Une histoire de chasse pas comme les autres pour Pierrette Imbeault

Par Charlotte Paquet 20 septembre 2017
Temps de lecture :
Les accidents de chasse impliquant des orignaux qui chargent des chasseurs sont rares. Photo courtoisie

Les accidents de chasse impliquant des orignaux qui chargent des chasseurs sont rares. Photo courtoisie

Baie-Comeau – Pierrette Imbeault a beau avoir été chargée par un orignal, ce qui est plutôt rare, et avoir évité de justesse de l’être par un deuxième le 6 septembre 2014, elle n’a pas perdu la piqûre de la chasse pour autant. Malgré des séquelles physiques importantes depuis l’accident qui l’a plongée un mois dans le coma, elle reprend son arbalète et son arme à feu chaque saison de chasse et 2017 ne fait pas exception.

Lorsqu’il est question d’accidents de chasse, on n’entend pas souvent parler d’une bête s’étant attaquée à un chasseur. Pourtant, l’histoire de la citoyenne de Godbout, âgée de 67 ans, prouve que ça peut arriver. Même qu’elle s’est fait dire qu’en 2014, il y aurait quelques événements similaires au sien sur la Côte-Nord.

Le 6 septembre 2014, en pleine période de chasse à l’arbalète, Pierrette Imbeault, qui préfère traquer l’orignal à l’arme à feu, avoue-t-elle, se dirigeait vers son chalet, situé à une dizaine de kilomètres au nord de Godbout, sur son véhicule tout terrain (VTT) rouge. Elle revenait d’une petite cueillette de bleuets destinés à la préparation d’une tarte et se trouvait à moins de 20 mètres de sa destination lorsque le drame s’est joué.

« La femelle est sortie à ma droite et elle m’a chargée. Je suis tombée en bas de mon 4 roues et je me suis fendu la tête sur une grosse roche. Du côté gauche, j’ai vu le buck sortir. Il a pris mon 4 roues et l’a viré à l’envers, les quatre roues en l’air et ça, c’était à cinq pieds de moi », raconte Mme Imbeault. La teinte rouge du véhicule tout terrain a attiré le mâle en chaleur. « Il s’est dirigé vers le 4 roues. Le rouge, ça l’a provoqué. C’est ça qui m’a sauvée », ajoute-t-elle.

Le coma

La dame est rapidement tombée dans le coma, mais elle a eu le temps de se voir « pisser le sang », dit-elle. Dans le bois, lui a-t-on raconté, deux chasseurs l’ont trouvée. Pendant que l’un restait près d’elle, l’autre est parti chercher du secours. Quelqu’un est aussi parti avertir son ami qui se trouvait à sa cache.

Les ambulanciers de Baie-Trinité sont arrivés. Ils l’ont transportée à l’hôpital de Baie-Comeau. Toujours dans le coma, elle a ensuite été transférée à l’hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec. « J’étais décomptée », indique Mme Imbeault. Ses proches ont d’ailleurs été avisés qu’elle ne passerait probablement pas à travers. Elle est finalement sortie du coma le 6 octobre, un mois après l’accident, mais avait perdu la mémoire.

S’en est suivi un autre mois passé à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (anciennement le centre François-Charron). « Je ne marchais plus du tout, du tout », raconte-t-elle. Finalement, le 6 novembre, elle rentrait à la maison.

La mémoire revient

Deux jours après son retour à Godbout, son ami l’a conduite au chalet. « Il me montait au chalet et là, je lui ai dit tout ce qui est arrivé. La mémoire m’est revenue. À Québec, le docteur m’avait dit : « Donnez-vous un an ou même deux pour retrouver la mémoire. » S’il ne m’avait pas montée dans le bois, ça aurait été plus long », croit-elle.

D’ailleurs, jusqu’à ce qu’elle se souvienne de l’accident, personne ne pouvait savoir ce qui était réellement arrivé pour qu’elle soit trouvée ainsi ensanglantée, au sol, non loin de son VTT. « Ah, c’est quelque chose! Je ne voudrais pas avoir à repasser ça », raconte-t-elle, en assurant avoir vu bien des fois dans sa vie des orignaux en rut, mais jamais des orignaux foncer sur une personne ou un véhicule.

Les premières fois qu’elle faisait la route entre Godbout et Baie-Comeau pour ses traitements de physiothérapie, « c’est comme si je voyais l’orignal sortir du bois. Je me suis parlé », note la dame à qui le cran ne semble pas manquer. Encore aujourd’hui, elle dit revoir l’accident à chaque fois qu’elle passe dans le chemin conduisant à son chalet, où la tragédie s’est produite.

Victime d’un traumatisme crânien, Mme Imbeault a dû réapprendre bien des choses du quotidien. « J’ai été obligée de réapprendre à tricoter. J’ai dû reprendre des cours de conduite avec une école avec la physiothérapeute dans l’auto », mentionne-t-elle en essuyant ses yeux humides à tous ces souvenirs remontant à la surface.

Elle souffre également d’une paralysie partielle. « M’écouter, je serais dans un fauteuil roulant, mais j’ai une tête de cochon. Je fais de gros efforts », indique-t-elle.

Rien de la SAAQ

Bien que son VTT soit immatriculé et qu’elle soit, dit-elle, déclarée invalide par les médecins, Mme Imbeault n’a reçu aucun dédommagement pécuniaire de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Elle a eu toutes les côtes cassées du côté droit et quelques-unes ne sont toujours pas replacées. Elle souffre d’étourdissements et éprouve de la difficulté à marcher et à monter les escaliers. Elle dit prendre 40 pilules par jour pour soulager ses maux.

« Pour la SAAQ, il aurait fallu que je fonce dans une autre machine. Je leur ai dit : « La prochaine fois, je vais dire à l’orignal de se mettre une plaque dans le c… », raconte-t-elle avec son franc-parler.

Malgré l’accident, les souffrances et les séquelles, Pierrette Imbeault continue d’aller en forêt. « Le bois, c’est ma vie. J’ai passé ma vie dans le bois. J’ai travaillé dans le bois. Je chasse depuis tout le temps. Je trappe aussi et je pêche », dit-elle.

Aucunes donnés au MFFP

Au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, aucune donnée n’est d’ailleurs colligée sur les accidents impliquant des orignaux chargeant des chasseurs. « Sans être exceptionnel, il semble que ce soit peu fréquent », assure Catherine Thibeault, conseillère en communication à la direction générale du secteur nord-est.

Mme Thibeault souligne cependant que les orignaux sont des animaux sauvages de grande taille et qu’en leur présence, la prudence est de mise comme avec tout animal sauvage. « En temps normal, les animaux sauvages ont la crainte des êtres humains », précise-t-elle.