Les travailleurs forestiers représentés en force à l’audience de la commission sur les caribous de Baie-Comeau

Par Steeve Paradis 10:32 AM - 18 mai 2022
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Les travailleurs de Boisaco étaient présents en grand nombre pour l’audience de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards.

La Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards a fait salle comble mardi soir à Baie-Comeau, pour le dernier arrêt de sa tournée d’audiences. Si les témoignages des représentants environnementaux ont eu le dessus lors des six premières séances, le milieu forestier a été plus que dominant à Baie-Comeau.

D’entrée de jeu, la présidente de la commission, Nancy Gélinas, s’est dite agréablement surprise du nombre de personnes dans la salle (environ 200), de loin la plus large audience de la tournée, a-t-elle précisé. Elle a aussi rapidement remarqué les t-shirts blancs des employés de Boisaco, qui représentaient plus de la moitié de la foule.

Plusieurs mémoires et commentaires entendus lors de cette soirée tournaient d’ailleurs autour de Boisaco, moteur économique de Sacré-Cœur. On a notamment entendu Lucas Deschênes, directeur général de trois entreprises du groupe, Jimmy Deschênes de la Société de développement de Sacré-Cœur, la mairesse Lise Boulianne et Guy Deschênes, l’homme derrière le succès de Boisaco et des sociétés d’investissement formées par les travailleurs du groupe.

Tous ont évidemment rappelé l’importance capitale du groupe Boisaco pour le développement du village et de la Haute-Côte-Nord et que le pire scénario de protection du caribou évoqué par la commission lui ferait perdre de 20 à 50 % de sa matière ligneuse.

La présidente de la commission, qui posait habituellement une question aux intervenants, s’est abstenue de le faire auprès de l’intarissable Guy Deschênes, qui a eu de la difficulté à s’en tenir aux 10 minutes réglementaires de présentation. « Vous connaissant, je ne me risquerai pas à vous poser une question », a-t-elle lancé, provoquant l’hilarité générale dans la salle.

Vivre et se développer

Première intervenante de la soirée, la mairesse de Forestville et préfète de la MRC de La Haute-Côte-Nord, Micheline Anctil, a souligné que le territoire « a des perspectives démographiques très préoccupantes », qui ne pourraient que s’accroître en cas de pertes d’emploi dans le milieu forestier.

« Je suis venue vous livrer le cri du cœur de nos communautés, qui veulent vivre et se développer », a-t-elle lancé en rappelant que Forestville est née par la forêt et qu’elle a parfois difficilement vécu les bas de cette industrie.

Le représentant régional Côte-Nord/Bas-Saint-Laurent/Gaspésie du syndicat Unifor, Martin Dugas, a dit croire qu’il était possible d’avoir des pratiques forestières durables qui tiennent compte du déclin de la population du caribou, mais « le fardeau n’appartient pas qu’aux travailleurs et leurs communautés ».

Pour le directeur général de Développement économique Port-Cartier, Bernard C. Gauthier, la décision qui découlera de cette commission « aura un impact direct sur l’avenir de la Côte-Nord » et qu’une réduction de la possibilité forestière mettra du plomb dans l’aile à l’usine de BioÉnergie AE Côte-Nord, qui vendra son produit à l’usine de bouletage d’ArcelorMittal, située tout près.

Aucun scénario

Rappelant qu’en prémisse de sa tournée, la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnard avaient présenté deux scénarios totalement hypothétiques de protection de l’espèce. Si l’un des deux scénarios, celui où le caribou est plus ou moins protégé, n’a aucun impact sur l’industrie, le second entraînerait une ponction de 400 000 mètres cubes dans la possibilité forestière et une perte de 300 emplois pour la Côte-Nord.

Pour le préfet de la MRC de Manicouagan, Marcel Furlong, aucun des deux scénarios n’est applicable. « On comprend qu’il faut protéger le caribou, mais il faut aussi protéger l’être humain », a-t-il déclaré. Il réclame du même souffle un fonds de diversification économique régional si des emplois sont perdus.

Seul représentant de l’autre côté de la clôture, si l’on peut dire, le président régional de la Fédération des chasseurs et pêcheurs du Québec, Gilles Couture, a fait valoir que « ça va prendre des compromis, c’est bien certain, pour arriver à protéger le caribou tout en préservant les opérations forestières ».

Avant de quitter la Côte-Nord, les commissaires rencontraient mercredi matin le Conseil des Innus de Pessamit et le chef de l’Assemblée de Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard. Le discours là-bas devrait être tout autre, les Innus ayant déjà fait valoir qu’ils réclamaient une meilleure protection de l’habitat du caribou forestier.

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