Les gardiens de Noël

Par Marie-Eve Poulin 7:00 AM - 24 Décembre 2022
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Charlène Maxant est infirmière au département d’hospitalisation de l’Hôpital Le Royer de Baie-Comeau. Photo courtoisie

À 23 h pile, Charlène Maxant enlève sa belle robe de soirée, enfile son uniforme et jette un dernier regard sur ses deux filles et son conjoint. Ils célèbrent encore autour du sapin. Pleine de résilience, elle franchit la porte en pensant à la chance qu’elle a au fond, puis se dirige au chevet de ses patients du département d’hospitalisation de l’Hôpital de Baie-Comeau.

Travailler dans la période des Fêtes demande une adaptation dans l’organisation des festivités et une compréhension des proches. Mme Maxant, qui est mère de deux jeunes enfants, célèbre la veille de Noël comme tout le monde, avec sa famille.

Même si les célébrations vont bon train, le devoir l’appelle et elle doit mettre fin à la soirée prématurément pour se rendre au travail.

« Je quitte la soirée vers 23 h pour aller mettre mon uniforme de travail. C’est particulier quand même. Les Fêtes sont un peu différentes », dit-elle.

Les enfants ont généralement une capacité d’adaptation remarquable et font preuve de résilience. C’est le cas des deux filles de Mme Maxant, qui comprennent la situation.

La famille vit un petit pincement au cœur à son départ, mais c’est sans complaintes que la soirée suit son cours.

« C’est certain qu’elles sont toujours un peu déçues quand elles me voient quitter », affirme l’infirmière. « Mais, elles restent avec leur papa et savent que ça fonctionne comme ça », poursuit-elle, avec une petite culpabilité de maman dans la voix.

Charlène Maxant n’a jamais été en vacances avec ses filles, pendant les Fêtes. « C’est comme ça dans mon métier et elles comprennent tout à fait », assure-t-elle avec résilience.

En plus de devoir partager leur mère pour le réveillon, ses enfants doivent faire preuve de patience pour les cadeaux.

« On déballe les cadeaux le 25 au matin. Mes filles savent que quand je travaille comme cette année, même si le père Noël est passé et a déposé des paquets, elles doivent attendre que j’arrive pour qu’on déballe les cadeaux ensemble. »

Pour la maman, il est plus difficile de travailler à Noël qu’au jour de l’An.

Elle préférerait toujours travailler le 31 décembre, plutôt que le 24-25 décembre, pour être avec ses enfants.

« Voir la magie dans leurs yeux le matin, quand elles se réveillent pour voir ce qu’il y a sous le sapin (…) ce sont des moments que je ne peux pas vivre quand je travaille de nuit. Mais, mes filles comprennent… », réitère-t-elle.

Un 24 décembre à l’hôpital

En milieu hospitalier, l’ambiance n’est pas souvent aux réjouissances. N’empêche qu’en cette période festive de l’année, l’équipe réussit à mettre un peu de magie.

Les employés apportent des décorations de la maison et tout le monde met la main à la pâte pour décorer l’étage du département d’hospitalisation de l’Hôpital Le Royer.

Guirlandes, sapins miniatures et figurines de bonhomme de neige apportent une touche festive au décor froid de l’établissement de santé.

Le lieu de travail, où l’on passe une bonne partie de notre temps, devient un peu comme une deuxième famille.

Alors à défaut de pouvoir continuer de célébrer avec leurs proches, Charlène Maxant et ses collègues apportent chacun un plat pour faire un buffet.

Tout le monde passe se servir à un moment ou à un autre de son quart de travail.

« C’est un petit moment de partage », ajoute-t-elle.

Comme elle travaille uniquement de nuit, son contact avec les familles des patients est assez limité. Toutefois, la reconnaissance trouve son chemin.

« À cette période de l’année, les petites attentions sont plus fréquentes qu’à l’habitude. On reçoit des cartes de souhaits, des cartes pour nous remercier, des chocolats ou des beignes du Tim Hortons. Les médecins aussi nous offrent des chocolats », illustre-t-elle.

Les cartes reçues sont fièrement affichées au babillard du département.

Dans les chambres, de petits sapins illuminés sur les tables de chevet des patients apportent du réconfort. On y voit souvent des assiettes de desserts faits maison apportées par les proches. Ces petits morceaux des festivités familiales leur rappellent qu’ils ne sont pas oubliés.

En mission peu importe le jour

Une nuit à l’urgence à la veille de Noël, ou du jour de l’An, est une nuit comme les autres pour l’urgentologue Dre Émilie Fournier. Mais l’empathie envers les patients qu’elle soigne à l’Hôpital de Sept-Îles peut apporter un brin de douceur pour ceux qui rencontrent la maladie pendant les Fêtes.

Pour la Dre Émilie Fournier, que ce soit le temps des fêtes ou non, ça ne fait pas de différence pour sa journée de travail.

« Du moment où je quitte ma famille pour rentrer à l’urgence, peu importe la fête ou le congé de l’année, je rentre pour accomplir une tâche », dit-elle en laissant voir le sens du devoir et du dévouement.

Elle décrit son travail à l’urgence de manière imagée.

« C’est comme si je me préparais pour la guerre à chaque fois que je vais travailler.»

Prête à tout, elle prend place à son poste pour accomplir sa mission.

« L’urgence de Sept-Îles est une urgence qui est très, très bondée, très occupée. Donc, les médecins, les infirmières, les préposés, les gens du ménage sont là pour offrir le service, peu importe la période de l’année », explique-t-elle.

« C’est sûr que quand on arrive sur nos quarts de travail, je pense que tout le monde est un peu plus dans l’ambiance festive, mais sur le plancher, devant les cas qu’on a, la diversité de ceux-ci, la réponse reste la même et je pense qu’on fait tous du mieux qu’on peut pour aider les patients qu’on a », dit Dre Fournier.

Les Fêtes se suivent, mais ne se ressemblent pas. Tantôt Noël à l’urgence est plutôt calme, tantôt c’est l’hécatombe.

« La tâche à accomplir est la plupart du temps colossale. Des fois, on a une petite chance. Certaines fêtes sont un peu moins occupées. C’est variable d’une année à l’autre », ajoute-t-elle.

Malade à Noël

Être malade à Noël peut être teinté de négativité et plus difficile, en raison de la nostalgie qui accompagne cette période de l’année. Les gens vont avoir tendance à se demander pourquoi ils sont malades à Noël.

Dre Fournier croit que ses collègues et elle peuvent faire une différence pour ceux qui passent ce moment difficile, en adaptant leur approche.

« Je pense que là où les soignants vont faire la différence, et pas juste pendant les Fêtes, c’est dans le temps qu’ils prennent et dans l’empathie qu’ils mettent dans chacune de leurs rencontres », souligne-t-elle.

Puisque c’est le premier Noël « plus normal » depuis quelques années teintées de Covid, elle souhaite que cette année, les gens puissent profiter de la chance de passer de bons moments avec ceux qu’ils aiment.

« Profitez de votre famille, profitez des uns des autres, parce qu’on ne sait jamais quand ce ne sera plus possible de le faire. »

Des patients fragilisés

Au cours de la période des Fêtes, les consultations pour des personnes en grande détresse augmentent à l’urgence de Sept-Îles.

Dre Émilie Fournier constate que les consultations de gens qui ont des idées suicidaires sont plus fréquentes à cette période de l’année, comme à quelques autres moments.

« Toute période qui est un moment de rassemblement, si ce n’est pas ce qui est vécu dans la vie de la personne, ça devient plus difficile », explique-t-elle.

« Les joies du temps des Fêtes amènent leur lot de tristesse pour certaines personnes », dit-elle avec compassion.

Kim Bouchard du Centre de prévention du suicide de la Côte-Nord, croit qu’il est important de prendre soin les uns les autres, et que comme collectivité, il faut être plus à l’affût.

« C’est déjà difficile de reconnaître qu’on ne va pas bien, qu’on vit des moments qui sont plus fragiles plus teintés de détresse », dit Mme Bouchard.

Il ne faut pas avoir peur d’aborder la question et de demander directement à la personne pour qui on s’inquiète si elle pense au suicide. On peut aussi se tourner vers les ressources d’aide.

« Soyez là pour écouter. Montrez que vous êtes ouverts à la discussion », dit-elle.

Il ne faut pas hésiter non plus à téléphoner quelqu’un qui est seul.

« Il ne faut pas se dire que ça fait longtemps qu’on ne s’est pas parlé, que ça ferait bizarre. Au contraire, cette personne sera sûrement très heureuse de vous parler ».

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