reconnue dans mon domaine. Les personnes autistes ont des capacités étonnantes que n’ont pas les neurotypiques. La richesse est dans la différence. »

Avant de faire la découverte de son diagnostic, Sandrine Lebrun, originaire de France, s’est toujours sentie pas comme les autres. « Je me sentais très à l’étroit, introvertie et même étouffée. Je voulais être comme tout le monde, mais je n’y arrivais pas », raconte-t-elle.

C’est pourquoi la confirmation de son autisme s’est avérée extrêmement positive pour elle. Il s’agissait d’une découverte importante pour se réconcilier avec elle-même et sa famille. « Il y a beaucoup de personnes, comme moi, qui découvrent dans la quarantaine qu’ils sont autistes puisque les tests diagnostiques n’ont été créés qu’en 1995 », explique la Forestvilloise d’adoption.

Selon Sandrine Lebrun, le TSA est encore relativement mal connu par la population. De nombreux clichés sont toujours véhiculés. Et comme l’ignorance mène souvent à la méfiance, les personnes autistes restent souvent exclues de la société, alors qu’elles ont les capacités de prendre une part active et un haut potentiel.

« Quand on pense aux autistes, on a cette image de celui qui reste dans son coin, la tête entre ses mains, illustre-t-elle. Mais il y a plusieurs types d’autisme et certains, comme moi, sont de haut fonctionnement. On arrive donc à s’intégrer à la société, mais les contacts sociaux sont plus difficiles, par exemple. »

Intérêts marqués

Les autistes profil asperger tels que madame Lebrun ont souvent des intérêts marqués pour un domaine. Dans son cas, il s’agissait de la psychologie.

À l’âge de 15 ans, elle a commencé à lire tout ce qui touchait à ce sujet qui la passionnait puisqu’elle voulait comprendre comment fonctionnait son cerveau, pourquoi elle se sentait différente des autres.

Sa mémoire phénoménale et sa grande intelligence lui ont permis d’atteindre des sommets dans sa carrière. Elle est finalement devenue psychoéducatrice, spécialisée dans les troubles graves du comportement et de la comorbidité (plusieurs diagnostics).

Après avoir œuvré dans le domaine communautaire, elle s’est intégrée au réseau scolaire et a travaillé en tant que ressource régionale pour la Côte-Nord. À la fin de sa carrière, elle était à l’emploi du Centre de services scolaire de l’Estuaire. Elle a pris sa retraite il y a un an.

C’est en 1995 qu’elle est tombée en amour avec le Québec alors qu’elle était en vacances. Native de Lille en France, elle a déménagé à Montréal en 2001. « Je me sentais mieux au Québec que chez moi », dévoile la psychoéducatrice qui a également habité en Sicile (Italie) et à Vancouver.

Ayant toujours apprécié le calme de la nature et les grands espaces, en 2010, Sandrine Lebrun s’est établie à Baie-Comeau où elle a demeuré six ans avant de lever l’ancre pour Forestville. Bien installée dans sa résidence en pleine nature, elle consacre plus de temps à ses passions artistiques, la peinture et l’écriture.

Sandrine Lebrun : une artiste dans l’âme

Depuis son plus jeune âge, Sandrine Lebrun s’intéresse à l’art. Elle a développé cette passion lors de son arrivée au Québec en 2001 en se dirigeant vers la technique mandago, qui consiste à laisser la peinture venir à elle plutôt que le contraire.

L’artiste utilise de la peinture à l’huile, étale au hasard sur la toile de la texture et y appose çà et là des éléments provenant de la nature (roches, plumes, écorces, coquillages).

« La toile ainsi préparée reste ensuite accrochée au mur en l’état, jusqu’à ce que je voie une forme se dégager des entrelacs. Cette forme m’inspire une couleur, qui va entraîner un mouvement, un rythme », explique Sandrine Lebrun, qui précise qu’il s’agit d’une communication avec l’âme.

La réalisation d’une toile peut lui demander entre 20 heures et 60 heures de travail au total.

Sa carrière lui demandant beaucoup de temps et d’énergie, elle réussissait à peindre environ deux œuvres annuellement. En 2021, lors de sa première année de retraite, elle en a peint huit.

Comme elle n’aime pas être envahie dans son espace, la peintre n’invite pas les admirateurs d’art dans son atelier. Toutefois, elle compte participer à quelques expositions cette année.

« Je me suis inscrite au Happening des arts de Tadoussac. Comme ça se déroule à l’extérieur, c’est plus facile pour moi », divulgue-t-elle.

Il est possible de se procurer ses toiles en visitant sa nouvelle page Facebook. La MRC de La Haute-Côte-Nord a d’ailleurs fait l’acquisition de deux de ses œuvres.

De plus, Mme Lebrun fait partie du mouvement Aut’Créatifs qui regroupe une trentaine d’artistes autistes au Québec.

« Cela m’a permis de briser l’isolement, de trouver un groupe d’appartenance formidable et de m’engager à mieux faire connaître l’autisme pour faire tomber quelques tabous », affirme celle qui a publié le livre Autisme apprivoisé en 2015.

Le parcours de Sandrine Lebrun en est un de résilience et de persévérance.

Elle sera d’ailleurs en vedette dans un article de la revue culturelle R Magazine dans le cadre du mois de l’autisme en avril. Elle participe aussi à la revue Aut’rement pour laquelle elle écrit des textes à l’occasion.

La psychoéducatrice n’étant pas enfouie bien loin, elle accompagne des personnes se questionnant sur un possible TSA et offre des conférences et formations grâce à l’organisme Action autisme Haute-Côte-Nord Manicouagan.

Cette œuvre nommée Dreaming a été créée par Sandrine Lebrun et sa technique mandago. Photo : Courtoisie

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