La chasse au cœur de la Nation Innue

Par Alexandre Caputo 6:00 AM - 13 octobre 2022 Initiative de journalisme local
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Même si elle n’est plus un moyen de subsistance, la chasse est encore au coeur de la communauté innue.

Si le rougissement des feuilles peut avoir des allures de temps des fêtes pour les adeptes de chasse de la province, les membre de la communauté innue perçoivent plutôt cette période comme une opportunité de rendre hommage à leur culture et à leurs traditions. 

Traditionnellement, l’arrivée de l’automne signifiaient que les familles innues en étaient à leurs derniers préparatifs avant de quitter la communauté, afin d’aller s’établir dans les bois du Nitassinan pour l’hiver. 

Évidemment, rares sont rendus les membres de la communauté qui pratiquent encore cette tradition dans son entièreté, mais force est de constater que la chasse et le contact avec la nature sont encore des rouages importants de la culture innue. 

« Chaque membre de la communauté qui a un emploi à temps plein a droit à un voyage en train par année, payé par le conseil de bande, pour se rendre dans le territoire et y pratiquer des activités traditionnelles. De plus, le conseil de bande fournit une certaine quantité d’essence et de l’aide financière pour l’équipement », explique Mme Gloria Vollant, directrice du Musée Shaputuan. « Les membres travaillant comme saisonniers ou n’ayant pas d’emploi ont droit à trois voyages de la sorte par année, l’essence n’est toutefois fournie qu’une seule fois », poursuit-elle. 

De plus, le Gouvernement fédéral offre l’opportunité aux membres des communautés autochtones de prendre jusqu’à cinq jours de congés, à des fins de pratique d’activités traditionnelles.

Selon les plus récentes statistiques récoltées par le Musée Shaputuan, environ deux membres sur trois de la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam sont toujours adeptes des pratiques traditionnelles de leur peuple.

Période de nostalgie pour les aînés

La fin de la saison estivale et la tombée des feuilles font ressurgir d’heureux souvenirs chez les membres de la communauté qui ne sont plus en mesure d’aller s’amuser sur l’immense territoire du Nitassinan. C’est le cas notamment de M. Alexandre Pinette, un aîné respecté de la communauté de Uashat mak Mani-utenam, qui se remémore les quelques 450 kilomètres que sa famille et lui parcouraient pour installer le campement. 

« Nous revenions à la maison un seul mois par année, pour refaire des provisions. Le 1er novembre nous quittions pour le bois, nous commencions par poser des pièges pour les animaux que nous pouvions trapper, puis quand le temps froid s’installait, c’était le temps de la chasse au caribou », se remémore-t-il avec le sourire. 

Pour Mme Thérèse Tshernish, les souvenirs qu’elle garde de ces saisons passées dans le Nitassinan lui sont extrêmement chers. Cette dernière avoue ressentir une grande nostalgie lorsque l’automne se présente. 

« Je me souviens quand on s’installait dans le bois. Lorsque le sol gelait, mon père partait pour plusieurs jours à la recherche du caribou, il apportait avec lui le strict nécessaire et n’oubliait jamais le thé que ma mère lui préparait », se souvient-elle. « Pendant qu’il était parti, nous, les enfants, aidions notre mère à poser des collets et à cueillir des petits fruits », poursuit-elle. 

Une passion transmise aux jeunes

Les gens rencontrés dans le cadre de ce reportage s’entendent tous sur le fait que la chasse, tradition automnale, est encore très en santé et que les jeunes de la communauté ne semblent pas perdre l’intérêt. 

Même si les techniques ont évolué et que les périodes passées dans le Nitassinan ont considérablement diminuées, Mme Tshernish estime que la prochaine génération saura conserver son amour pour ces pratiques traditionnelles. 

« Lorsque j’enseignais, les moments où je faisais le moins de discipline étaient les moments où nous étions dans la nature, ou lorsque nous parlions de chasse. Les jeunes étaient émerveillés, ils voulaient vivre les mêmes expériences que nos ancêtres et voulaient toujours en apprendre plus », explique celle qui a eu une carrière de 30 ans comme enseignante de la langue innue. 

Si la chasse était avant considérée comme un moyen de subsistance pour les communautés autochtones, il s’agit maintenant plus d’un loisir et d’un moyen d’honorer d’anciennes traditions. 

« Aujourd’hui, les jeunes chassent car ils en ont envie, puisqu’il ne suffit que d’aller à l’épicerie au coin de la rue pour avoir de la bonne viande. Lorsque j’étais jeune, les seules parties du caribou que nous jetions étaient le panache et les sabots, le reste servait à notre survie », explique M. Pinette dans son Innu natal. « Nous gardions la viande, la fourrure, la peau, même les os pour fabriquer des outils et la moelle pour mélanger à la graisse et manger ensuite », mentionne-t-il.  

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