La destruction de 37 lacs est nécessaire pour un projet de transition énergétique

Par Stéphane Blais, La Presse Canadienne 3:43 PM - 11 juillet 2024
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Le ministre de l'Environnement Steven Guilbeault s'exprime lors d'une conférence de presse à la suite d'une réunion avec ses homologues territoriaux et provinciaux à Ottawa, le mercredi 26 juin 2024. LA PRESSE CANADIENNE/Spencer Colby

Des groupes écologistes dénoncent la destruction de 37 plans d’eau pour entreposer des résidus miniers sur la Côte-Nord, mais ces dommages environnementaux sont nécessaires à la réalisation d’un projet qui contribuera à la transition énergétique, selon le ministre de l’Environnement du Canada, Steven Guilbeault. 

Minerai de fer Québec, propriétaire de la mine du lac Bloom, située à environ 13 km au nord-ouest de Fermont, a reçu l’aval du gouvernement fédéral pour procéder à la destruction de dizaines de plans d’eau afin d’agrandir ses aires d’entreposage de résidus et stériles à son site minier.

«Il y a des impacts à aller miner des minéraux critiques et différentes composantes dont nous allons avoir besoin pour la transition énergétique», mais «l’électrification de nos transports et l’électrification de nos industries vont permettre de réduire notre dépendance au pétrole qui va permettre de réduire l’impact des changements climatiques», a réagi le ministre Guilbeault lorsque La Presse Canadienne l’a questionné sur les raisons de détruire ces lacs, jeudi.

1 560 000 mètres carrés

Selon un document du gouvernement fédéral publié le 3 juillet dans la Gazette du Canada, les nouvelles installations de la minière pour entreposer les résidus détruiront «37 plans d’eau où vivent des poissons», ce qui représente une superficie de 156 hectares, ou 1 560 000 mètres carrés.

La Loi sur les pêches interdit le rejet de substances nocives dans les eaux où vivent des poissons, sauf en cas d’autorisation du gouvernement.

«Le principe qu’on utilise dans ce cas-là, c’est le principe de compensation qui est un principe qui existe depuis un certain temps en matière environnementale», a rappelé le ministre Steven Guilbeault en ajoutant que «le promoteur du projet doit s’engager à compenser, par la protection, l’équivalent  de ce qu’il détruit, sur un autre lieu».

Minerai de fer Québec a proposé «sept projets visant neuf sites distincts» en guise de compensation.

Ces projets «appuieront la conservation et la protection du poisson et de son habitat» et procureront «des avantages écologiques proportionnels aux effets néfastes découlant de la perte d’habitat du poisson causée par l’utilisation de plans d’eau pour le dépôt des résidus miniers», peut-on lire dans le document publié dans la Gazette du Canada.

Vives réactions de groupes écologistes

Des membres de la Fondation Rivières, d’Eau Secours, de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement et d’autres organismes ont signé une lettre qui dénonce la décision du gouvernement fédéral.

Ils font valoir que la destruction de lacs est une «pratique ayant été graduellement abandonnée ou carrément interdite un peu partout à travers le monde, étant donné son caractère dévastateur, et compte tenu du fait qu’une alternative moins dommageable existe, soit le remblaiement des fosses minières à l’aide des déchets que ces fosses génèrent».

Ces organisations ont également rappelé que la commission d’enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait demandé à Minerai de fer Québec de revoir son projet en 2021.

«Malheureusement pour les écosystèmes et pour les populations qui en dépendent et revendiquent leur protection, c’est au nom de la préservation d’un potentiel minéral  présumé – donc d’intérêts économiques hautement spéculatifs à ce stade-ci – que des alternatives comme le remblaiement des fosses ont été écartées et que la destruction de lacs et de cours d’eau de cette partie du territoire a été autorisée», a déploré Émile Cloutier-Brassard, responsable des dossiers miniers d’Eau Secours.

«Permettre de détruire un lac en y enfouissant des déchets miniers toxiques reste un crime contre l’environnement. Aucune mesure ne peut compenser ce crime», a pour sa part indiqué  Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution.

MFQ veut presque doubler sa production de fer

Minerai de fer Québec (MFQ) exploite la mine du lac Bloom depuis février 2018 et produit annuellement 7,5 millions de tonnes (Mt) de concentré de fer. 

La minière compte augmenter sa production annuelle de 7,5 Mt à 16 Mt, avec une exploitation du gisement jusqu’en 2040.

Selon le document publié le 3 juillet par le gouvernement fédéral, c’est en raison de cette augmentation de la production, que «195 millions de mètres cubes (Mm3 ) de stériles et 213 Mm3 de résidus grossiers seront générés et devront être entreposés dans de nouvelles installations».