Raccordement au réseau d’égout à Longue-Rive : des citoyens pris au dépourvu

Par Shirley Kennedy 12:00 PM - 9 août 2022
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Thomas Tremblay espère avoir un retour de la Municipalité cette semaine puisqu’il demande une rencontre depuis deux mois avec l’entrepreneur, le chargé de projet et l’instance municipale.

La 2e phase des travaux de contournement de Longue-Rive étant complétée depuis la fin de l’été 2021, la balle est dans le camp ou plutôt dans la cour des propriétaires qui, depuis novembre dernier, avaient l’opportunité mais surtout la responsabilité, de se raccorder au réseau d’égout. Une tâche complexe et coûteuse pour certains, qui ont accepté de partager leur expérience avec le Journal.

Thomas Tremblay fait partie des cas « plus problématiques » quant au raccordement au réseau, en raison de la hauteur de son sous-sol, puisque son terrain est en pente, donc beaucoup plus bas que la route.

« J’ai fait venir un plombier afin qu’il vienne évaluer la hauteur que je devais excaver puisque je ne savais pas comment c’était fait », explique le résident de Longue-Rive.

Puisqu’il doit installer 150 pieds de tuyaux, M. Tremblay demande à l’ingénieur de SNC Lavallin et le chargé de projet de la municipalité, de venir constater sur place.

« Je voulais savoir si j’étais capable de me connecter. Ils m’ont dit : t’auras pas de problème, j’étais à 12 pieds de la rue principale. »

Rassuré, Thomas Tremblay se procure la quincaillerie nécessaire et procède à l’excavation pour se rendre compte que le fond de son terrain est liquéfié.

C’est le début d’un cauchemar qui perdure pour le Longuerivois, qui a vu les problèmes s’accumuler depuis : son terrain s’est affaissé et son tuyau s’est désaccouplé.

Après une première tentative, Thomas Tremblay requiert les services de Sani-Manic afin de repérer son tuyau et fait une seconde tentative d’excavation mais en vain.

« J’ai tenté de descendre plus profond que mon tuyau, ça n’a pas marché. Je n’avais pas de marge de manœuvre pour travailler sur le bord du chemin », déplore-t-il.

Il contacte la Municipalité et en l’absence de l’inspecteur municipal, c’est la directrice générale Valérie Gille qui se rend sur place. C’est à ce moment qu’elle informe Thomas Tremblay qu’une note à son dossier inscrite par l’ingénieur, indique que son cas est problématique.

« Je n’ai jamais été avisé de cette information. Si j’avais été mis au courant, je n’aurais pas investi tout cet argent. Mon fond de terrain est le même qu’ils ont excavé. Ils étaient au courant de la situation. Je travaille dans ce domaine depuis plusieurs années et l’ingénieur a une rigueur professionnelle à respecter. On aurait dû m’informer et me dire qu’il fallait rallonger mon tuyau et combien ça m’aurait coûté. Mais j’ai été tenu dans l’ignorance. Quand la directrice générale de la Municipalité m’a informé il était trop tard. »

À ce jour, Thomas Tremblay a englouti près de 7 000 $ dans sa tentative de se raccorder au réseau d’égout. Il est connecté mais non fonctionnel, son terrain est un vrai champ de bataille et il ne peut pas l’aménager tant que ce n’est pas réglé.

Il appréhende l’installation d’une pompe pour régler la situation mais il estime que sa propriété perdra de la valeur s’il décide de la vendre.

« J’estime qu’il y a eu négligence. L’entrepreneur aurait dû demander à me rencontrer pour qu’on regarde ça ensemble. Imaginez les pauvres gens qui n’ont pas les moyens d’embaucher un entrepreneur certifié pour se connecter et qui vont faire ça avec les moyens du bord. J’aimerais que notre Municipalité nous soutienne dans ce dossier pour le bien de tous les citoyens de Longue-Rive. »

Thomas Tremblay de Longue-Rive vit de l’insécurité depuis plusieurs semaines en raison des problématiques rencontrées. Il espère une rencontre avec les instances municipales à court terme. Photo : Courtoisie

« Ils doivent faire appel à un entrepreneur certifié »

En entrevue virtuelle avec le Journal tenue le 21 juillet, Valérie Gille et Donald Perron, respectivement directrice générale et maire de la Municipalité de Longue-Rive, ont confirmé que certains citoyens sont déjà connectés au réseau. Ils précisent que les citoyens ont été avisés qu’ils devaient se prévaloir des services d’un entrepreneur certifié pour effectuer l’opération.

« Les gens veulent épargner et c’est de bonne guerre, dit M. le maire. Les entrepreneurs ont des assurances et s’ils se sont connectés sans permis, c’est inscrit dans leur dossier. On regarde l’intérêt collectif. Oui il y en a qui peuvent être lésés un peu mais on ne risquera pas les taxes des gens parce qu’il y en a qui ne sont pas contents ».

Au 22 juillet dernier, le nombre de résidences estimées qui avaient la possibilité de se connecter aux égouts municipaux était de 245 alors que 85 permis ont été émis. « Donc on peut estimer qu’environ 35 % des citoyens ont effectué leur branchement ou sont sur le point de le faire », précise la directrice générale.

Invités à commenter le fait que certains citoyens ont dû démanteler le gazon et parfois même l’asphalte fraîchement installés pour se connecter, les représentants de Longue-Rive ont convenu que c’était paradoxal mais exigé par la CSST.

« Durant les travaux, il ne pouvait pas y avoir deux entrepreneurs sur le même chantier. On le savait mais on n’avait pas le choix. L’entrepreneur devait pour sa part, livrer le contrat et pour ce faire, devait installer le gazon et s’assurer que l’asphalte était complété tel que demandé », ajoute le maire de Longue-Rive.

Selon madame Gille et monsieur Perron, c’est une somme minimale de 2 000 $ que chaque propriétaire a dû ou devra investir pour se raccorder au réseau d’égout. Ils conviennent également que certains contribuables n’ont pas les moyens et devront s’endetter pour procéder.

Ce dernier précise que des citoyens auraient apprécié le prêt d’équipement pour diminuer certains coûts mais ce n’est pas de mauvaise foi que la Municipalité a refusé.

« L’avocat nous a confirmé qu’on n’avait pas le droit de prêter de l’équipement aux citoyens », explique M. Perron.
Ce dernier déplore l’augmentation des coûts des matériaux au cours des derniers mois, ce qui n’est pas pour plaire à ceux qui n’ont pas encore procédé. Selon la longueur des tuyaux, il peut en coûter jusqu’à 8 000 $ pour une propriété, selon madame Gille.

Madame Gille et monsieur Perron sont au fait des problématiques survenues au 491, rue Principale. La directrice générale qui possède une expertise en génie civil, estime que c’est la méthode de travail de M. Tremblay qui lui a nui. « Y a rien encore qui dit qu’il ne peut pas se connecter », a-t-elle mentionné.

Le 22 juillet dernier, madame Gille a fait parvenir une note aux citoyens afin de faire un rappel concernant les travaux de branchements privés des égouts sanitaires et pluviaux, rappelant qu’un permis délivré par la Municipalité est obligatoire en premier lieu.

Elle a fait état des risques encourus si les normes ne sont pas respectées. « Il est de la responsabilité du citoyen de s’assurer que ses travaux de branchements seront effectués par un entrepreneur qualifié détenant les licences requises dans le domaine », est-il souligné.

Le maire de Longue-Rive convient que pour une petite municipalité comme la sienne, le fait d’être maître d’œuvre d’un tel chantier (32 M$ approximativement pour la phase 2), est une lourde responsabilité.

« D’autant plus qu’il y a des résidences à 20 pieds de la rue, à 50 pieds, c’est du cas par cas et le problème suit la chaussée. C’est difficile à gérer. »

Des « casse-tête » qui auraient pu être évités

Deux citoyennes de Longue-Rive partagent selon elles, l’opinion de plusieurs citoyens du village quant au dénouement de la phase 2 du contournement de leur village, un chantier d’une grande envergure qui aura coûté au total 78 M$. (Phase 1 – contournement et phase 2 – réfection de la rue Principale).

« Les gens sont découragés en général Ça pas de bon sens, ils ont tout refait, il faut briser pour se connecter et ça coûte un bras », affirme Marie-Ève Bouchard.

Madame Bouchard affirme qu’en moyenne selon les affirmations de ses connaissances et son entourage, c’est 3 000 $ que les citoyens doivent débourser. « Nous, ça a coûté 4 000 $ et nous laissons ça sur le sable, on n’a pas les moyens de refaire. C’est plate parce qu’on avait de l’asphalte. »

Même son de cloche du côté de Brigitte Tremblay qui a déboursé 3 000 $ pour le raccordement et 1 000 $ pour le gazon.

« Et ce qui est injuste, c’est qu’il y en a qui vont continuer de déverser leurs égouts dans les puisarts et qui ne se connecteront pas à cause des coûts. La Municipalité va-t-elle s’assurer que tout le monde est connecté? Je ne pense pas. Je trouve que ça été mal pensé ces travaux-là. Imaginez ceux qui auront des problèmes ou qui devront utiliser une pompe. La Municipalité aurait pu nous soutenir un peu plus, par exemple acheter des rouleaux de tourbe et la mettre à la disposition des contribuables. Il y a de l’aide qui aurait pu être apportée aux citoyens. C’est un énorme casse-tête pour les plus âgés et les plus démunis », conclut-elle.

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