Crise en santé sur la Côte-Nord: les patients sont en danger, disent dix médecins

Par Katrine Desautels, La Presse Canadienne 6:59 PM - 8 août 2024
Temps de lecture :

Dix médecins soulignent dans une lettre que le personnel est essoufflé par la situation qui perdure dans la région de la Côte-Nord depuis bientôt trois mois. Une professionnelle de la santé se trouve à l'extérieur d'un hôpital à Montréal, le jeudi 14 juillet 2022. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes

Qualifiant les soins de «déficients et dangereux», des médecins craignent pour la population de la Côte-Nord en raison de la crise qui sévit dans le réseau de la santé de cette région et qui s’accentuera encore davantage en raison «des coupures de services sans précédent» prévues pour la période du 16 au 20 août. 

Dans une lettre dont ont d’abord fait état La Presse et TVA, dix médecins soulignent que le personnel est essoufflé par la situation qui perdure dans la région de la Côte-Nord depuis bientôt trois mois. Il y a déjà eu des fermetures répétées de salles d’urgence à Les Escoumins et à Forestville, au centre mère-enfant de Baie-Comeau et présentement, il semblerait que l’urgence de Baie-Comeau ne tienne qu’à un fil. 

En effet, la semaine prochaine, l’urgence de Baie-Comeau fonctionnera avec une équipe réduite. Selon les médecins, cette équipe n’aura pas les moyens de soigner la population de façon sécuritaire, et ce, pour plusieurs semaines. Ils souhaitent que le ministre de la Santé, Christian Dubé, ramène les agences privées faute de solutions immédiates.

Le cabinet de M. Dubé a commenté par écrit que les vacances sont une période de l’année difficile. «Nous maintenons la pression pour trouver des solutions rapidement et éviter les bris de service à l’urgence de Baie-Comeau.»

Les dix médecins affirment qu’on leur demande de «fermer des lits de soins intensifs et de transférer des patients instables vers les centres urbains sans établir de corridors de services efficaces ou officiels». Baie-Comeau étant située à plus de 400 kilomètres de Québec, ils font valoir que ces transferts peuvent engendrer des risques pour les patients.

«Être soigné dans une salle d’urgence fermée aux trois quarts par du personnel non-formé avant d’être transféré à des centaines de kilomètres pour recevoir des soins de base ne représente pas un accès universel à des soins de qualité même si c’est ce que le ministère de la Santé essaie de vous faire avaler», écrivent les signataires de la lettre dont La Presse Canadienne a obtenu une copie. 

Ils accusent le ministre Dubé d’avoir créé le problème en arrêtant soudainement le recours aux agences privées. «Il joue à la roulette russe avec les citoyens québécois et il souhaite que la crise passe sous le radar, comme durant les dernières semaines», dénoncent-ils. 

«Cette crise doit être jugulée avant que des citoyens paient par leur vie le prix de décisions politiques trop précipitées. Il faut que le ministre de la Santé rétablisse des conditions de rémunération qui permettent au CISSS de signer des contrats avec la main-d’œuvre indépendante de façon urgente en l’absence d’une autre solution immédiate», peut-on lire dans la missive. 

Pour compenser l’arrêt de recours aux agences privées en santé, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, le ministre Dubé avait annoncé le printemps dernier le déploiement d’une équipe volante, dont les premiers effectifs étaient attendus à la fin juin. 

Or, pour le moment, l’équipe promise par M. Dubé n’a pas encore volé à la rescousse de la Côte-Nord; seule une poignée de membres du personnel seraient en fonction. «L’équipe volante largement promue et vantée par le ministre est inexistante sur le terrain. Ce n’est que de la poudre aux yeux pour éteindre le scandale du retrait de la main-d’œuvre indépendante par le gouvernement. La réalité est que le personnel de nos salles d’urgence n’a pas été remplacé et les employés restants sont forcés de travailler dans des conditions dangereuses», déplorent les dix médecins. 

Sur la plateforme X, le porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, André Fortin, a dénoncé «des ratios de patients dangereux, des soins intensifs fermés, des scénarios de contingence secrets, des patients envoyés à Québec et des médecins “à boutte”.» 

«Ça ne peut pas durer, Christian Dubé, a écrit M. Fortin. La Côte-Nord mérite mieux que ça. Beaucoup mieux.»

La lettre mentionne que tout laisse présager que la crise se reproduira au-delà de la période estivale.