Québec mise sur un système aérien en déroute!

Par Réjean Porlier 7:00 AM - 29 juillet 2022
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Pour soigner une maladie, il faut d’abord s’entendre sur le diagnostic et pour ce qui est des déboires du système aérien au Québec, notre gouvernement se refuse à prendre acte des faits. La CAQ a choisi de nourrir la bête, ce cancer qui nous ronge depuis le départ de Québecair, freine le développement de nos régions et prive le Québec de revenus substantiels (800M$ annuellement, uniquement en revenus fiscaux, étude de l’IREC, oct 2021). Quel est donc ce cancer ? Tout simplement l’absence d’une concurrence digne de ce nom.

Les faits : je vous invite à effectuer un exercice tout simple qui consiste à magasiner un billet d’avion ailleurs au Canada entre des villes qui se comparent à celles du Québec tant par le volume de population que la distance qui les séparent des grands centres, histoire de comparer des pommes avec des pommes. Vous serez à même de constater que les prix chez nos voisins sont beaucoup moins chers et que l’offre est plus grande.

Prenons Timmins en Ontario vers Toronto versus Rouyn/Montréal. On parle de populations et de distances qui se ressemblent énormément. À Timmins, cinq Q-400 font l’aller-retour quotidiennement pour un montant d’environ 350$. À Rouyn, vous essaierez d’avoir un aller-retour vers Montréal dans la même journée pour un coût comparable.
Vous pouvez répéter l’exercice avec des villes de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, des provinces qui nous ressemblent et les résultats seront similaires.

En fait, c’est ainsi partout où Air Canada fait face à une saine concurrence. La présence d’un WestJet ou d’un Porter assure cette concurrence et du coup, les compagnies n’ont d’autre choix que d’améliorer les services et diminuer les coûts. Et vous savez quoi? Tout ça SANS la moindre subvention!

Dans ces autres provinces, il y a bien quelques exceptions et des endroits où les billets sont plus élevés, mais quand Air Canada a été questionnée devant la commission permanente sur le transport à la Chambre des Communes, elle n’a pu expliquer pourquoi dans une même province, dans des conditions similaires, ses billets étaient beaucoup plus chers pour certains vols.

Air Canada est demeurée muette et pourtant, la réponse était toute simple. Là où les prix explosaient, elle était en situation de monopole, ce qui au Québec est la norme.

Au Québec, le gouvernement et son expert, M. Jacques Roy, ne veulent tellement pas la présence de cette saine concurrence qu’ils comptent sur les compagnies existantes pour se séparer le territoire et le marché. À les entendre, au Québec, les règles de marché les plus fondamentales qui veulent que la concurrence améliore l’offre et tire les prix vers le bas ne tiennent pas, du moins pas en aviation.

Donc, malgré tous ces faits, incontestables et incontestés, malgré toutes ces études qui démontrent l’ampleur de la maladie, malgré que d’autres experts comme le professeur Ebrahimi, fondateur de l’Observatoire international en aéronautique et en aviation civile, recommandent depuis de nombreuses années (20 ans) de revoir le système aérien et d’envisager les aéroports comme des catalyseurs du développement régional, Québec nous sert un nationalisme paternaliste et nous enfonce dans une logique de subvention pour maintenir ce mauvais système en place. Au profit de qui, de quoi? Sûrement pas de l’intérêt des populations qui subissent ce système. Nos impôts servent à subventionner la médiocrité!


Parlons maintenant de la rhétorique gouvernementale pour répondre à ceux et celles qui, comme moi, réclament la mise en place de conditions favorisant la saine concurrence, persuadés qu’il s’agit du cœur du problème.

En passant, l’Union des municipalités du Québec, sous sa gouvernance précédente, après avoir mené d’importantes études, croyait tellement dans cette nécessité de concurrence qu’elle a dirigé, malheureusement sans succès, une mission pour attirer au Québec une compagnie d’envergure. Vous aurez remarqué que le nouveau président de l’UMQ et maire de Gaspé ne parle plus de concurrence et se dit satisfait de la stratégie gouvernementale, tout comme le maire de Baie-Comeau, dont les ambitions politiques sont maintenant connues!

Mais revenons à cette rhétorique gouvernementale mené par deux ténors que sont le premier ministre François Legault et son bras droit, le ministre Pierre Fitzgibbon. Lorsqu’il est question de l’arrivée de nouveaux joueurs comme la coopérative TREQ, avec de plus gros avions, des Q-400, et une grille tarifaire en deçà des 500$, on sent l’urticaire gagner nos amis et les leurs sans doute.

Le premier ministre, vraisemblablement sur la défensive, nous a rapidement sorti son désormais célèbre : « J’ai déjà joué dans ce film-là! ». En faisant référence aux deux dernières années de Québecair, où après avoir nationalisé l’entreprise et y avoir injecté quelques dizaines de millions, on décidait de la fermer.

En laissant tout l’espace à Air Canada, Québec ouvrait toute grande la porte au monopole de cette entreprise, une situation qui, depuis, plombe notre économie et freine le développement de nos régions, faut-il le rappeler.
Voilà un autre fait qui échappe au premier ministre et au gouvernement : Québecair a été pendant plus de trois décennies un fleuron québécois pour répondre aux ambitions du Québec et favoriser le développement des régions.

Il ne fait aucun doute à mon esprit et celui des économistes chevronnés qui ont produit les études de l’IREC sur le transport aérien, que le soutien financier à Québecair pour la remettre à flot et continuer de desservir nos régions nous aurait coûté beaucoup moins cher que le prix payé collectivement depuis sa fermeture.

Encore faut-il, pour comprendre ces faits, accepter de se mettre le nez dans ces études et d’en comprendre la portée, ce que vraisemblablement, le gouvernement se refuse à faire, paralysé par ce puissant lobby des compagnies existantes.

Vous savez M. Legault, votre population aussi a déjà joué dans ce film-là où le lobby et les menaces d’Air Canada de quitter le Québec paralysent à chaque fois notre gouvernement, au point où la solution devient de subventionner ce mauvais joueur.

Pathétique et symptomatique de cette difficulté qu’a le Québec de se libérer de cette emprise colonialiste anglaise dont les effets sont encore bien présents. C’est bien plus pratique de nous servir ces grands discours nationalistes autour de la langue, pour élever les passions et mettre un voile sur le reste.

Mais la langue, c’est justement ce qui avait motivé l’arrivée de Québecair, cette fierté et cette volonté d’être maîtres chez nous. Tout ça a bien pâli: un premier ministre qui ne semble garder que de mauvais souvenirs de ce fleuron et un PDG d’Air Canada qui ridiculise le fait français.

MM. Legault et Fitzgibbon savent très bien compter et connaissent mieux que bien des gens les lois du marché, l’offre et la demande et les effets de la saine concurrence. Malgré tout, ils ont choisi de supporter une stratégie qui en rien ne nous dégagera de cette emprise d’Air Canada. Elle choisira, comme elle l’a toujours fait, de maximiser ses profits, en nous obligeant à des horaires et des services qui ne reflètent aucunement les besoins de nos populations et en plus, elle sera subventionnée pour le faire.

L’écran de fumée des billets à 500$ est vite retombée, alors que voyager au Québec, ça veut dire passer par Québec et Montréal… ah, oui, St-Hubert!!! Un programme qui ne touche pas les gens d’affaires, qui créera énormément de frustration, qui sera d’une lourdeur administrative et qui disparaîtra en même temps que les subventions. Trouvez l’erreur!

Je l’ai dit et je signe; si nos ministres et leurs familles devaient utiliser l’avion sur une base régulière pour leurs besoins personnels et que le développement de leur région dépendait en partie de cet accès aérien, il y aurait belle lurette que le système aurait subi de grandes transformations.

Jamais le premier ministre Legault et le ministre de l’Économie n’auraient levé le nez sur une proposition comme celle de la coopérative québécoise TREQ, avec de plus gros avions, une grille tarifaire stable et accessible… SANS subvention.

À la sortie du programme présenté par le ministre des Transports François Bonnardel, qu’aurons-nous collectivement atteint, sinon le prolongement d’une mauvaise histoire qui dure depuis une trentaine d’années et coûte très cher à la société québécoise!

Tous ces retards et ces annulations de vol des dernières semaines, qui sèment consternation et exaspération chez la population, amèneront j’espère le gouvernement à reconsidérer sa mauvaise stratégie.

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