Des citoyens ont su contourner le «blocage des nouvelles» sur Meta pour s’entraider
Un hélicoptère transportant de l’eau survole une épaisse fumée provenant d’un incendie de forêt dans une banlieue d’Halifax qui s’est propagé rapidement, engloutissant plusieurs maisons et forçant l’évacuation des résidents, le dimanche 28 mai 2023. LA PRESSE CANADIENNE/Darren Calabrese
Les résidents de petites localités dans l’ensemble du Canada trouvent des astuces créatives pour contourner le «blocage des nouvelles» sur Facebook afin de partager des mises à jour sur des événements météorologiques dangereux. Mais ils estiment tout de même qu’il est toujours difficile de transmettre rapidement des informations sur la plateforme.
Un an après que Meta, la société mère de Facebook, a interdit tous les liens vers des informations canadiennes sur ses plateformes – en réaction à la loi du gouvernement fédéral exigeant que les «géants du web» rémunèrent les médias d’information pour les liens vers leur contenu de nouvelles –, le site reste un outil essentiel pour demeurer informé sur des événements tels que les crues soudaines.
À l’automne 2021, Amanda Dunfield a contribué au lancement d’une page Facebook destinée à informer les résidents de Windsor, en Nouvelle-Écosse, sur les refoulements d’égouts répétés après de fortes pluies, et à les inciter à agir.
Trois ans plus tard, le groupe compte près de 3000 membres. Mais Mme Dunfield admet que le blocage des nouvelles par Meta est «difficile à contourner» pour fournir des informations rapides et précises à la communauté.
Lorsque ce blocage a commencé, en août 2023, la Nouvelle-Écosse se relevait encore de deux urgences météorologiques. Fin mai, un incendie de forêt sans précédent a consumé 900 hectares dans la banlieue d’Halifax, à Upper Tantallon, forçant plus de 16 000 personnes à évacuer et détruisant 151 résidences.
Quelques semaines plus tard, en juillet, la Nouvelle-Écosse a connu des inondations soudaines, qui ont dévasté les cantons de la vallée de l’Annapolis. Quatre personnes, dont deux enfants, ont perdu la vie.
Windsor a été particulièrement touchée par ces inondations soudaines de 2023. Mme Dunfield a déclaré qu’à cette époque, Facebook était l’endroit le plus simple pour obtenir des informations. «Nous étions assez inondés ici, et notre seul véritable accès à l’information était ce qu’on trouvait sur Facebook», a-t-elle souligné.
Le 9 août 2023, alors que le nettoyage touchait à sa fin à Windsor, les liens vers des informations canadiennes ont complètement disparu de Facebook. Mme Dunfield a déclaré qu’elle et les membres de son groupe ont alors dû faire preuve de créativité.
Elle raconte qu’elle trouvait souvent des articles d’actualité via des recherches Google, puis prenait des captures d’écran des articles et les «copiait-collait» sur la page Facebook. D’autres fois, elle écrivait directement aux membres du groupe pour leur indiquer où ils pouvaient trouver de l’information.
«Beaucoup de temps est investi dans la création de ces publications», souligne-t-elle.
Sa page Facebook – «Flood Zone, Windsor, NS» – regorge de photos et de vidéos d’inondations soudaines partagées par les résidants. Sur d’autres pages, des membres du groupe posent des questions sur la préparation de la municipalité aux inondations et sur la réponse aux événements météorologiques extrêmes.
Ainsi, un message publié mercredi par un membre anonyme du groupe demande si l’eau est propre à la consommation. Un participant répond: «Je suis presque sûr que la municipalité vient de mentionner il n’y a pas si longtemps que l’eau est analysée chaque semaine, sur différents sites».
Le feu de Yellowknife
Windsor, aux prises avec des inondations, n’est pas la seule communauté où les gens comptent sur Facebook pour obtenir des informations malgré le blocage des nouvelles de Meta. Ollie Williams, rédacteur en chef de «Cabin Radio» dans les Territoires du Nord-Ouest, a déclaré qu’avant l’interdiction de Meta, Facebook fonctionnait comme un «service public» pour de nombreux résidants de secteurs éloignés. La plateforme était le premier endroit où les gens allaient pour obtenir des nouvelles, dit-il.
L’interdiction de Meta est tombée environ deux semaines avant l’évacuation de Yellowknife et des environs, en raison d’un important feu de forêt. Le moment choisi pour la décision de Meta a suscité de nombreuses critiques de la part de résidants, y compris M. Williams, qui ont reconnu que l’absence de nouvelles pouvait être dangereuse pour ceux qui tentaient d’évacuer.
M. Williams raconte que son «Cabin Radio» n’avait aucun moyen de partager des nouvelles sur Facebook ou Instagram lorsque Yellowknife a été évacuée, mais cela n’a pas empêché son auditoire de trouver d’autres moyens de partager des informations.
«Les gens qui lisaient notre couverture ont très vite trouvé des moyens de contourner le blocage de nouvelles par Meta, comme en faisant des captures d’écran d’articles ou en les partageant en privé», a-t-il rappelé en entrevue.
«Notre public a pris la responsabilité de se demander: ‘Comment on va partager ces informations sur Facebook et Instagram?’».
Trish Audette-Longo, professeure de journalisme à l’Université Carleton, affirme que les citoyens trouveront «toujours» des moyens d’informer leurs voisins de ce qui se passe.
Elle reconnaît que Facebook est unique en raison de son interface déjà axée sur la communauté. En comparaison, la plateforme X permet une présentation plus chronologique des actualités, où les articles sont partagés via des publications courtes et rapides. Facebook, quant à lui, est mieux placé pour inviter à une conversation avec une communauté particulière sur une seule publication.
La Loi sur les nouvelles en ligne du gouvernement libéral exigeait que Meta et Google entament des négociations avec les médias d’information pour obtenir des accords de licence sur l’utilisation de leur contenu. Meta a alors décidé de supprimer les liens d’information de sa plateforme, alors que Google a obtenu une exemption à la loi en acceptant de payer aux médias canadiens 100 millions $ par année.
Un an après l’interdiction de l’information, une étude publiée le 1er août par l’Observatoire de l’écosystème médiatique révèle que la consommation d’informations sur les réseaux sociaux est en baisse de 43 % sur toutes les plateformes. Cependant, l’étude indique que la plupart des utilisateurs qui se connectent aux plateformes Meta les utilisent encore pour lire, écouter ou regarder des actualités. L’étude a révélé que 70 % des utilisateurs de Facebook et 65 % des utilisateurs d’Instagram accèdent aux médias d’information sur ces plateformes.
La professeure Audette-Longo estime toujours que le blocage de Meta est préoccupant, car il rend plus difficile la recherche d’informations vérifiées et exactes, et pourrait potentiellement réduire la portée du contenu d’actualité qui serait autrement accessible.
Les nouvelles «responsabilisent le citoyen dans la mesure où elles lui donnent littéralement des informations qu’il peut utiliser pour prendre des décisions, estime-t-elle. Cela fournit plus de sources, plus de perspectives et d’informations sur des personnes qui ne sont pas vos voisins immédiats.»
À Windsor, Mme Dunfield, elle, espère pouvoir obtenir des informations opportunes sur son fil d’actualité à l’avenir. «Ce serait bien de partager des liens d’actualité sur Facebook. Je pense que nous nous en porterions tous mieux.»
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