Un couple se dit harcelé par la Zec de Forestville

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 3 juin 2025
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Même si la roulotte des campeurs a été isolée à la demande de la Zec il y a 20 ans, aujourd'hui ils ne peuvent plus en profiter l'hiver. Photo courtoisie

Les tuiles tombent les unes après les autres sur un couple de Forestville qui ne peut profiter de sa roulotte de camping comme il le voudrait. Chaque année, l’histoire se répète… jusqu’à ce que la goutte d’eau fasse déborder le vase. 

Nancy Therrien et Dany Langelier n’en sont pas à leurs premiers conflits avec la Zec de Forestville, qui gère le camping du lac Laval, là où est située leur roulotte permanente. Construite en 2007, selon des critères bien précis et respectés par le couple, l’installation ne satisfait désormais plus aux exigences de la Zec, qui l’avait pourtant acceptée par résolution.

« Ils font tout pour nous sortir du camping », s’exclame Nancy Therrien, qui fait des pieds et des mains pour tenter de demeurer sur place, rappelant qu’une somme de 55 000 $ a été dépensée pour la construction et l’installation de la roulotte.

En 2022, une mise à jour de la réglementation sur les campings par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) était à l’origine d’une menace d’expulsion des deux campeurs. Le Journal en avait d’ailleurs fait mention dans un article en juillet de cette année-là. 

« La situation s’est réglée avec le ministère qui nous a confirmé que nous étions conformes et que nous pouvions rester sur place », raconte Mme Therrien. 

Deux ans plus tard, la Zec de Forestville convoque une réunion avec ses campeurs pour discuter de deux points importants. D’abord, tous doivent modifier l’angle de leur roulotte pour être prêts à sortir en urgence, et ce, avant le 23 août 2024.

« La pôle doit être en direction d’un chemin », explique Nancy Therrien. « Plusieurs campeurs âgés ou malades ont vu cette tâche comme colossale et avec raison, juste pour un alignement de roulottes dans le même sens », ajoute-t-elle.

Après plusieurs discussions avec le conseil d’administration de la Zec, les deux campeurs finissent par trouver une solution pour le déplacement de leur pôle de roulotte. En octobre 2024, le correctif est apporté et en novembre, la Zec donne son avis de conformité. 

« Un autre couple qui était visé par ce nouveau règlement était bien découragé après une visite de la Zec sur son terrain. Il nous a affirmé qu’on lui a dit que le but était de faire quitter la roulotte de Dany et Nancy », se désole Mme Therrien, encore choquée de cet aveu. 

L’an dernier, les campeurs ont dû changer le pôle de leur roulotte d’endroit à la suite du règlement de la Zec. Photo courtoisie

Camping d’hiver

Le deuxième point de la rencontre concernait le camping d’hiver. Les gestionnaires ont interdit aux campeurs de se rendre à leur roulotte entre le 16 novembre et le 30 avril, soit durant la période hivernale.

« Si cela se produit, la Zec sera contrainte d’annuler leur contrat après un avertissement », divulgue la campeuse de longue date. Selon le couple forestvillois, c’est une condition qui le vise directement. 

Celui-ci déplore la situation puisqu’en 2003, lors de l’adoption d’une résolution du conseil d’administration sur la construction de roulottes isolées, il était indiqué que les occupants pouvaient s’y rendre l’hiver. 

« On prêche de plus en plus pour le camping d’hiver, les activités hivernales, et notre Zec veut mettre des polices afin de nous empêcher de nous rendre au camping l’hiver. Pourquoi ça dérange autant ? », questionne Nancy Therrien.

Le 21 avril 2024, le couple se rend à l’AGA de la Zec et utilise la période de questions pour s’informer sur le camping d’hiver puisque ce point le concerne directement, croit-il. 

« J’ajoute que nous avons une entente signée en 2004 sur ce sujet. Est-ce que ça veut dire qu’on déchire l’entente et qu’elle n’existe plus ? Je me suis fait répondre que oui on la déchire. À la fin de la rencontre, on me confirme que notre entente n’est plus valide et qu’on a juste à aller en cour », raconte la campeuse. 

Finalement, une rencontre a lieu entre les deux parties. La Zec veut bel et bien faire annuler le contrat signé avec le couple il y a 20 ans, selon Mme Therrien.

Au fil des mois, la situation s’envenime et rien ne laisse présager qu’une entente sera possible. M. Langelier est accusé de manque de respect et de violence envers une employée de la Zec après avoir levé le ton lors d’une discussion. « Le but de la Zec est de nous mettre dehors et il tente par différentes façons d’y arriver », dit Nancy Therrien.

À qui la faute ?

Pour motiver sa décision d’interdire le camping durant la période hivernale, la Zec de Forestville aurait dirigé le couple vers des règlements de la MRC de La Haute-Côte-Nord et du ministère de l’Environnement. « Nous nous sommes adressés à ces deux instances qui nous ont confirmé qu’ils ne possédaient aucun règlement à ce sujet, ni une ni l’autre », divulgue la Forestvilloise. 

De son côté, le directeur général adjoint de la MRC, Kevin Bédard, certifie qu’il a eu un échange téléphonique avec Nancy Therrien le 18 mars 2025 à ce sujet. Il lui a alors indiqué qu’aucune disposition dans la réglementation d’urbanisme de la MRC ne traite du camping d’hiver dans les Zecs. « Ce sont la loi et les règlements provinciaux qui s’appliquent », assure-t-il au Journal. 

Quant au ministère de l’Environnement, il n’était pas en mesure de confirmer une entrevue téléphonique avec les deux campeurs. Toutefois, il précise que « l’encadrement du camping aménagé se fait par l’organisme gestionnaire de Zec via un contrat de location qu’il fait signer par l’usager ».

« Ce contrat indique la période pendant laquelle l’usager peut faire du camping sur son emplacement de camping aménagé. C’est à l’organisme à déterminer s’il permet le camping en hiver, en évaluant les enjeux potentiels », fait savoir Ghizlane Behdaoui, conseillère en communications au MELCCFP.

Du harcèlement

Pour Nancy Therrien et Dany Langelier, il est clair qu’il s’agit de harcèlement de la part de certaines membres du conseil d’administration et d’employés de la Zec de Forestville. « Sinon, pourquoi certains membres ont-ils mentionné délibérément avoir fait certains règlements expressément pour nous faire sortir du camping ? », questionne la Forestvilloise.

Cette dernière affirme que « des campeurs ont reçu des excuses de la direction pour toute la grogne que le changement des pôles de roulottes a occasionnée à la quinzaine de campeurs, dont nous, mais que c’était visé directement vers nous afin de nous décourager et nous faire partir ».

Mme Therrien réitère qu’en 2003, après avoir accepté le plan de sa roulotte, la Zec a exigé qu’elle soit construite commercialement.

« On a payé environ 30 000 $ de plus pour la faire construire à la satisfaction de la Zec. Le ministère l’a approuvée, la MRC l’a approuvée, Zecs Québec l’a approuvée, mais, depuis quelques années, ce sont certains dirigeants de ce conseil d’administration qui ne l’accepte pas comme roulotte d’hiver », se désole celle qui croit dur comme fer qu’il s’agit de harcèlement et d’entêtement. 

Les campeurs Nancy Therrien et Dany Langelier. Photo courtoisie

Plainte à Zecs Québec

Finalement, Nancy Therrien et Dany Langelier ne savent plus à quel Saint se vouer. Avant d’entreprendre des procédures juridiques, ils ont décidé de porter plainte par écrit à la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs (Zecs Québec) afin de dénouer cette impasse.

Le Journal a obtenu copie du document envoyé le 18 juin 2024 à la directrice générale, Myriam Bergeron. En plus de dénoncer l’application de certains règlements sur les campings des lacs Laval et Bladder, ils accusent la Zec de Forestville de harcèlement.

En entrevue avec Le Haute-Côte-Nord, Mme Bergeron confirme avoir reçu et lu les correspondances envoyées par les Forestvillois. Elle se dit sensible à ce genre de situation, mais réitère la complexité de leur cas.

“ On a été à l’écoute, je lui ai donné de l’information sur la façon dont ça se déroule. On l’a référée au ministère aussi sur des aspects qui relevaient de la compétence décisionnelle du ministère. De notre côté, on est des délégateurs, on a un certain pouvoir décisionnel, mais, dans des cas complexes, on n’est pas adapté à prendre toutes les décisions ”, divulgue-t-elle.

Zecs Québec a transmis les informations obtenues sur le dossier du couple de campeurs à la Zec de Forestville. “ Chacune des organisations est indépendante. Il y a un conseil d’administration en place, une direction en place. Nous, on s’assure de relayer le message et on accompagne l’organisme dans la gestion de cette problématique-là ”, ajoute Mme Bergeron.

Selon la directrice générale, le camping en période hivernale n’est pas toléré par la majorité des Zecs au Québec. Mais, la Fédération travaille sur un projet qui est présentement en analyse au gouvernement.

“ On a rédigé un document qui contenait notamment un avis juridique sur les lacunes dans l’application. Oui, on est soumis à ça, on veut bien faire appliquer la loi, mais des fois, le théorique et l’application sur le terrain, il y a des trous et des angles morts ”, fait savoir celle qui croit que le camping n’est pas nécessairement saisonnier comme le dit la directive gouvernementale.

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