Le parcours inspirant de l’Escouminoise Ann Marlène Gagnon

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 28 septembre 2022
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Ann Marlène Gagnon, native des Escoumins, a fondé l’Atelier du Patrimoine en 2015 pour y exercer sa passion de conservatrice-restauratrice d’œuvres d’art. Photo : Courtoisie

D’infirmière à conservatrice-restauratrice, Ann Marlène Gagnon a fait de sa passion son métier. En dépit de toutes les embûches qui se profilaient à l’horizon, l’Escouminoise a foncé vers la concrétisation de son rêve, un parcours qui peut en inspirer plus d’un.

Native des Escoumins, Ann Marlène Gagnon s’est toujours intéressée à l’art. Quand est venu le temps, à la fin de ses études secondaires, de choisir la carrière qu’elle souhaitait faire plus tard, elle n’a pas écouté sa petite voix intérieure.

« En petite fille sage que j’étais, j’ai fait une infirmière. J’avais envie de faire des études dans le domaine des arts, mais à l’époque je ne voyais pas en quoi ça pouvait déboucher en dehors de faire de l’enseignement ou de devenir artiste. Mes parents m’ont dit que j’allais crever de faim », raconte Mme Gagnon, qui a croisé la route d’une infirmière, ce qui l’a inspirée à suivre cette voie.

À travers sa douzaine d’années dans le domaine de la santé, les arts continuaient à l’habiter. « J’ai suivi des cours en art floral, j’ai même ouvert une boutique aux Escoumins durant deux ans. J’ai aussi suivi des cours de peinture et de technique de faux fini à Québec. Ça me permettait de poursuivre mon travail d’infirmière et de mettre un pied dans le domaine artistique », affirme Ann Marlène Gagnon.

Finalement, en 2006, elle a amorcé officiellement un virage vers les arts en réalisant un baccalauréat multidisciplinaire en arts visuels et histoire de l’art à l’Université Laval. «J’ai réalisé que je n’avais qu’une vie à vivre », dévoile-t-elle.

C’est ce qui l’a conduite vers le métier de conservatrice-restauratrice, « un domaine que je ne connaissais pas et dont je n’avais aucune idée que ça existait ». C’est quand elle a franchi la porte du Centre de conservation de Québec qu’elle a découvert tout un univers qui lui correspondait tout à fait et qui n’était pas très éloigné de son métier d’infirmière.

« J’ai réalisé que prendre soin des œuvres d’art c’était de poser des diagnostics, proposer des options de traitement, travailler avec des scalpels ou des seringues. Il y a un parallèle à faire », compare l’artiste qui a quitté le Québec pendant 10 ans afin de suivre sa voie.

Pour devenir conservatrice-restauratrice, Ann Marlène Gagnon a dû aller étudier l’École de Condé à Paris en France puisque « ça ne s’enseignait pas au Québec ». Elle devait y demeurer cinq ans, mais elle a plutôt prolongé son séjour de cinq années supplémentaires, accompagnée de son garçon âgé de sept ans au départ.

Ses nombreuses expériences de travail en Europe lui ont permis de bien s’outiller pour l’ouverture de son atelier au Québec. C’est donc en 2015 qu’elle a fondé l’Atelier du Patrimoine et qu’elle a commencé à œuvrer en conservation-restauration dans sa province natale. Ses domaines d’expertise : peintures, papiers, cadres et dorures dans les arts ancien, moderne et contemporain.

Emplacement stratégique

Au début, Mme Gagnon a installé ses pénates à Joliette, où se situait son premier client muséal, jusqu’à ce que son local devienne trop petit et ne suive plus l’évolution de l’entreprise. « J’ai eu une offre de m’installer dans une ancienne manufacture située à Shawinigan qui correspondait mieux à mes besoins. Au niveau géographique, c’était stratégique puisque c’est à mi-chemin entre Québec et Montréal », poursuit-elle.

La conservatrice-restauratrice réalise des contrats un peu partout au Québec et à l’extérieur de la province. Elle possède même des clients sur la Côte-Nord. « Ça me fait plaisir parce que ça me rapproche de mes origines et ça démontre aussi que la réputation de l’atelier fait son chemin, ce qui est une fierté », exprime Ann Marlène Gagnon.

Les restaurateurs d’œuvres d’art sont des travailleurs de l’ombre, selon l’Escouminoise. « On travaille toujours en retrait du travail de l’artiste, mais aussi on n’a jamais d’atelier avec une enseigne à néon pour nous identifier afin de ne pas donner des idées aux voleurs. On reçoit des gens, mais toujours sur rendez-vous, question de sécurité et de confidentialité par rapport à nos clients. »

Cette réalité amène son lot de défis pour faire connaître l’entreprise. « Quand on ne peut pas s’annoncer, comment on fait pour savoir qu’on existe », commente Mme Gagnon. La notoriété d’un atelier se construit donc petit à petit, grâce au bouche à oreille. « Le côté positif, c’est que ce sont des clients satisfaits qui en parlent et tranquillement, ça progresse. »

L’Atelier du Patrimoine, vu le succès de sa fondatrice, commence encore à devenir à l’étroit et la propriétaire a embauché une ressource supplémentaire il y a quatre mois afin de l’épauler dans son travail. « Ça ouvre de nouvelles possibilités », soutient Ann Marlène Gagnon qui complète depuis 2021 un Doctorat en muséologie, médiation, patrimoine à l’Université du Québec à Montréal.

Elle consacre son sujet de recherche sur l’avenir de la profession de conservateur-restaurateur face aux défis de l’art contemporain. « C’est un projet qui me tenait beaucoup à cœur et que je peux réaliser grâce à l’arrivée de mon employée », fait savoir celle qui espère que son processus doctoral lui permettra d’enseigner à l’université.

« À partir du moment où j’ai cessé d’être infirmière et où j’ai fait le choix de poursuivre ce qui m’habitait, est arrivée une multitude de petites portes qui se sont ouvertes. Quand j’ai l’impression que c’est un chemin que je dois prendre, je le suis et, jusqu’à maintenant, ça donne des résultats assez étonnants », conclut Ann Marlène Gagnon.

Accréditation

Depuis 2020, Ann Marlène Gagnon est accréditée par l’Association canadienne des restaurateurs professionnels (ACRP) avec la spécialité peintures.

Cette accréditation lui permet de figurer dans l’annuaire des conservateurs-restaurateurs du pays qui sont reconnus pour leurs compétences, ce qui favorise la réputation de son entreprise auprès de clients potentiels. Il n’existe qu’un nombre restreint de conservateurs-restaurateurs au Québec.

Un seul autre est accrédité par l’ACRP avec la même spécialité que Mme Gagnon et ils sont une quarantaine au Canada.

Un contrat marquant

Au cours d’une carrière, on est amené à réaliser des contrats plus marquants, qui restent davantage gravés dans notre mémoire.

Pour Ann Marlène Gagnon, un grand coup de cœur professionnel a été l’approfondissement de la connaissance historique, matérielle et technique de la chapelle intérieure du Monastère des Ursulines de Québec, réalisé par son atelier cet été.

Ce lieu inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985, reconnu lieu historique par le gouvernement du Canada le 19 octobre 1972 ainsi qu’immeuble patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications du Québec le 5 mai 2011, est un trésor inestimable à préserver, selon elle.

« Ce contrat en trois volets permettait de comprendre toute l’histoire de la mise en œuvre de la chapelle. On se retrouve plus de 100 ans plus tard dans une chapelle qui est détériorée et qui a besoin de travaux pour la remettre en état et pour qu’elle soit sécuritaire pour les visiteurs », explique Mme Gagnon.

Une découverte inattendue

Lors de l’inspection dans le dôme du lanterneau, Ann Marlène Gagnon et sa collègue ont découvert une inscription sur l’une des ailes d’un ange que leurs recherches n’ont pas permis d’élucider à ce jour.

« Il s’agit possiblement du nom de l’artisan qui a réalisé ces plâtres ornementaux en 1902, indique la conservatrice-restauratrice. C’est un détail important au niveau historique qui nous amène à pouvoir en faire une meilleure compréhension. »

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