Le toit coule

Par Emy-Jane Déry 6:00 AM - 10 septembre 2024
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Un périmètre de sécurité a été érigé dans le quartier Mgr-Blanche, durant la fin de semaine de la fête du Travail. Photo Vincent Berrouard

« J’ai failli y rester, parce que j’avais un trou dans mon toit », lance André (nom fictif).

Vendredi, fin de journée. Il fait beau. C’est le début du long congé de la fête du Travail. Dans le quartier Mgr-Blanche à Sept-Îles, il y a des joggeurs, des familles qui s’installent dehors pour souper. L’ambiance est à profiter des derniers effluves de beaux temps, avant que l’automne ne s’installe pour de bon. 

André est dehors, sur son terrain. Il est en train d’évaluer les travaux qu’il a à faire sur sa maison. Il explique ses besoins à l’entrepreneur qu’il vient d’engager.

D’habitude, André fait tout par lui-même, mais là, sa femme l’a convaincu d’engager quelqu’un. Elle trouvait que c’était dangereux de monter sur le toit. 

Les deux hommes discutent.

Bang.

Une balle de fusil passe entre André et celui qu’il vient d’engager pour ses travaux. 

Une balle de fusil passe entre André et celui qu’il vient d’engager pour ses travaux. 

Le trou de la balle est bien visible, mais André ne réalise pas ce qui se passe.

« Sauve-toi », lui cri son entrepreneur. 

André ne connait pas cet homme. Il sait seulement qu’il a fait du bon travail et qu’il charge un prix raisonnable. 

« C’est sûr qu’avant que je laisse entrer quelqu’un chez nous, je vais savoir c’est qui. Si j’ai commis une erreur, c’est ça », dit-il. 

André était sur son terrain, à sa maison. Probablement le lieu qu’il considère comme le plus sécuritaire. 

André, c’est le gars qui fait de l’over pour payer ses rénos. André, c’est le gars qui a grandi dans le quartier Mgr-Blanche. Le quartier créé par la minière IOC dans les années 50’, pour loger ses travailleurs et ses dirigeants.

Tous les jours, André part avec sa boîte à lunch. Sa vie est « plate, plate, plate, plate », dit-il, et il veut qu’elle le reste. Il n’a rien à voir avec le crime organisé, la drogue ou n’importe quel élément qui vous vaut potentiellement d’être la cible d’une balle de fusil, jure-t-il, endossé par son voisinage de longue date.  

Sauf que, vendredi, 16 h, cette balle est passée entre André et son contracteur, qui selon toute vraisemblance, était celui visé dans cette histoire surréaliste. 

Heureusement, personne n’a été blessé. Est-ce un miracle ? À l’heure qu’il était, on peut le penser. À la distance qu’il y avait entre André et cette balle, on peut aussi le penser. 

Et il y a les voisins et leur vivacité d’esprit. 

Les témoins de la scène sont nombreux. Un homme a sorti une arme en plein jour dans un quartier sans histoire. 

Quelqu’un a eu le réflexe de foncer vers l’individu avec son véhicule. Quelqu’un d’autre a réussi à prendre en note le numéro de plaque de la voiture à bord de laquelle il s’est enfui à une vitesse folle. 

Immédiatement, André a appelé la police. 

Avec les informations déjà disponibles, la Sûreté du Québec a été capable de vite intercepter le suspect. Deux personnes ont été arrêtées. Les accusations suivront. Mais qu’on se le dise, ce n’est pas toujours comme ça. 

La tension monte à Sept-Îles. La population est plus craintive. Le soir, on se demande si ce sont des feux d’artifice, ou des coups de feu qu’on entend résonner. On se terre dans notre salon et on se dit qu’on est sûrement en sécurité chez nous. 

« C’est un exemple de notre bon voisinage et du rôle que nous avons comme citoyen », dit André. « C’est ça qui a fait la différence », insiste-t-il, en louangeant la solidarité dont a fait preuve le quartier.

Pour lui, c’est clair qu’il faut dénoncer pour éviter que ce genre de chose ne se reproduise.

« Il ne faut pas que ce soit facile venir ici, faire du mal et s’en aller. »