De la petite politique autour d’un pont

Par Raphaël Hovington 3:00 PM - 11 mai 2023
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Le Parti québécois cherche à politiser le débat entourant la construction d’un pont sur la rivière Saguenay pour forcer le gouvernement de la Coalition avenir Québec à se peinturer dans le coin, autrement dit à s’engager à construite ce pont que tout le monde attend depuis cinquante ans, sauf la population de Tadoussac qui craint une dévitalisation économique.

Politiser cette question ne mènera à rien, si ce n’est qu’à faire les gros titres dans les journaux et occuper un peu plus d’espace dans les médias électroniques, ce dont se nourrit le PQ depuis la cuisante dégelée du 22 octobre dernier. Le parti a bien failli être éliminé de la carte. Comme il dispose de peu de temps à l’Assemblée nationale, il cherche à attirer l’attention. Il a réussi le coup du « serment au roi » devenu facultatif en refusant de le prêter officiellement, ce qui empêchait les trois élus, dont leur chef, de faire leur entrée au parlement.

Dans mon esprit à moi, ça demeure un coup fumant. Le PQ veut-il en faire autant avec le pont sur la rivière Saguenay? La question mérite d’être posée. La motion que le député des Îles de la Madeleine a déposée jeudi dernier forçait le gouvernement à s’engager à construire un pont sur le Saguenay. Évidemment, la CAQ a refusé le libellé de la motion puisqu’elle a toujours soutenu qu’elle attendait les résultats de l’étude d’opportunité avant d’aller de l’avant.

En juillet dernier, le premier ministre déclarait que Québec irait de l’avant avec la construction d’un pont sur la rivière Saguenay « si l’étude est positive ». Les deux candidats caquistes à l’élection dans le château-fort péquiste de la Côte-Nord se prononçaient également en faveur de l’érection d’un pont pour désenclaver la Côte-Nord. Depuis, ils ont été élus et tout le monde espère qu’ils tiendront leur engagement. On ne leur demandera pas de démissionner comme le Parti conservateur d’Éric Duhaime le fait dans le cas du ministre Éric Caire qui s’était engagé à le faire si la CAQ reculait dans le dossier du troisième lien.

On sait que M. Duhaime surfe sur la grogne populaire pour tenter de faire son entrée à l’Assemblée nationale si jamais le député de La Peltrie était contraint d’abandonner son siège, ce qui pourrait arriver malgré l’appui du premier ministre. M. Caire qui est ministre de la Cybersécurité et du Numérique a très mal paru lors des changements technologiques survenus à la Société de l’assurance automobile du Québec. Il s’est lavé les mains des ratés informatiques de la SAAQ. Sa cote d’amour en a pris pour son rhume, mais c’est un batailleur. Il résistera.

Pourquoi une telle motion? Le PQ s’explique en disant « vouloir tester la volonté de la CAQ au sujet de l’aménagement d’un pont, au lendemain du refus du ministre responsable des infrastructures de s’engager à ce sujet ».  Déjà en parlant de la CAQ plutôt que du gouvernement, c’est manifestement un signe de politisation de ce débat. On sait que le gouvernement a perdu des points en reculant sur le troisième lien, ce qui à mon humble avis était la décision la plus sage à prendre compte tenu des coûts pharaoniques de ce projet. On sait aussi que le PQ remonte dans les sondages, ce qui le ramène dans l’arène politique et lui assure un avenir alors qu’on le croyait tous moribond.

Mais est-ce une raison pour politiser un débat aussi important que le désenclavement de la Côte-Nord. Qu’on me permette d’en douter. Deux études sont actuellement en route, une pour traiter des répercussions de la construction d’un pont sur l’exploitation de la traverse Tadoussac-Baie-Sainte-Catherine et une autre, dite d’opportunité, pour permettre au gouvernement de prendre une « décision éclairée » quant à la solution optimale pour la construction d’un pont. Lors de l’étude des crédits budgétaires de 2023-2024, le ministre Jonathan Julien a tenu le même discours, en employant les mêmes expressions. Est-il évasif ou prudent? À vous de juger.

De son côté, le député Yves Montigny a tenté de remettre les pendules à l’heure. Il n’a pas raté l’occasion de rappeler que le PQ n’a rien fait dans ce dossier même s’il a été au pouvoir pendant 40 ans. La Société pour un pont sur le Saguenay a argué qu’il n’y avait pas de volonté politique à l’époque. La Coalition Union 138 déploie un trésor d’imagination pour démontrer que la construction de ce pont doit se faire. Pendant ce temps, le conseil municipal de Tadoussac demande la réalisation d’une troisième étude, comme s’il cherchait à jeter un nouveau pavé dans la marre. Tadoussac ne veut pas être isolée, mais doit-elle isoler le reste de la Côte-Nord pour continuer de vendre de l’essence à des motoneigistes.

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