Des résidences pour personnes âgées du Québec luttent pour rester à flot
Le Québec a exigé l'installation de gicleurs dans toutes les résidences pour personnes âgées de 10 unités ou plus après qu'un incendie a tué 32 résidents d'une résidence pour personnes âgées le 23 janvier 2014 à L'Île Verte. (LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz)
Plus de 500 résidences pour personnes âgées (RPA) du Québec ont fermé leurs portes au cours des cinq dernières années.
Les propriétaires et les chercheurs citent comme facteurs le fardeau des réglementations gouvernementales plus strictes, l’augmentation des coûts et une population vieillissante de locataires nécessitant des services de santé de plus en plus complexes.
Pour les petites résidences, la question des gicleurs pose particulièrement problème.
Le Québec a exigé l’installation de gicleurs dans toutes les résidences pour personnes âgées d’au moins 10 unités après qu’un incendie a tué 32 résidents d’une RPA à l’Île-Verte, dans la région du Bas-Saint-Laurent, en 2014.
Bien qu’il existe des programmes pour aider à compenser les coûts, les résidences doivent payer à l’avance. Jacques Marchildon, copropriétaire de la Villa Marie-Ange, située à Saint-Adelphe, en Mauricie, dit avoir trouvé l’offre la moins chère à 150 000 $ — de l’argent qu’il n’a pas et qu’il ne peut pas emprunter.
M. Marchildon affirme que les gicleurs ont été le clou dans le cercueil pour la Villa Marie-Ange. Au cours des prochains mois, l’immeuble de deux étages sera mis en vente et les personnes qui y vivent actuellement seront transférées ailleurs.
«Aucune banque n’accepte de prêter de l’argent, pour quelque raison que ce soit, à des résidences pour personnes âgées de moins de 50 unités», a-t-il indiqué. La sienne en compte 14.
Marc Fortin, président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), estime que quelque 1100 résidences ont fermé leurs portes au cours de la dernière décennie.
Il attribue 600 de ces fermetures à l’obligation d’installer des extincteurs automatiques. Selon lui, le prix des gicleurs est élevé et les entrepreneurs sont difficiles à trouver, ce qui rend le problème «ingérable».
Ce règlement, imposé il y a 10 ans par un précédent gouvernement provincial, n’est pas bon, dit-il, ajoutant qu’il ne s’applique pas à d’autres lieux qui hébergent des personnes vulnérables ou âgées, y compris les petits hôpitaux.
«Mais il s’applique aux maisons de retraite parce qu’il y a eu une tragédie à l’Île-Verte. Les politiciens veulent bien paraître», déplore M. Fortin.
Le gouvernement actuel a reconnu que les règles relatives aux gicleurs ont créé des difficultés pour les RPA, en particulier les plus petites. Jeudi, il a annoncé qu’il repoussait la date limite pour l’installation des gicleurs de la fin de cette année à décembre 2027.
M. Fortin se réjouit de cette décision, car elle empêchera la fermeture d’un grand nombre des 363 résidences privées pour personnes âgées qui n’ont pas d’extincteurs automatiques.
«Un modèle insoutenable»
Toutefois, ce n’est pas le seul défi auquel sont confrontées les résidences. Et il n’y a pas que les petites qui ferment.
Le 8 août, les propriétaires de La Sittelle, une résidence hébergeant 80 personnes âgées à Trois-Rivières, ont annoncé leur fermeture, invoquant des difficultés à embaucher du personnel, l’augmentation du nombre de sans-abri qui nuit à la sécurité et à la qualité de vie, et les exigences croissantes en matière de certification.
«Ce fardeau réglementaire est devenu un obstacle majeur, rendant la gestion quotidienne de la résidence de plus en plus complexe », a déclaré l’établissement dans un communiqué.
Selon un rapport publié en mai par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), les réglementations relatives aux maisons de retraite se sont multipliées ces dernières années, ce qui, conjugué à la hausse des coûts, a rendu le modèle actuel «insoutenable».
Certaines de ces exigences comprennent l’installation de serrures, de caméras de surveillance et de dispositifs de régulation de la température de l’eau du bain, qui sont coûteux et souvent gênants pour les aînés, avance M. Fortin.
Les chercheurs ont également noté qu’on demande de plus en plus aux résidences privées de fournir un niveau de soins beaucoup plus élevé aux personnes âgées qui seraient normalement admissibles à une place dans un Centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD), mais qui ne peuvent pas en trouver.
M. Fortin note que les maisons de retraite – qui offrent normalement des services tels qu’un horaire de repas, des activités et un soutien de la part de travailleurs de la santé – sont dans certains cas invitées à fournir des soins à des personnes qui ont besoin d’aide pour marcher, se laver, prendre leurs pilules ou rester propres, y compris de nombreuses personnes atteintes de démence ou de la maladie d’Alzheimer.
Même si la province accorde certaines subventions pour les soins plus spécialisés aux résidents, M. Fortin affirme que le gouvernement rembourse souvent moins que le coût des services, ce qui oblige les propriétaires à payer la facture.
«Ils essaient de sous-payer, de ne pas payer beaucoup ou de nous dire: “Faites-le gratuitement parce que nous n’avons pas de budget, alors occupez-vous-en”».
M. Marchildon croit que l’augmentation du nombre de personnes ayant des besoins complexes s’inscrit dans le cadre d’une évolution sociétale plus large qui a vu les gens rester plus longtemps chez eux et retarder le moment de se rendre dans une résidence pour personnes âgées.
À son avis, la proportion croissante de personnes ayant des besoins complexes fait qu’il est plus difficile pour une petite résidence rurale comme la sienne d’offrir des activités qui attireraient des aînés plus jeunes et plus actifs.
Le rapport du CIRANO souligne que, malgré une diminution de 23 % du nombre de RPA dans la province entre 2015 et 2023, le nombre de places disponibles a légèrement augmenté. Cela s’explique par le fait que les résidences qui ferment leurs portes sont en grande partie de petits établissements comptant moins de chambres, souvent situés à l’extérieur des grandes villes.
Selon M. Fortin, l’augmentation du nombre de chambres dans les grandes résidences ne change rien au fait que la fermeture d’une petite maison dans une région rurale est une grande perte pour une personne âgée, qui doit faire face au stress de s’éloigner de ses amis et de sa famille.
C’est également une perte pour les villes, car de nombreuses personnes âgées sont impliquées dans la communauté et font vivre l’église locale.
«Nous perdons un peu de l’âme du village lorsque nous sommes obligés d’éloigner les personnes âgées», a-t-il déclaré.
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