Phoque du Saint-Laurent : des écologistes nord-côtiers au créneau

Des phoques gris dans le secteur des Iles Mingan. Photo Jacques Gélineau
Dans l’optique des organisateurs, les États généraux sur le phoque du Saint-Laurent offriront « un espace pour dialoguer, concilier les intérêts et mettre en place un plan d’intervention cohérent sur la gestion du phoque pour les communautés autochtones, côtières et nordiques ». Mais pour les écologistes et les environnementalistes, l’exercice a plutôt les apparences d’une vaste opération de lobby.
La chasse au phoque arbore une aura de controverse que ses défenseurs souhaitent faire disparaître.
« Les sujets qui entourent les phoques soulèvent les passions dans l’est du Canada : l’équilibre écologique de la ressource, la gestion de cette chasse, le développement économique et les discours éthiques sont d’actualité », aux dires même des organisateurs des États généraux, qui se tiendront cette année.
Pour l’écologiste et membre de la Station de recherche scientifique de Mingan Jacques Gélineau, les États généraux sont « essentiellement un exercice de lobbying organisé par quelques individus qui veulent relancer la chasse aux phoques de façon industrielle ».
Il n’existe pas, selon lui, de preuve que les populations du Saint-Laurent sont aptes à subir une ponction de grande envergure, surtout dans un contexte de changements climatiques.
« Malheureusement, la ressource n’est pas au rendez-vous et il n’existe pas actuellement d’études fiables qui viendraient corroborer les prétentions de l’industrie », martèle-t-il.
Il estime qu’on en connaît trop peu sur l’état du cheptel pour relancer la chasse. « Même les effectifs sont comptabilisés de façon aléatoire et les inventaires incertains ! »
Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible d’obtenir un entretien avec le ministère Pêches et Océan, mais le département des communications confirme que la dernière « évaluation des stocks de phoque gris de l’Atlantique Nord-Ouest (Halichoerus grypus) au Canada » date de 2021.
La production de blanchons y a été évaluée au moyen de relevés aériens.
« Le taux de croissance de la population a continué de ralentir. L’abondance totale a augmenté à un taux de 1,5 % par année entre 2016 et 2021 », peut-on lire dans le bilan. Une récolte de 8 700 têtes dans le golfe «respecterait l’objectif de gestion actuel ».
Sébastien Blanchard, un écologiste également affilié à la Station de recherche des Îles Mingan, estime pour sa part que beaucoup de questions demeurent sans réponse. « Est-ce que c’est sain que les gens s’alimentent de phoque ? Est-ce que le Saint-Laurent peut soutenir cette chasse-là ? »
Comme plusieurs scientifiques, il souhaite relativiser les impacts présumés des phoques sur les populations de poissons en déclin.
« Dans les faits, l’alimentation variée du phoque fait que ça peut même aider les stocks de morue, par exemple, parce qu’il s’alimente de poissons qui se nourrissent de plancton. Les larves de morue sont dans les nuages de plancton. »
Selon M. Blanchard, une pêche dite de subsistance causerait peu de tort à l’espèce. « C’est excessivement rare que la chasse de subsistance mène à une extinction. C’est quand on vient à la marchandiser qu’il y a un risque. On manque de données scientifiques probantes pour appuyer ce projet-là », conclut-il.
Le débat est donc loin d’être terminé. À voir si les États généraux sur le phoque du Saint-Laurent le feront avancer.
Horizon
Horizon, des contenus marketing présentés par et pour nos annonceurs.