Selon la chercheuse Johanne Whitmore

Hy2gen : plus de transparence et de nuance, dit une chercheuse

Par Emelie Bernier 4:00 PM - 9 décembre 2024 Initiative de journalisme local
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L'hydrogène vert est très gourmand en hydroélectricité et il importe de faire les bons choix dans l'attribution des blocs énergétiques, selon la chercheuse Johanne Whitmore.  Getty Images/iStockphoto - Petmal

Plus de données seraient nécessaires pour évaluer si les 307 mégawatts (MW) attribués à l’usine d’hydrogène pour la fabrication d’explosifs destinés au secteur minier, proposé par l’entreprise allemande H2ygen, sont une utilisation optimale de notre électricité pour décarboner le Québec. 

Selon Johanne Whitmore, chercheuse principale à la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, le projet manque de transparence.

« Pour pouvoir en évaluer les retombées, il faut comprendre la chaîne d’approvisionnement, les hypothèses et les données derrière les résultats présentés. Autrement, ça revient à faire confiance au PDG sur parole », explique-t-elle.

Elle souligne qu’il a été avancé que le projet réduirait les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 500 000 à 800 000 tonnes par année. Or, les explosifs destinés aux minières de la Côte-Nord sont actuellement importés.

Le président de Hy2gen, Cyril Dufau-Sansot, n’a pas précisé si ces estimations comprenaient les réductions liées à la production de nitrate d’ammonium et le transport à l’extérieur du Québec.

Autrement dit, « on ne sait pas quelle part de ces réductions fait partie de l’inventaire québécois, contre celle qui n’en fait pas partie, car les émissions ont lieu hors de la province. Même si l’entreprise n’a pas encore obtenu la confirmation précise des mégawatts, elle peut fournir ces informations », indique-t-elle.  

Hy2gen n’a pas démontré que son projet d’hydrogène était celui qui permettrait, à investissement égal en mégawatts, de réduire le plus d’émissions de GES du Québec, estime Mme Whitmore.

Toujours selon la chercheuse, plusieurs industries déjà implantées au Québec souhaitent obtenir des blocs pour se décarboner et sont « frustrées » par le manque de transparence dans le processus de sélection du gouvernement. 

« Accorder un bloc de 307 MW est équivalent à une subvention. L’utiliser pour la production d’hydrogène vert entraîne d’importantes pertes énergétiques. Donc, si après analyses, on constate que les réductions de GES au Québec sont faibles, alors il faut se demander quelle serait la meilleure utilisation de ces 307 MW pour obtenir le maximum de réduction de GES avec le moins de pertes énergétiques », affirme-t-elle.

« Autrement dit, quel est le coût de renonciation, en réduction de GES au Québec, d’accorder 307 MW au projet de Hy2gen plutôt qu’un autre. C’est précisément cette analyse que le gouvernement devrait réaliser pour comprendre la valeur du projet », recommande la spécialiste.

L’hydrogène jouera un rôle dans la transition énergétique, selon la chercheuse, mais l’attribution d’un bloc énergétique de cette importance devrait s’accompagner d’une obligation de transparence et de reddition de compte.

« Le projet de Hy2gen se voit accorder le deuxième plus grand bloc après Northvolt. Il est donc raisonnable de s’attendre à un minimum de transparence et d’analyse indépendante avant la confirmation d’un bloc d’électricité de cette ampleur », conclut-elle.

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