La région a besoin de l’immigration

Par Karianne Nepton-Philippe 5:00 PM - 13 mars 2023 Initiative de journalisme local
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L’équipe de la Côte-Nord (Manicouagan, Sept-Rivières et Haute-Côte-Nord) au Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec en 2022. Photo courtoisie

La dernière étude de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) démontre que les régions du Québec ont besoin de l’immigration pour contrer la hausse constante de la pénurie de main-d’œuvre. Les organismes venant en aide aux nouveaux arrivants sur la Côte-Nord approuvent, mais nuancent puisqu’il s’agit d’une solution qui fait partie d’un tout, selon eux.

Le déficit annuel prévisible pour combler les besoins régionaux de main-d’œuvre atteindra près de 18 000 immigrants au Québec selon la FCEI. Toujours selon cette étude, la Côte-Nord/Nord-du-Québec présente un déficit annuel de main-d’œuvre de 426 travailleurs et le déficit à prévoir pour 2021-2025 est de 2 130.

Dans son rapport, la FCEI met l’emphase sur les solutions permettant de privilégier l’immigration vers les régions du Québec, à l’extérieur de Montréal.

« La régionalisation, c’est une partie de la solution. Il y a l’immigration et les travailleurs venant de tout autre secteur. La régionalisation c’est non seulement une partie de la solution, mais ça fait longtemps qu’on en fait », indique Chantale Chénard, coordonnatrice de Manicouagan interculturelle.

« C’est sûr que la réalité terrain, la volonté est là complètement, autant des employeurs que des élus ou des organismes d’accueil. Tout le monde est du même avis que c’est nécessaire pour la démographie de notre région et la vitalité économique », plaide Hélène Lejeune, responsable des services aux immigrants au Centre alpha LIRA de Sept-Îles.

« On y croit, c’est difficile, ça nous demande énormément de travail, mais on voit des résultats », ajoute cette dernière.

Partir de Montréal

Romel Touoyem, un des instigateurs du Regroupement multiculturel Manicouagan, s’est installé à Montréal avant de déménager à Baie-Comeau. « La première phrase de la régionalisation, c’est à l’interne, c’est au Québec. Si tu t’installes à Montréal, c’est souvent difficile de quitter après. J’en connais qui y sont et ça fait depuis deux, trois ou dix ans qu’ils veulent quitter, mais il y a un frein. »

« Il y a des enjeux de logistique quand tes enfants vont déjà à l’école ou quand tu as un bail, etc. Et quand tu t’installes à Montréal au départ, c’est plus difficile de changer de région par après. C’est une autre immigration », ajoute Mme Chénard.

Un changement

La mentalité change et la régionalisation des nouveaux arrivants est de plus en plus présente. D’ailleurs, la coordonnatrice de Manicouagan interculturelle y voit une grande amélioration. Même chose pour Romel Touoyem et Gael Djouakam du Regroupement multiculturel Manicouagan. « À Montréal, il existe des organismes de régionalisation. Leur objectif c’est d’aider les gens avec un projet de région à, en quelque sorte, magasiner leur région selon leurs besoins », explique Mme Chénard.

« Après, il faut faire ressortir la Côte-Nord du lot. Il y a encore une amélioration à faire, mais je dirais qu’on a de belles réussites avec la régionalisation », ajoute-t-elle. « Ça fait longtemps qu’on va à Montréal pour parler de la région pour essayer de démystifier notre région et attirer des gens », mentionne Hélène Lejeune.

Ensuite, reste à déconstruire les idées négatives ou erronées sur la Côte-Nord. « Dans ça, je pense qu’il y a beaucoup d’ignorance et un manque de volonté, parce que les gens ne sont pas curieux. Il y a aussi, d’après moi, le fait qu’on ne parle pas tant que ça de la Côte-Nord, par exemple, aux nouvelles à la télévision à Montréal », déclare M. Djouakam, qui est arrivé en 2013 comme étudiant au cégep de Baie-Comeau.

En revanche, Chantale Chénard donne toujours l’exemple de campagnes publicitaires et le travail de sensibilisation des organismes. « Oui, il y a encore de l’ignorance, mais moins », déclare-t-elle. Romel Touoyem voit beaucoup de gens adopter rapidement la région. « Il y en a qui sont partis d’ici pour l’université, mais qui projetaient de revenir ensuite et pourtant, ils ne sont pas de Baie-Comeau », indique-t-il.

Finalement, les trois sont unanimes : il y a un changement et il est visible sur le terrain.

Quels sont les obstacles?

Tous s’entendent pour dire que les efforts sont déjà mis de l’avant, mais qu’il reste encore du chemin à faire. Ceci paraît notamment au niveau des incitatifs à développer pour attirer les nouveaux arrivants. Rapidement, la première réponse est simple : « Ça prend des logements et des garderies », lancent Mme Chénard et M. Djouakam. 

Une grande partie des nouveaux arrivants déménage avec des familles nombreuses et les services n’y sont pas. Cela apporte également un enjeu économique.

« L’attrait aussi de Montréal ou Québec, ce sont les choix des commerces. Par exemple, pour faire mon épicerie, j’ai moins de choix à Baie-Comeau. Vous savez, les immigrants qui viennent en famille, ils veulent un Costco par exemple pour que ça leur coûte moins cher », lance ensuite Gael Djouakam.

Un meilleur financement est aussi demandé, surtout mieux adapté à chacune des régions. « Ça prend vraiment plus de moyens en regard à la région dans la région où on est. On le sait, nos réalités sont complètement différentes d’une région à    l’autre », rappelle Mme Lejeune. Chantale Chénard pointe aussi du doigt l’enjeu du transport en commun, mais rappelle, contrairement à la croyance, que la paperasse n’est pas un frein pour elle.

« La paperasse, c’est lorsque tu arrives d’un autre pays, ce qui n’est pas de la régionalisation. C’est du recrutement international. Donc, quand on parle de régionalisation, qui est de partir des grands centres pour transférer dans une autre région, il n’y a pas nécessairement plus de paperasse », précise-t-elle. «

Après, la différence de qualité de vie quand tu as des enfants, pour moi, la Côte-Nord est largement plus intéressante. Pour moi, la qualité de vie est meilleure dans bien des régions », poursuit M. Djouakam.

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