CHRONIQUE | Si on se vouvoyait dans les écoles

Par Raphaël Hovington , Raphaël Hovington 12:00 PM - 15 mai 2025
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Le ministre Bernard Drainville a décidé d’interdire les cellulaires dans les écoles et de ramener le vouvoiement dans les relations avec le personnel scolaire. Certains applaudissent, d’autres sont déçus. Les jeunes sont pointés du doigt et devront se conformer avant janvier 2026.

Évidemment, cette mesure ne fait pas le bonheur de tous, mais elle s’avère essentielle pour changer le climat qui règne dans plusieurs écoles du Québec. On a vu des bagarres filmées dans les cours de récréation et largement diffusées dans les médias et sur Internet. Filles et garçons qui se chamaillent comme des coqs prêts à griffer, mordre et humilier des élèves pour le plaisir de jouer les matadors devant l’œil fouineur et inquisiteur de leurs téléphones cellulaires.

Certes, il ne faut pas généraliser, mais la triste réalité est que cela encourage ce type de débordements. Si on interdit les cellulaires dans les écoles, on pose un geste de nature à ramener la paix sociale dans les cours d’école. Ce ne sera pas suffisant, car l’origine de ces problèmes réside dans la perte du respect des autres. Que des élèves s’en prennent à leurs camarades est inacceptable, mais qu’ils deviennent violents à l’égard de leurs professeurs et du personnel scolaire chargés de veiller à leur bien-être et leur sécurité dépasse les bornes.

Monsieur, Madame, s’il vous plaît : autant de mots qui devraient réintégrer le vocabulaire de tous les jours dans nos écoles. Il n’y a pas de honte à vouvoyer une enseignante, une secrétaire ou un concierge. Au contraire, c’est une marque de respect qui contribue à établir une hiérarchie dans les relations avec les autres. Ceux et celles de mon âge sont tous passés par là et ne s’en portent pas mal. Il y a beaucoup de jeunes qui sont également très respectueux, courtois et polis. Il ne faut pas tous les placer dans le même panier, mais il faut aussi s’ouvrir les yeux et chercher à comprendre ce qui a changé dans notre société pour en arriver à une telle extrémité.

On m’a toujours dit que l’exemple devait venir d’en haut. Il faut croire que c’est le cas. C’est en bas âge que l’on forme les enfants. Que faut-il penser du comportement d’une éducatrice de garderie qui s’époumone sur une ligne de piquetage ou d’une enseignante qui brandit des pancartes devant une école fermée pour cause de grève ? On pourrait étirer la liste jusqu’à demain, tellement nous vivons dans un monde en ébullition pour tout et rien. 

Il y a une colère qui gronde autour de nous et qui gruge les fondements de notre société. Est-ce que c’est ce que l’on veut léguer à la génération montante ? Il y a aussi une forme de passivité désolante qui grandit entre les gens depuis qu’ils ne se parlent plus. On texte au volant. On marche le dos voûté dans la rue ou dans les centres commerciaux, rivés devant un appareil supposément intelligent. On est à l’affût de la dernière nouvelle dans une attitude passive.

On l’a oublié, mais quand la télévision est rentrée dans nos foyers, les pianos et autres instruments de musique en sont sortis. Finis les rassemblements familiaux et les soirées animées, on a fait place à l’attentisme devant un écran. Les Québécois sont devenus des spectateurs dans leur maison et dans leur vie. Il n’y avait qu’un pas à franchir et il l’a été rapidement, sans qu’on s’en rendre compte vraiment.

La technologie a ses avantages. Il faut le reconnaître. Le téléphone a sonné progressivement la mort de la correspondance écrite. Les cellulaires sont en train de tuer l’usage de la parole en raison de la dépendance que l’on entretient à leur endroit. Il faut donc féliciter et remercier le ministre Bernard Drainville d’y mettre fin dans les écoles du Québec.

IL faut aussi l’encourager à persévérer dans la réforme du retour du respect et du civisme dans les établissements scolaires. Si on demande aux enfants de vouvoyer leurs professeurs et le personnel scolaire, on devrait aussi l’exiger des enseignants. Après tout, le respect n’est pas à sens unique. Les écoles sont comme des laboratoires où on doit se familiariser avec tous les éléments du développement humain, mais les bonnes habitudes commencent à la maison.

Les parents ont également leur part de responsabilité. La réforme s’accompagnera d’actions de réparation que ce soit sous forme d’excuses ou de travaux manuels, mais pour que cela fonctionne, il faudra que le milieu scolaire puisse compter sur le soutien des parents. La solidarité entre les divers partenaires du monde de l’éducation sera aussi essentielle.

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