Je souhaite porter à l’attention du public et des autorités compétentes une situation profondément injuste et contraire à l’esprit démocratique : celle du processus électoral à Natashquan, sur la Côte-Nord.
Actuellement, les membres de la communauté innue de Nutashkuan, qui compte 915 habitants selon le recensement de 2021, sont autorisés à voter et à se présenter aux élections municipales de Natashquan, une municipalité de seulement 262 résidents selon le même recensement. Ce déséquilibre démographique a pour effet que les citoyens du village — ceux qui y résident légalement, paient leurs taxes municipales et scolaires, entretiennent les infrastructures et participent à la vie locale — perdent toute capacité réelle d’élire des représentants issus de leur propre collectivité.
À l’inverse, les citoyens de Natashquan n’ont toutefois aucun droit de vote dans la gouvernance de la communauté de Nutashkuan. Il s’agit d’un rapport unilatéral, qui contrevient au principe fondamental de réciprocité démocratique.
Cette démarche ne vise aucune personne. Ayant travaillé cinq ans au sein de la communauté de Nutashkuan, j’ai côtoyé des personnes que j’estime, dont M. Henri Wapistan. Mon propos s’adresse aux règles institutionnelles, non aux individus. Ma position est d’autant plus légitime que je suis propriétaire d’une maison à Natashquan, où mon conjoint travaille. Notre enracinement local est réel.
Dans le débat public actuel, certains justifient cette participation électorale en affirmant que les citoyens de Nutashkuan font vivre Natashquan, puisqu’ils y effectuent une grande partie de leurs achats — que ce soit à l’épicerie, à la quincaillerie ou à la caisse populaire — et qu’ils sont, en nombre, largement plus nombreux que les résidents du village. D’autres avancent même que la majorité des enfants fréquentant l’école de Natashquan sont innus, ce qui, toujours selon cette logique, renforcerait leur droit de regard sur les décisions municipales. Ces arguments ne tiennent pas : bénéficier des services d’un village ne crée pas de droit politique sur celui-ci. L’école de Natashquan relève du réseau scolaire public du Québec, et non de la municipalité. Le fait d’y inscrire un enfant, pour des raisons personnelles ou logistiques, ne confère aucun droit de vote.
Cette distinction entre l’usage des services et les droits démocratiques s’applique également en matière de fiscalité : la fiscalité municipale de Natashquan ne s’applique pas au territoire de Nutashkuan, ce qui distingue clairement la situation des deux communautés. Les citoyens du village, pour leur part, sont pleinement redevables des taxes locales et assument l’ensemble des charges liées aux services municipaux, notamment l’entretien du réseau routier, les infrastructures publiques, le déneigement et les coûts associés à l’administration locale.
Dans ce contexte, il est d’autant plus essentiel de revenir aux balises juridiques qui encadrent le droit de vote et d’éligibilité municipale.
C’est d’ailleurs en réaction à ce déséquilibre — à la fois juridique et démocratique — que M. Benoît Léger, directeur général de la municipalité de Natashquan, a choisi de remettre sa démission le 6 octobre dernier. Il a publiquement dénoncé ce qu’il a lui-même qualifié d’« aberration législative ». Bien qu’il ait repris temporairement ses fonctions, en raison de l’absence de remplaçant, son geste demeure un signal fort du malaise institutionnel que cette situation engendre.
Cette situation révèle une contradiction fondamentale : les Premières Nations revendiquent leur autonomie politique et leur reconnaissance comme nations distinctes — ce qui est tout à fait légitime. Il est donc incohérent qu’elles interviennent dans les processus démocratiques internes d’une autre collectivité.
Il est urgent que les autorités compétentes clarifient cette situation, par souci d’équité, de cohérence institutionnelle et de respect pour les citoyens de Natashquan.
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