Le Tetris de l’urgence de Sept-Îles

Par Emy-Jane Déry 5:05 AM - 16 avril 2025
Temps de lecture :

La confidentialité est un enjeu important dans l'urgence de Sept-Îles, tandis que les patients sont à proximité et séparés seulement par des rideaux. Photo Lucas Sanniti

De l’espace. C’est ce dont ont besoin les travailleurs de l’urgence de l’Hôpital de Sept-Îles, qui attendent depuis plus d’une vingtaine d’années la concrétisation du réaménagement des lieux désuets, figés dans l’époque des années 70′. 

« Il faut jouer à Tetris dans les corridors », illustre Joëlle Gagné, chef des soins critiques de l’Hôpital de Sept-Îles. 

Sur un mur de son bureau trônent les plans de l’agrandissement de l’urgence datés de novembre 2024. L’absence de sommes réservées au projet dans le dernier budget de Québec n’a eu aucun impact sur la vision de la gestionnaire. 

« Je me prépare déjà à comment on va aider nos équipes à s’adapter à un nouvel environnement de travail », dit-elle, convaincue que le projet finira par avoir lieu. 

Sa confiance semble inébranlable. Pourtant, il est dans les cartons depuis des décennies. 

Annie Benard Rioux est assistante-infirmière chef. Elle travaille à l’urgence de l’Hôpital de Sept-Îles depuis la fin de ses études, il y a 25 ans. Des projets d’agrandissements, de modernisation et d’optimisation de l’urgence, elle en a vu passer. Mais celui-ci, c’est le bon, croit-elle. Elle va jusqu’à dire que « c’est une bonne chose que les autres ne se soient pas produits, pour qu’on en arrive à celui-ci, qui est vraiment complet ». 

Yves Bolduc, Gaétan Barrette, Danielle McCann, Christian Dubé : les ministres de la Santé se sont succédé pour dire tour à tour que l’état des lieux était « inacceptable », annonçant des projets d’agrandissements.

En attendant, les équipes de travail de l’urgence de Sept-Îles sont « créatives », décrit Mme Gagné. Elles ont réussi à agrandir de l’intérieur au maximum et elles continuent de faire régulièrement preuve d’ingéniosité, pour sauver ne serait-ce que quelques centimètres d’espace ici et là. 

Les installations de l’urgence septilienne sont carrément embourbées, telle une salle de jeux pour enfants. On ne sait plus où mettre le matériel, alors on l’accumule en le rangeant le plus correctement possible dans les espaces qui devraient normalement être dédiés à la circulation, notamment.

Tout ce matériel devrait être rangé ailleurs que dans les espaces de circulation, rendant la mobilisation difficile dans l’urgence de Sept-Îles.  Photo Lucas Sanniti

De l’espace supplémentaire dans une urgence, c’est loin d’être un luxe, assure Mme Benard Rioux. 

« Si on est en débordement, avec des civières partout, qu’il y a une urgence qui se produit, qu’un patient va moins bien et qu’on doit se déplacer rapidement, mais qu’on a des gens un peu partout et que ça nous prend trois minutes de plus se rendre dans la salle de réanimation (…) oui, ça a un impact », fait-elle valoir. 

Joëlle Gagné, chef des soins critiques à l’Hôpital de Sept-Îles et Annie Benard Rioux, assistante infirmière-chef à l’urgence de Sept-Îles. Photo Lucas Sanniti

Bientôt, de nouvelles pompes à soluté vont arriver. Pour sauver de l’espace et éviter de les avoir dans les jambes, on va les accrocher aux murs avec des barres d’appui, comme on en voit dans les salles de bain. 

D’ailleurs, des salles de bain, il y en a seulement deux pour toute l’urgence au complet. Un non-sens, nous dit le personnel. 

Une civière par-ci, une civière par-là

En plein hiver, lorsque les deux grandes portes grises de l’entrée des ambulances s’ouvrent, le froid se fait ressentir dans l’urgence. Les patients installés sur des civières de débordement reçoivent le courant d’air. Ils sont si proches de l’entrée, qu’en s’ouvrant, c’est tout juste si la porte ne s’accote pas dans la civière.

L’entrée des ambulances (portes grises) est très restreinte dans l’urgence de l’Hôpital de Sept-Îles. À droite, des civières de débordement sur lesquelles séjournent régulièrement des patients, à gauche, la salle de réanimation qui est à seulement quelques pieds des patients qui peuvent se retrouver à assister involontairement à des scènes troublantes. Photo Lucas Sanniti

Et si c’est une urgence qui nécessite une réanimation, il est fort probable que les patients en attente sur les civières dans l’entrée y assistent, indirectement. La salle de réanimation est à quelques pieds d’eux.

Comme il y a peu d’espace, toutes les civières sont aussi très proches les unes des autres. Seul un rideau les sépare. C’est complètement inefficace pour la confidentialité, mais au-delà de ça, c’est facilitateur pour la circulation des microbes, particulièrement quand l’urgence déborde avec des taux d’occupation qui dépassent les 200 %. 

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires