Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent : 20 ans de protection des baleines

Par Johannie Gaudreault 3:41 PM - 31 mai 2022
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Trois gardes de parc patrouillent les eaux du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent afin de veiller au respect du Règlement sur les activités en mer. Photo : M. Dupuis/Parcs Canada

En 2002, Parcs Canada et les entreprises d’excursion en mer ont inauguré ensemble le tout premier règlement au pays à établir des distances et des vitesses à respecter pour protéger les baleines dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. 20 ans plus tard, ce règlement est toujours aussi pertinent pour la protection de cet écosystème marin.

Le Règlement sur les activités en mer dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent (RAM) a été créé pour conserver un équilibre entre conservation et développement dans l’aire marine protégée.

« L’histoire du RAM est vraiment liée au parc marin qui a été fondé en 1998. Il y avait déjà à l’époque plusieurs compagnies d’excursion, c’était un haut lieu de navigation. Il fallait donc mettre en place un outil pour encadrer les activités dans l’aire marine protégée », explique Marie-Sophie Giroux, agente aux communications chez Parcs Canada.

Pour créer le règlement, une vaste consultation a eu lieu entre les usagers, les entreprises d’excursion, les groupes de recherche et les municipalités afin que celui-ci concorde avec le milieu.

« Le RAM est géré par Parcs Canada et il découle de la loi fédérale sur le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent », précise Mme Giroux.

Mais il était toutefois innovateur il y a 20 ans. « En ce qui concerne les distances d’approche et les limites de vitesse, on était vraiment dans l’innovation, confirme la porte-parole. Ce sont des mesures qui étaient importantes pour protéger les baleines des collisions, du bruit sous l’eau et du dérangement physique. On était un modèle dans le monde, les regards se sont tournés vers nous. »

Le RAM a également autorisé la limitation du nombre de permis attribué aux embarcations.

« Nous avons établi un nombre limite de 53 permis dans le parc marin, soit un permis par bateau. Ça fait en sorte que les bateaux sont plus gros, peuvent accueillir plus de personnes, mais sont en moins grand nombre sur l’eau. Leur grosseur offre la possibilité de rehausser l’éducation des gens sur la protection des baleines par la présence d’un guide », souligne Mme Giroux.

Inspiration

Le règlement mis en place dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent est tellement novateur que certaines organisations en font une inspiration. Par exemple, Pêches et Océans Canada a repris quelques points du RAM pour la révision du Règlement sur les mammifères marins en 2018.

« Le ministère a inséré la norme de la distance de 400 mètres avec les espèces en voie de disparition comme le béluga et le rorqual bleu. Ça amène une cohérence et une uniformité dans les eaux du Saint-Laurent en plus d’être un gain pour la protection de ces espèces », témoigne l’agente aux communications.

Transports Canada s’est aussi inspiré du RAM dans ses mesures de 2022 pour protéger les épaulards résidents du sud.

« Les navires sont invités à éteindre les échosondeurs et les détecteurs de poissons lorsqu’il est sécuritaire de le faire et de mettre les moteurs au point mort pour permettre aux animaux de circuler si un épaulard se situe dans un rayon de 400 mètres du navire », est-il indiqué.

Évolution

Même s’il existe depuis 20 ans, le RAM n’est pas figé à ses résolutions de départ. Au fil des années, il s’est ajusté selon les études et les projets de recherche. En 2017, Parcs Canada a procédé à sa mise à jour officielle encore une fois avec la consultation des intervenants du milieu.

Des changements ont été apportés pour rehausser la protection des géants du Saint-Laurent. « À l’embouchure du fjord, là où la circulation est plus dense, la vitesse maximale des embarcations est réduite à 15 nœuds, de mai à octobre, comparativement à 25 nœuds auparavant », illustre Marie-Sophie Giroux.

De plus, les motomarines, aéroglisseurs et sports nautiques de traction sont interdits dans l’aire marine protégée. « Ils occasionnent des risques élevés de collision avec les mammifères marins en raison de leur changement de vitesse rapide », mentionne la porte-parole.


La révision du règlement a aussi apporté la possibilité d’établir des secteurs d’exclusion temporaire dans le parc marin, selon les besoins. C’est notamment le cas dans la baie Sainte-Marguerite depuis 2018. Parcs Canada a fermé ce secteur à toute navigation du 21 juin au 21 septembre afin de réduire le dérangement dans cet endroit exceptionnel pour les bélugas.

Des patrouilleurs qui sensibilisent

Faire respecter le RAM sur toute la superficie du parc marin n’est pas chose simple, mais Parcs Canada arrive à le faire grâce à l’embauche de trois gardes de parc qui patrouillent le territoire.

« Ils ne font pas que veiller au respect du règlement, ils axent beaucoup sur la sensibilisation. Ce sont des experts qui sont capables de vulgariser les normes à respecter pour transmettre leurs connaissances », qualifie Mme Giroux.

Les gardes de parc se font également présents lors d’événements spéciaux tels que des tournois de pêche. Ils exercent aussi des tâches de formateurs en offrant un cours à tous les nouveaux pilotes. Cette formation porte autant sur l’écosystème et les espèces vivant dans le parc marin que sur le RAM.

« Chaque année, les pilotes doivent réussir un test pour se remémorer les notions apprises dans la formation », renchérit Marie-Sophie Giroux qui croit que les efforts déployés par Parcs Canada, notamment via l’implantation du RAM il y a 20 ans, a joué un rôle dans l’amélioration des conditions de vie des baleines.

« On a tous un rôle à jouer, aussi petit soit-il, dans la protection des mammifères marins, qui sont dans leur habitat naturel. Nous sommes privilégiés de pouvoir les observer, mais il faut s’assurer de le faire de manière correcte pour leur santé et sécurité », commente-t-elle.

L’agente aux communications donne pour exemple l’interdiction de la navigation pendant une période précise dans la baie Sainte-Marguerite.

« Ce geste a un grand impact sur le béluga, une espèce en voie de disparition, qui doit arrêter ou modifier ses comportements vitaux lors de l’approche des bateaux. Ça aide au niveau de sa santé, son alimentation, sa reproduction, sa communication et pour la survie des petits. »

Depuis l’exclusion temporaire de ce secteur, « on sait que la fréquentation est passée de 40 % à 6 % en seulement deux ans, soit de 2018 à 2020. C’est très encourageant ».

Marie-Sophie Giroux est fière de toutes les mesures implantées dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent et de celles qui vont « au-delà du RAM » comme l’Alliance Éco-Baleine fondée en 2011 qui a notamment adopté le Guide des pratiques écoresponsables pour les capitaines/naturalistes.

« On remarque de plus en plus que les visiteurs veulent une expérience authentique quand ils viennent nous voir, mais aussi une expérience respectueuse de l’environnement. Je crois qu’on peut dire que nous répondons à leurs attentes », de conclure la porte-parole soutenant que le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent est un « laboratoire à ciel ouvert » pour différents projets de recherche au profit des animaux marins.

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