Exaspéré par les propos de deux témoins qui militent pour la protection du français au Québec, le député libéral franco-ontarien Francis Drouin a utilisé des termes vulgaires pour leur dire sa façon de penser, les qualifiant notamment de « plein de marde ».
«Vous avez des propos qui sont pas mal extrémistes», a d’abord affirmé le député en prenant la parole lundi en fin d’après-midi au Comité permanent des langues officielles lors d’une étude portant sur le financement des institutions postsecondaires anglophones au Québec et francophones ailleurs au pays.
Tour à tour, Frédéric Lacroix et Nicolas Bourdon, respectivement chercheur indépendant et professeur membre du Regroupement pour le cégep français, avaient expliqué au comité que de fréquenter une université ou un cégep anglophone augmente significativement la probabilité de mener sa vie en anglais.
Le député Drouin est sorti un peu plus de ses gonds lorsque M. Lacroix s’est demandé dans sa réponse si «extrémistes» constitue «un langage parlementaire». «M. Lacroix, si vous voulez me niaiser ici, je n’ai pas de patience avec votre discours», a rétorqué M. Drouin.
Il n’en fallait pas plus pour que le porte-parole bloquiste en matière de langues officielles intervienne. «C’est inacceptable, a lancé Mario Beaulieu. Commencer en les traitant d’extrémistes. On pourrait vous traiter d’extrémiste. Ce n’est pas un langage qui amène à une discussion logique et rationnelle.»
M. Drouin, qui se décrit comme un «ardent défenseur ontarien» de la Charte de la langue française du Québec, a alors expliqué qu’en tant que président de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, il constate que même la France s’anglicise. «Est-ce que vous pensez vraiment que le gros problème de l’anglicisation au Québec c’est McGill et le collège Dawson», a-t-il alors demandé.
«Ce qu’on voit, c’est que Statistique Canada, un organisme probablement extrémiste à vos yeux, a prouvé que les institutions bilingues avaient une très, très forte incidence sur l’anglicisation des francophones et des allophones au Québec, lui a répondu le chercheur. Toutes les données convergent en ce sens.»
Un tel discours est non seulement «dans le champ de patate pas à peu près», mais il est également «insultant» et il «manque de respect intellectuel envers la réalité, ce qui se passe au niveau international», a renvoyé M. Drouin, qui tentait visiblement de se retenir.
«Scuse-moi, mais vous êtes plein de marde. Je vais retirer mes propos, mais vous êtes dans le champ», a-t-il continué avant de se faire interrompre par le président du comité qui tentait de le rappeler à l’ordre.
«Québec bashing»
«C’est de l’intimidation des témoins, s’est insurgé Mario Beaulieu. Monter le ton, traiter les invités de plein de marde: c’est du “Québec bashing” qu’il est en train de faire. Et c’est exactement ce qu’on voit souvent chez les libéraux. Si on veut un financement équitable, on agresse ou on est extrémiste.»
Le vice-président du comité a expliqué que sa formation politique ne réclame pas de retirer du financement aux universités anglophones, mais qu’il souhaite plutôt un financement équitable.
Le chercheur Frédéric Lacroix avait signalé qu’une étude qu’il a menée conclut que la part du financement fédéral des universités anglophones du Québec – McGill, Concordia et Bishop – est environ quatre fois supérieure à leur poids démographique et qu’à l’inverse, les institutions francophones en reçoivent «nettement» moins.
Piqué au vif par les propos de M. Drouin, l’autre témoin, le professeur Nicolas Bourdon, a noté que l’anglais est enseigné «de la première année du primaire jusqu’au cégep» comme langue seconde dans toutes les institutions francophones du Québec. «De là à dire qu’on tient un discours extrémiste: non, c’est faux», a-t-il déclaré.
Tant le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Joël Godin, que son homologue néodémocrate Niki Ashton ont déploré la façon dont M. Drouin a posé ses questions et insisté sur l’importance que les parlementaires écoutent tous les points de vue, y compris lorsqu’ils sont en désaccord.
En tentant de calmer les esprits, le libéral René Arseneault, qui préside le comité, a demandé aux élus d’adopter «une démarche un peu plus civilisée». Il a affirmé n’avoir «jamais vu ça» depuis qu’il a commencé à siéger au comité, en 2016.
Le député Drouin a rapidement quitté la pièce après son intervention. Tout en jugeant que ce n’est pas une manière de s’exprimer, sa collègue libérale Annie Koutrakis a expliqué qu’il arrive que «la température augmente». Et bien que M. Drouin ne se soit pas excusé, il a retiré ses propos, a-t-elle noté dans un bref échange avec La Presse Canadienne.
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