102 ans et comme si c’était hier…

Par Shirley Kennedy 9:46 AM - 28 juillet 2023
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L’après-midi de son 102e anniversaire, Simone Boulianne-Gagnon en compagnie de sa fille Lucie, sa belle-sœur Florence, sa fille Diane et sa nièce Nicole.

Menue et droite comme un chêne, dame Simone Boulianne-Gagnon pourrait facilement passer pour une grand-maman de 80 ans. Possédant un esprit vif et un vigoureux sens de la répartie, cette centenaire est selon son entourage, une redoutable joueuse de cartes.  

C’est au CHSLD des Bergeronnes que plusieurs désignent encore sous le nom de Foyer des Bergeronnes, que le Journal Haute-Côte-Nord a rencontré madame Boulianne-Gagnon le mardi 11 juillet, jour de son 102e anniversaire. 

La famille s’étant réunie dans la salle de l’établissement le dimanche précédent pour la fête officielle, c’est entourée de ses filles Diane et Lucie, sa nièce Nicole Boulianne, sa belle-sœur Florence Trépanier ainsi que le couple Julie Lapointe et Marcel Lessard, que l’aïeule passe l’après-midi devant des boîtes de chocolat offertes pour l’occasion et le délectable sucre à la crème de Diane. 

Ensemble, le petit noyau se berce des souvenirs déposés ici et là, sachant combien ils sont précieux bien que parfois douloureux. 

Ce sont cinq générations, dont 11 enfants, 23 petits-enfants, 29 arrière-petits-enfants et 3 arrière-arrière-petits-enfants, qui sont déployées autour de celle qui naquit le 11 juillet 1921 à l’Anse à la Cave, là ou jadis les loups marins étaient légion et où les baleines viennent toujours se pavaner, question de perpétuer la consécration bergeronnaise de leur territoire ancestral. 

« Quand les gens s’exclament devant les baleines, pour maman ce n’est pas très impressionnant », confesse Lucie. Alors que pour Florence qui demeure toujours dans la maison familiale des Boulianne à l’Anse à la Cave, les baleines représentent son divertissement quotidien pendant qu’elle fait la vaisselle. « Cette semaine j’en ai vu cinq en même temps », renchérit-elle. 

Et les centenaires ne sont pas une denrée rare dans la famille de Simone et Paul, puisque ses belles-sœurs, Rose et Mathilde Gagnon, ont respectivement atteint le cap des 104 et 102 ans. 

Troisième d’une famille de 18 enfants, Simone est née aux Bergeronnes tout comme son père Jonny Boulianne, qui lui s’est marié à Trois-Pistoles avec Joséphine Côté, native de ce village du Bas-Saint-Laurent. Aujourd’hui, la famille proche de Simone est composée d’un frère et de sept enfants vivants sur une famille de 11, dont trois d’entre eux habitent Les Escoumins, deux résident aux Bergeronnes alors que deux d’entre eux sont à Québec et Amos. 

Simone en compagnie de ses sept enfants toujours vivants, à l’arrière : Rémi, Lucie, François et Luc. À l’avant : Diane, Alain et Brigitte.

Alors que la vague de souvenirs déferle dans la salle de la résidence, la belle-sœur de Simone, Florence, partage les souvenirs douloureux qu’a fait resurgir en elle le drame de Portneuf-sur-Mer survenu au début du mois de juin dernier, décimant deux familles des Escoumins et des Bergeronnes. Un destin tragique similaire pour les deux frères de Simone et de l’époux de Florence qui se sont noyés au large de l’Anse à la Cave en 1962, en pratiquant la chasse aux loups marins. « Ce sont des tragédies qui nous marquent pour la vie », raisonne Florence. 

Simone a habité à Sault-au-Mouton et à Ste-Thérèse-de-Colombier avec son époux Paul avant le retour aux sources de la famille. Elle sera par contre la seule de la fratrie des Boulianne à être née aux Bergeronnes et à y finir ses jours. « Elle est passée à travers la COVID et une pneumonie le printemps dernier », ajoute avec fierté l’aînée des filles, Diane, partageant les bonheurs simples de jadis.

Les hivers heureux, mais rigoureux, et la cueillette estivale des fruitages qui permettaient aux enfants du village de se procurer cahiers et vêtements pour l’école, que le clergé retardait, selon que la saison était terminée ou non.  

« Papa travaillait pour le gouvernement à un moment donné, il nettoyait la forêt et les champs des cultivateurs, raconte Diane. Il n’était pas garde-forestier, mais ça ressemblait un peu à ça. Et nous on s’entraidait. Moi je me souviens que lorsqu’elle n’était pas là, c’est moi qui cuisinais, je devais avoir 12 ans environ. Maman était une couturière et tricotait beaucoup. Elle était très habile. Une excellente cuisinière aussi. Chez nous, à tous les repas, il y avait une soupe, un repas principal et un dessert sur la table. Il n’y avait jamais de restes, ça doit être pour ça que je n’aime pas manger les restes », lance-t-elle avec humour. 

La principale intéressée rétorque tout de go : « J’ai pas eu le temps de me bercer ! »

Installée au CHSLD des Bergeronnes depuis seulement un mois et demi, Simone s’y sent bien, d’autant que la nourriture y est excellente et qu’elle peut y pratiquer son passe-temps favori, les cartes. Elle joue au 500 et au Topper, mais n’est pas une gambleuse pour autant. « Pour moi on est venu au monde en jouant aux cartes », constate-t-elle.

Ce à quoi rétorque l’amie Julie : « C’est ça qu’on faisait, jouer aux cartes et jouer aux fesses. » Le fun est pogné au Foyer. Le ciel peut attendre.

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