Un intervenant montréalais au service des communautés innues

Par Lucas Sanniti 9:28 AM - 17 décembre 2024 Initiative de journalisme local
Temps de lecture :

Patrick Allaire accompagné d'artisans de Uashat mak Mani-utenam, en visite à la Maison Jean-Lapointe. Photo courtoisie

Depuis cinq ans, l’intervenant en dépendance, Patrick Allaire, va à la rencontre des communautés autochtones de la Côte-Nord pour mieux connaître leur réalité et les accompagner sur le chemin de la guérison.

Patrick Allaire travaille depuis 21 ans à la Maison Jean Lapointe, un organisme sans but lucratif, à Montréal, dédié au traitement, à la prévention et au soutien liés aux dépendances.

Au cours de ses nombreuses années de carrière, il a côtoyé des gens des quatre coins du monde aux parcours variés. Cependant, malgré le passage occasionnel de gens des Premières Nations au centre, l’homme connaissait mal leur réalité.

« Un jour, on a eu un résident à la Maison Jean Lapointe, qui est venu dans mon bureau pour se présenter. C’était une personne de Mani-utenam », raconte M. Allaire. « Il me dit : “Sais-tu c’est quoi les blessures intergénérationnelles ?”, je lui ai dit que je n’avais aucune idée de quoi il me parlait. »

Après s’être informé davantage sur l’histoire des Premiers Peuples et des pensionnats autochtones, Patrick Allaire a été épris d’une honte importante. À partir de ce sentiment, il a voulu élaborer un programme adapté à la réalité des Premières Nations. 

C’est alors que le poste d’agent de liaison aux Premières Nations s’est dessiné.

« Chaque Québécois devrait prendre la peine de se renseigner sur son histoire et celle des Premières Nations. Moi personnellement, comme plusieurs de mes collègues, je me sens mieux depuis », a-t-il admis.

À leur rencontre

« La première année, j’ai décidé de partir avec mes enfants et ma femme et passer une semaine et demie à Mani-utenam, directement avec la communauté », se souvient-il. « On s’est immergé dans la communauté et j’ai rencontré des guides spirituels. J’ai commencé à me faire connaître, mais j’ai surtout appris à aimer la nation innue. »

De bouche à oreille, de plus en plus de membres de la communauté de Uashat mak Mani-utenam écrivaient à Patrick Allaire ou se rendaient directement à Montréal, pour avoir du soutien face à leurs dépendances. « C’est la première communauté avec qui on a tissé des liens de confiance. »

Pour M. Allaire, il n’était pas suffisant de recevoir des gens à la Maison, il fallait aller à leur rencontre.

« Je pense que toute forme de thérapie devrait non seulement recevoir les communautés, mais devrait s’imprégner de leurs cultures pour pouvoir les aider davantage », dit-il. « Comment est-ce que je pourrais animer un cercle de partage avec des personnes des Premières Nations, sans connaître leur culture, leur spiritualité, sans être capable de répondre à leurs questionnements ? »

En novembre dernier, lors de la Semaine nationale de sensibilisation aux dépendances, des équipes de la Maison Jean Lapointe se sont rendues à Pessamit, à Schefferville et à Unamen Shipu, pour faire des ateliers de sensibilisation dans les écoles et échanger avec les intervenants des premières lignes. Une première pour l’OSBL.

« Tu n’arrives pas là comme un fonctionnaire. Arrive là humblement. Apprends et écoute. »

Patrick Allaire (à droite) lors de la marche contre les dépendances à Schefferville. Photo courtoisie

Un intérêt grandissant

L’accompagnement que la Maison Jean Lapointe offre ne s’arrête pas à la fin du séjour thérapeutique de 21 jours. Pour soutenir les patients, l’organisme a mis en place des « groupes de maintien ». Pendant douze semaines, ces rencontres hebdomadaires aident les participants à préserver leur sobriété, et ce, même à distance.

« Maintenant, on fait ça par Zoom aussi. Comme ça, même si tu es à Pakua ou à Schefferville, tu es dans ton groupe », explique Patrick Allaire.

Durant la première année de la nouvelle approche de la Maison Jean Lapointe, 17 résidents autochtones ont suivi une thérapie auprès de l’OSBL. L’année suivante, ce nombre est passé à 65, incluant cette fois des personnes de Pessamit et de Mingan. Puis, il a grimpé à 95, avant d’atteindre 126 l’année suivante. Cette année, le centre a déjà accueilli 114 personnes. Le compte se termine en avril et continue d’augmenter.

« Maintenant on couvre Pessamit, Maliotenam, Mingan, Pakua Shipi, la Romaine, Nutashkuan, Schefferville, toutes ces personnes-là viennent en thérapie à la Maison Jean Lapointe. Environ 95 % [de notre clientèle autochtone], c’est les Innus de la Côte-Nord. »

Selon lui, la nation innue compte pour environ 30 % de la clientèle de la Maison Jean Lapointe.