Pompiers volontaires : la relève se fait rare en Haute-Côte-Nord

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 7 juin 2022
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Le directeur et la présidente de l’Entente intermunicipale en incendie regroupant les municipalités de Colombier aux Bergeronnes, Martin Bouchard et Micheline Anctil, s’inquiètent pour la relève des pompiers volontaires.

La pénurie de pompiers volontaires s’accentue d’année en année partout au Québec. C’est une réalité avec laquelle doit composer le directeur du service incendie de la Ville de Forestville, Martin Bouchard, qui s’inquiète du manque de relève pour l’avenir.

« Notre équipe de pompiers est vieillissante. La moyenne d’âge se situe à 40 ans », lance d’entrée de jeu celui qui est à la tête de l’Entente intermunicipale en incendie couvrant les municipalités de Colombier aux Bergeronnes.

Au total, quelque 65 pompiers composent l’équipe des six municipalités et de la Première Nation des Innus Essipit. Idéalement, selon M. Bouchard, « 25 à 30 pompiers par municipalité devraient être embauchés » pour une efficacité optimale et répondre de façon adéquate aux normes de la Loi sur la sécurité incendie.

Toutefois, en ce moment, la sécurité de la population n’est pas en jeu, assure la présidente de l’Entente intermunicipale en incendie, Micheline Anctil. « On pense aux années à venir. Si la situation perdure et que nous ne trouvons pas de relève maintenant, nous devrons nous diriger vers un modèle de pompiers à temps plein, ce qui coûtera cher aux citoyens », précise-t-elle.

En tant que présidente du Centre d’appel d’urgence des régions de l’Est du Québec (CAUREQ), administratrice au conseil d’administration de l’École nationale des pompiers du Québec, et préfète de la MRC de La Haute-Côte-Nord, Mme Anctil est au fait de tous les enjeux entourant la pénurie de pompiers.

« Des discussions sur le manque de relève ont lieu sur tous les comités. À la table des maires, c’est un enjeu que nous abordons presque à toutes les rencontres. Le service incendie est un service très important qui ne sera jamais négligé de notre côté », affirme l’élue.

Plusieurs facteurs

Les difficultés de recrutement sont dues à plusieurs facteurs, mais notamment le changement des mentalités et de la société, selon les deux intervenants. « Les gens accordent plus de temps à la famille et aux loisirs. Le travail ne passe plus en premier comme ce l’était auparavant », commente Mme Anctil. « La garde implique de rester présent dans sa municipalité, ce qui plaît moins aux plus jeunes qui ne veulent pas nécessairement être limités », estime quant à lui Martin Bouchard.

De plus, une majorité de travailleurs doivent se déplacer le jour pour se rendre à leur emploi. « Ils ne sont donc pas disponibles pendant la journée, mais seulement le soir ou les fins de semaine. Un incendie peut survenir n’importe quand, il faut être prêt à tout moment », souligne le directeur qui occupe ses fonctions depuis 10 ans.

Il y a 16 ans, en 2006, à la caserne de Forestville, « on comptait six équipes de sept pompiers et il y avait une liste d’attente de 30 à 40 personnes qui voulaient intégrer l’équipe. Aujourd’hui, on a une quinzaine de pompiers à Forestville », de comparer M. Bouchard.

Critères recherchés

Le métier de pompier est accessible à une grande proportion de la population, mais les personnes visées par le service de sécurité incendie sont celles âgées entre 20 et 50 ans (homme ou femme) ayant une bonne condition physique et détenant un permis de conduire valide. Pour ce qui est des formations, elles sont offertes et payées par les municipalités et peuvent être suivies les soirs ou les fins de semaine.

« Ce sont des formations structurées par l’École nationale des pompiers du Québec. À mesure que le pompier avance dans ses formations, il peut jouer un rôle plus important dans l’extinction d’un incendie. Il doit commencer par les bases avant de passer officier ou lieutenant », ajoute Martin Bouchard, précisant qu’environ trois années peuvent être nécessaires pour compléter les blocs de formation.

Notons également que les interventions des pompiers ne se limitent pas aux incendies. Au fil des années, des services se sont ajoutés à leurs tâches, soit la désincarcération lors d’un accident ainsi que le sauvetage en milieu isolé. « Ça diversifie nos interventions, ce qui est stimulant pour les pompiers », indique le directeur.

La prévention est une piste de solution importante pour contrer la pénurie de pompiers volontaires. Pour les municipalités de l’Entente intermunicipale, cet élément existe depuis une dizaine d’années notamment par l’embauche d’une agente de prévention à temps plein.

Son rôle consiste à faire diminuer le nombre d’appels que reçoit la centrale par année que ce soit par les visites résidentielles pour s’assurer du bon fonctionnement des avertisseurs de fumée ou pour la bonne compréhension des alarmes automatiques des commerces ou résidences.

« Chaque sortie des pompiers occasionne des coûts importants pour les citoyens. Quand on doit sortir pour une alarme automatique, ce sont des coûts qui auraient pu être évités. C’est pourquoi le travail de prévention est très important », confirme M. Bouchard.

Temps plein

Afin d’aller de l’avant et d’assurer un service adéquat à la population, l’Entente intermunicipale se dotera de deux nouvelles ressources à temps complet dès l’automne en plus d’un nouveau camion autopompe neuf. Le directeur s’adjoindra d’un pompier et d’un chef des opérations (secteur ouest), portant ainsi le total des employés à six.

« C’est une façon de s’assurer qu’il y ait toujours quelqu’un de disponible pour conduire le camion, par exemple. On rehausse le temps complet dans les deux secteurs du territoire couvert par l’Entente », soutient Martin Bouchard, fier de voir ses équipes se serrer les coudes peu importe les municipalités auxquelles elles sont rattachées.

Un travail valorisant

Certains diront que le travail de pompiers est épuisant avec les horaires incertains, les formations obligatoires, la conciliation travail-famille, mais pour d’autres c’est une véritable passion et, surtout, un métier valorisant.

« Avoir son diplôme de pompier en poche est une plus-value dans un curriculum vitae. C’est un engagement envers sa communauté et un témoignage de son implication auprès de sa municipalité », soulève Martin Bouchard, qui exerce sa passion depuis 1992.

Christine Boies, David Lesage et Sylvain Dugas font partie de l’équipe des pompiers volontaires de l’Entente intermunicipale en incendie. Ils ont tous les trois intégrer leur caserne respective dans le but d’aider leur communauté. Mais le secret de leur longévité dans le domaine : la passion.

« Durant mes études, j’ai eu un cours qui portait sur les incendies et j’ai trouvé ça vraiment intéressant. C’est là que j’ai décidé de me lancer comme pompière à Forestville pour aider les gens. Je ne suis pas déçue parce que depuis 11 ans, j’adore ce travail et l’esprit d’équipe qui vient avec », raconte Mme Boies.

De son côté, Sylvain Dugas de Longue-Rive a commencé sa carrière de pompier en 1996. « Il y a eu un incendie près de chez nous et il manquait de pompiers pour l’éteindre. J’ai donc donné un coup de main et c’est à ce moment que j’ai eu le coup de foudre pour ce métier », affirme-t-il.

Il a par la suite intégré l’équipe des pompiers de sa municipalité avant de quitter pendant 10 ans en raison de son travail qui lui l’amenait à l’extérieur de la Haute-Côte-Nord. En 2018, à sa retraite, il n’a pas attendu longtemps avant de renfiler son habit de pompier. « J’ai toujours adoré ça et je vais continuer jusqu’à ce que la forme me le permette », déclare le passionné.

En termes de relève, David Lesage est un des plus jeunes pompiers de la brigade. Pharmacien aux Escoumins, il réussit à bien conjuguer sa profession avec son travail de pompier à temps partiel. « Les patrons sont très compréhensifs quand les pompiers doivent quitter leur poste pour aller éteindre un incendie. C’est un travail très important pour la sécurité de la population », témoigne-t-il.

M. Lesage s’est engagé comme pompier il y a 5 ans après avoir été initié par un ami. « J’avais toujours vu ce métier comme étant inaccessible, mais j’ai toujours eu un intérêt, surtout pour aider encore plus ma communauté. Venez vous informer, c’est un domaine très stimulant et plus facile à intégrer que l’on peut croire », ajoute le père de famille.

Les personnes intéressées à se joindre à l’équipe de l’Entente intermunicipale en incendie sont invitées à communiquer avec le bureau principal situé à la Ville de Forestville. « Il ne faut pas se gêner pour poser des questions et s’informer. On a besoin de relève », de conclure Martin Bouchard.

Saviez-vous que?

– La Loi sur la sécurité incendie a été adoptée en 2001.

– Chaque MRC doit fournir un schéma de couverture de risques en incendie au ministère de la Sécurité publique.

– Le schéma de couverture de risques en incendie de la MRC de La Haute-Côte-Nord a été adopté à la dernière séance du conseil des maires, le 17 mai.

– L’Entente intermunicipale en incendie a été créée en 2006 afin de mettre en commun les ressources humaines et les équipements de chaque municipalité en plus de permettre la réduction des coûts liés à la mise aux normes à la Loi sur l’incendie.

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