Sept-Îles : 20 km à pied chaque jour, pour aller travailler
Michel Somin a marché la route entre l’aéroport et chez lui des dizaines de fois. Parfois, des gens lui proposent de le raccompagner.
Un Ukrainien de 67 ans installé à Sept-Îles depuis moins d’un mois marche dix kilomètres, matin et soir, pour se rendre et revenir de son travail à l’aéroport.
Michel Somin, rencontré sur le bord de la 138 un soir d’orage, avoue qu’il ne peut simplement pas se permettre de se rendre au travail en taxi. Deux de ses amis ukrainiens l’ont suivi dans son épopée au Canada et eux prennent le taxi pour aller travailler. Leur facture pour le mois monte à 1200 $. Avec son salaire de concierge, Michel Somin dit qu’il verserait son revenu en entier pour payer le taxi. Il préfère donc se lever plus tôt le matin et revenir plus tard le soir. Quelques fois, des automobilistes lui offrent le voyagement.
L’histoire de Michel en Ukraine
Michel Somin est né en Ukraine et y a élevé ses deux filles. Dans les années de la chute de l’Union soviétique, il a travaillé comme ingénieur à l’usine de moteur d’avion pour un salaire de misère de 20 $ par mois. Lorsque sa première fille a commencé à travailler pour des bateaux de croisières, elle a invité son père à l’accompagner. En voyant le salaire, il a sursauté : l’équivalent de 800 $ canadiens par mois.
Il est donc retourné aux études à temps partiel, pour pouvoir éventuellement exercer son métier d’ingénieur sur des bateaux de croisière. Ainsi, il a été marin sur le grand fleuve qui relie l’Ukraine à la mer Noire. Quand l’entreprise de croisière a été vendue, il a été congédié.
Donc, de 2018 à 2024, il a travaillé en Pologne, peu importe où il y avait de l’emploi. Par exemple, il a travaillé pour un abattoir presque entièrement automatisé. Il devait travailler physiquement 12 h/jour dans des chambres froides pour ce qui représenterait ici 850 $ par mois.
Son arrivée au Québec
M. Somin rêve de vivre ici depuis que des missionnaires évangélistes canadiens sont passés par son village en Ukraine, il y a 30 ans. Ils avaient raconté la vie des habitants du Canada et ça l’avait charmé. En apprenant que le Canada était accueillant ces temps-ci pour les Ukrainiens, Michel Somin a cherché à obtenir un visa de travail. Il a dépensé toutes ses économies pour un billet vers Montréal.
Après avoir passé la sécurité à l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau, il a demandé de l’aide. Un organisme de soutien aux immigrants ukrainiens l’a assisté, pendant les premiers jours. Il lui a offert une chambre d’hôtel, et éventuellement, un emploi à Sept-Îles.
Bien que son nom sonne québécois, le vrai nom de l’Ukrainien est Mykhailo. C’est Alpha Lira, l’organisme d’accueil des immigrants de Sept-Îles, qui lui a proposé de traduire son nom. L’organisme communautaire l’a aussi aidé à trouver un logement et lui a offert de l’aide alimentaire.
Michel Somin dit s’installer un pas à la fois. Récemment, un de ses collègues a parlé de la situation à son employeur. Ce dernier s’est empressé de lui offrir des billets de taxi-bus.
M. Somin aimerait apprendre le français, peut-être dès cet été. Une fois à l’aise avec la langue, il pourra postuler pour un emploi en aéronautique.
Alpha Lira fait de son mieux
Fanja Rajery, la directrice générale d’Alpha Lira, se souvient de l’arrivée de l’Ukrainien. Il a été accompagné au mieux des capacités de l’organisation. Elle n’a pas de traducteur, mais elle a servi d’interprète avec son employeur. Elle a aussi réussi à lui trouver un logement. C’est d’ailleurs souvent le besoin des nouveaux arrivants.
« Les besoins pour les immigrants sont généralement les mêmes, le logement et la garderie », énumère Mme Rajery. « Puis, le transport peut être un défi ».
Selon elle, un employeur qui offre un permis de travail fermé a une responsabilité dans la mise en place de bonnes conditions de vie pour le travailleur étranger qu’il accueille.
Toutefois, un immigrant qui arrive au Canada avec un permis de travail ouvert doit s’organiser seul. C’est là qu’un organisme comme Alpha Lira peut aider. Par exemple, lorsque les immigrants arrivent à Sept-Îles, « ils ne savent pas comment accéder aux informations, à leurs droits, on est là pour les aider par rapport à ça », indique la directrice de l’organisme.
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