Chronique de Réjean Porlier ǀ Lendemain de veille

Par Réjean Porlier 9:52 AM - 29 avril 2025 Ex-maire de Sept-Îles
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Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, et la députée de Manicouagan, Marilène Gill. Photo archives

Aujourd’hui, de nombreux politiciens qui sans doute prétendaient ne pas se fier aux sondages, doivent les remercier, car si le vote stratégique a aidé plusieurs candidats libéraux à retrouver leur siège au parlement, malgré un bilan de l’ère Trudeau des plus discutables, c’est le Bloc Québécois qui sort grand gagnant de ce dernier droit d’une campagne très polarisée.

Bien sûr, ils ont moins de sièges qu’auparavant, mais ils ont sauvé in extrémiste l’hécatombe qu’on leur prédisait. D’autant plus qu’ils devraient bénéficier de l’écrasement du NPD. Si une partie de ce demi-succès peut être attribuée à la performance de leur chef, Yves-François Blanchet, les sondages qui prédisaient un balayage libéral y sont pour beaucoup, relayant le vote stratégique au second rang pour plusieurs électeurs. Les grands perdants sont sans contredit Jagmeet Singh et la gauche canadienne, pour qui le lendemain de veille est brutal.

Les Québécois. es et les Nord-Côtiers ont donc choisi, encore une fois, de se garder une police d’assurance à Ottawa, et ce, malgré un contexte politique particulier et une menace américaine bien réelle. D’ailleurs, sans Trump, Mark Carney n’aurait jamais connu cette ascension fulgurante. Le chef libéral a joué une partie parfaite et sa meilleure décision aura été de miser sur une campagne courte, laissant peu d’espace pour le critiquer, Trump s’occupant de meubler l’espace médiatique jusqu’à la dernière minute. 

C’est maintenant au tour de Pierre Poilievre de jouer les Justin Trudeau et de s’accrocher malgré sa défaite dans son propre comté. Il promet de rester. Tout le monde s’entend pour dire que la performance des conservateurs était plus que respectable et que sans l’effondrement du NPD, ils seraient probablement au pouvoir. Un contexte qui rend difficile son évincement.

Après tout, ce parti est tout sauf facile à diriger et il n’y a rien de moins évident qu’il existe un autre Mark Carney, celui-là capable de rallier les conservateurs. Peut-être est-ce que je me trompe, mais dans les circonstances, Pierre Poilievre risque de représenter le moindre mal. Le parti a peu à perdre de l’envoyer au front pour saborder les efforts de Mark Carney.

Stratégique comme il semble l’être, ce dernier enclenchera rapidement l’opération charme auprès de l’Alberta et de l’Ontario. Si je m’avance pour une prédiction, c’est qu’il y aura nécessairement un ajustement vers la droite, au grand dam du Québec. Carney sait calculer, on l’a souvent dit et le premier chiffre qu’il tentera d’atteindre sera celui qui le mènera à une majorité. Parions que si le nouveau premier ministre arrive à séduire l’Alberta, ne serait-ce qu’un tant soit peu, sans s’aliéner le Québec, Pierre Poilievre devra apprendre un autre métier.

Dans le dernier droit qui a mené aux élections, le chef conservateur s’est consacré à paralyser le Parlement en appliquant la formule Trump, maniant l’insulte et les demi-vérités sans la moindre réserve. Il a aussi fait la démonstration de son incapacité à se renouveler, autrement que par des sourires forcés distribués sans trop de conviction.

Au lendemain de cette défaite amère, il affirme vouloir travailler avec le gouvernement, mais il y a fort à parier qu’il retombera rapidement dans un mode agressif et hargneux, c’est ce qu’il sait faire. C’est à ce moment que le vrai test va commencer pour les deux hommes. Tant Poilievre que Carney ont beaucoup à perdre ou à gagner dans ces prochaines semaines, voire ces prochains mois. Le Canada aussi, car les déchirements que nous afficherons seront autant d’occasions pour Trump de semer le doute sur notre capacité à lui résister.

Quelle sera la relation de Mark Carney avec le Québec, alors que vraisemblablement les Québécois. es viennent de lui sauver la mise ? Cette cristallisation gauche-droite qui caractérise de plus en plus notre société nord-américaine, va-t-elle réanimer le besoin du Québec de réaffirmer sa différence, ou plutôt le faire passer au second plan ?

Une chose est sûre, il y aura beaucoup d’action dans les semaines, les mois et les années à venir et la pire erreur serait de ne pas participer au débat pour mille et un prétextes, car c’est de notre avenir dont il est question…

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