Chronique de Réjean Porlier ǀ L’impossible quête de Gabriel

Gabriel Nadeau-Dubois, en préparatif la veille du débat à TVA et LCN. Photo archives, Facebook
Je suis persuadé que Gabriel Nadeau-Dubois savait depuis le début que les grands changements passeraient par le pouvoir, mais parce qu’il avait réalisé que ça passerait nécessairement par un positionnement plus au centre, il devenait coincé dans ce parti de gauche qu’est Québec solidaire. Vraisemblablement, tenter de tirer un parti de gauche vers le centre… ça use !
J’ai eu le plaisir de rencontrer Gabriel dans les rues de Montréal, à l’époque des carrés rouges. Un orateur hors pair, animé par cette justice sociale dont plusieurs se réclamaient à travers le dossier de l’augmentation des frais de scolarité, lequel défrayait la manchette semaine après semaine.
Un orateur qui se démarquait et qui savait toucher les Québécois.es dans leurs profondes valeurs sociales-démocrates. Nous sommes en 2012 alors que le gouvernement de Jean Charest décide de décréter une augmentation substantielle des frais de scolarité. Une augmentation qui ne passe tout simplement pas. Une charge frontale contre l’universalité en éducation, alors que ce même gouvernement faisait miroiter les dizaines de milliards $$$ d’investissements pour développer le nord du Québec. Il n’en fallait pas plus pour réanimer les carrés rouges et déclencher une vague de manifestations un peu partout au Québec.
Gabriel demeurera au fil du temps, un des visages importants de cette résistance sociale qui remettait l’universalité au centre du débat. Cette implication sociale allait lancer une carrière politique qui malheureusement n’aura pas créé le même enthousiasme que celui suscité en 2012.
Au Québec, parce qu’il existe (encore) un réel partage de la richesse, résultat d’un système de prélèvement des impôts et de leur redistribution à travers divers programmes sociaux, les tensions entre la gauche et la droite sont de beaucoup amoindries. Ce qui laisse beaucoup moins d’espace aux extrêmes gauche et droite. Le pouvoir n’est jamais loin du centre, respectant un certain équilibre, qui reflète à mon avis, l’humeur d’une population qui vit bien avec le compromis.
Plutôt favorable au développement économique, la population n’est jamais prête à abandonner ses valeurs sociales démocrates. Lorsque l’économie se porte bien, elle se laisse séduire par un discours du centre gauche et accepte d’intégrer dans le débat des enjeux plus sociaux. Lorsque l’économie tire de la patte, elle est beaucoup plus sensible aux arguments économiques, parfois prête à fermer les yeux sur certains enjeux environnementaux. Mais tous ces changements d’humeur se passent prêt du centre. Et c’est exactement le mur que vient de frapper Gabriel Nadeau Dubois.
GNB est né d’un mouvement très revendicateur de gauche et je suis persuadé que son arrivé chez Québec Solidaire n’est pas étranger à une certaine popularité qu’a connu le parti. Une popularité qui a tout de même stagné, parce que profondément ancrée dans cette gauche plus revendicatrice. Dès lors qu’il a voulu aborder l’idée du compromis par le biais d’un pragmatisme timide, sa base militante a commencé à le délaisser. Même si ce pragmatisme était commandé par une démarche qui aspirait à la quête du pouvoir, sans lequel QS doit se résigner à agir dans l’opposition, GNB a dû réaliser qu’il n’arriverait pas à tirer ce parti vers le centre.
De 2008 à 2013, j’ai occupé les fonctions de président provincial du Syndicat des Technologues chez Hydro et j’avais entrepris de rencontrer les trois partis qui pour moi incarnaient davantage les valeurs sociales-démocrates soit : le parti Québécois, QS et Option Nationale. Mon objectif avoué était de faire réfléchir tout ce beau monde aux effets néfastes de la division du vote, ouvrant toute grande la porte au discours plus à droite.
À la sortie de ma rencontre avec Mme David, une femme exceptionnelle, j’ai compris que ce parti ne serait jamais au pouvoir. Je respectais ce choix de camper bien à gauche avec une gouvernance à deux têtes, se portant à la défense de toutes les minorités, mais aussi louable que cela puisse être, il demeure un paradoxe important : un parti qui porte à bout de bras les valeurs démocratiques, s’il souhaite réellement accéder au pouvoir un jour, ne peut pas faire abstraction de la règle numéro un qui est de rallier à sa cause une majorité d’individus.
Soit il y a une belle naïveté à penser que le Québec est prêt à reconnecter massivement avec un parti bien à gauche, soit on fait le choix de demeurer dans l’opposition. Gabriel, à qui je souhaite un bel avenir, vient d’en prendre acte!
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