Les défis de la crise du logement en Haute-Côte-Nord

Par Renaud Cyr 12:05 PM - 13 octobre 2022
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La Municipalité des Escoumins travaille présentement sur un projet de développement domiciliaire au bout de la rue Sirois.

Nos municipalités et nos citoyens devront s’armer de patience pour affronter la crise du logement. Manque de moyens financiers, désintérêt des investisseurs, population vieillissante et inaccessibilité au logement, plusieurs défis attendent les intervenants impliqués dans ce dossier chaud qui accapare l’attention aux niveaux régional et provincial.

Ce ne sont pourtant pas les projets de développement domiciliaire qui manquent dans notre région. Aux Bergeronnes, une dizaine de terrains branchés à l’aqueduc municipal seront mis en vente sous peu.

Aux Escoumins, le projet de prolongation de la rue Sirois, autrement connu sous le nom du développement de la rivière, verra enfin le jour d’ici la fin de l’année.

Pour Guy Deschênes, le fondateur de l’entreprise Boisaco de Sacré-Cœur, la situation actuelle est un frein à l’intégration de nouveaux travailleurs. « On ne veut pas leur offrir des logements de seconde classe », explique-t-il. « Nous avons des travailleurs, qui comme partout ailleurs sont vieillissants, et qui prendront éventuellement leur retraite. Ces gens-là, il faut les remplacer », ajoute-t-il.

L’achat de maisons par les entreprises pour loger leurs employés reste un moyen efficace à court terme, qui bloque cependant l’accès à la propriété aux familles, et qui vide les villages de leurs habitants.

« Les compagnies n’ont pas le choix de le faire. Économiquement, ce n’est pas une solution viable, car la majorité des gens qui viennent travailler la semaine repartent pour la fin de semaine. Ce n’est donc pas une solution à long terme qui serait envisageable », tranche Lise Boulianne, maire de la municipalité de Sacré-Cœur.

« On a présentement sur la table des projets de développement domiciliaire. Ça suit son petit bonhomme de chemin, mais nous ne sommes pas rendus à l’étape de l’investissement », ajoute-t-elle.
Même si la manière de procéder est encore incertaine, « l’argent n’est pas un problème », confirme Guy Deschênes.

« Il y a plusieurs manières de s’y prendre, comme bâtir des édifices à logements, mais aussi prioriser l’unifamilial. Il faut intéresser les nouveaux arrivants à vouloir rester chez nous, et c’est là que le défi se trouve », conclut-il au sujet d’un futur parc immobilier à Sacré-Cœur.

Plus de maisons

Même si plusieurs projets de développement se réalisent ou sont en voie de le devenir, l’accès à la propriété reste un problème criant. Pour Micheline Anctil, préfète de la MRC de La Haute-Côte-Nord, loger les aînés en résidence bonifierait le marché immobilier.

La troisième phase du projet de développement de la Villa Forestville, qui prévoit la construction de 12 unités supplémentaires de logement pour aînés sur la 1re Avenue, est en voie de réalisation.

« Si nous réussissons à construire 12 unités de logement pour aînés, au final il y aura 12 maisons qui se libéreront », calcule-t-elle. Malheureusement, la construction de ces unités est sans cesse repoussée.

« Depuis le temps du dépôt du projet jusqu’à aujourd’hui, les taux d’intérêt ont doublé, le coût des matériaux et le coût de la main-d’œuvre aussi », se désole-t-elle.

Une bonification nécessaire

La ministre des Affaires municipales et de l’habitation (MAMH), Andrée Laforest, lançait à l’hiver 2022 le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), dont les premiers appels de projets étaient attendus pour le 5 mai. Sur la Côte-Nord, seule l’initiative de la Société d’habitation communautaire de Fermont a été retenue.

Successeur du programme AccèsLogis, le PHAQ comporte toutefois une nouvelle condition. « Disons qu’un investisseur désire construire un bloc d’appartements à coût abordable, le gouvernement lui financera la moitié du coût du projet, mais l’obligera à s’engager pour les prochaines dizaines d’années à garder la vocation de l’immeuble », explique Mme Anctil.

« Les programmes de la Société d’habitation du Québec (SHQ) ne sont pas assez généreux, et les entrepreneurs se retirent des projets comme ça », se désole Micheline Anctil.

« Nous réalisons en ce moment une étude de marché de l’habitation dont nous aurons les résultats en début novembre, et elle nous servira d’outil pour faire modifier les programmes du gouvernement pour qu’ils soient plus adaptés aux réalités de notre région », conclut l’élue forestvilloise.

Des citoyens frappés de plein fouet

Carl* a décidé de quitter la région pour s’établir ailleurs et trouver une meilleure qualité de vie. La bâtisse dans laquelle se trouve son logement est en décrépitude, et quand l’hiver arrive la chaleur se perd par les vieilles fenêtres non isolées.

Dans une publication sur un groupe Facebook dédié au logement, il a remarqué une anomalie. Son logement était mis en location avec une augmentation de plus de 200 $, sans qu’il soit sujet à des rénovations.

« Ce n’est pas un mauvais appartement, mais il ne vaut pas le nouveau prix que le propriétaire demande », explique-t-il.

Karine*, qui occupe une autre unité dans le même bâtiment, est aussi aux prises avec des problèmes. L’eau s’est infiltrée par la toilette brisée de la salle de bain dans les logements du dessous, causant un dégât d’eau dont son propriétaire estime qu’elle est responsable.

« J’ai appelé la santé publique pour savoir s’il y avait des problèmes d’aération et d’humidité. On m’a dit que mon appartement était correct, et qu’ils allaient envoyer un courriel au propriétaire pour qu’il effectue les travaux nécessaires », explique-t-elle.

« C’était en juillet dernier et la toilette a été remplacée à la fin du mois de février », se désole-t-elle. La condensation s’accumule dans une de ses fenêtres durant l’hiver, et l’eau coule jusqu’au sol formant une flaque. « Le propriétaire m’avait dit qu’il allait changer les fenêtres l’an dernier, et il ne l’a pas fait », souligne-t-elle.

Karine pense également quitter la région pour profiter d’une meilleure qualité de logement. « J’aimerais rester, mais je me questionne. Il n’y a pas d’offres intéressantes, il n’y a que des appartements loués à la journée. On a besoin de logements abordables, pas de lofts avec des télévisions plasma », clame-t-elle.

*Les noms ont été modifiés par souci d’anonymat.

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