Natasha Kanapé Fontaine fait son entrée dans Unité 9

Par Éric Martin 18 Décembre 2017
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Sept-Îles – La Nord-Côtière Natasha Kanapé Fontaine s’est jointe à la distribution d’Unité 9, lors du dernier épisode diffusé avant les Fêtes. Dans la série de fiction suivie en moyenne par 2 millions de téléspectateurs, elle campe le rôle d’Eyota Standing Bear, une détenue autochtone au passé sombre.

« Les tatouages, les cicatrices, les blessures et son odeur corporelle nous font comprendre qu’elle était itinérante. Elle avait des problèmes de dépendance à la drogue. Elle a vécu de grands cycles de violence. C’est une vie qui s’apparente à celle de multiples femmes autochtones qui se retrouvent dans la rue un peu partout au Canada », avance Natasha Kanapé Fontaine, une artiste innue originaire de Pessamit sur la Côte-Nord.

Elle a fait son apparition dans la série lors de l’épisode diffusé le 28 novembre, sur ICI Radio-Canada Télé. L’arrivée de cette détenue à Lietteville signifie qu’elle n’est plus dans la rue et qu’elle n’a plus accès à ces substances qui l’ont détruite. « Les gens réaliseront rapidement qu’elle n’en est pas à son premier séjour en prison. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. En sevrage, elle risque de réagir de multiples manières. Bien sûr, elle ne changera pas du jour au lendemain. Son bagage est lourd. Rien n’est cependant exagéré, tient-elle à préciser. C’est le plus bas stéréotype. »

Un heureux précédent

Ce rôle lui permet de se réconcilier avec le petit écran qu’elle avait délaissé en raison de son manque de diversité culturelle. « Je ne me reconnaissais pas dans la télévision québécoise. Ça a fini par m’ennuyer. Je m’y suis désintéressée. Lorsque j’ai passé l’audition, le script m’a fait comprendre qu’elle avait un lourd vécu. Ça m’a un peu freinée au départ », admet Mme Kanapé Fontaine.

Après une courte réflexion, elle s’est décidée à relever ce défi. « J’ai vu l’occasion d’apporter un peu d’humanité à un personnage autochtone. C’est ce qui fera en sorte que les mentalités vont changer, soutient-elle. De plus, elle est en milieu urbain. On parle très peu, ou pas d’eux. Plusieurs d’entre eux se retrouvent malheureusement dans la rue. Les prisons sont pleines de détenus autochtones », déclare-t-elle.

L’auteure arrive à faire un intéressant parallèle avec le livre « Ma réserve dans ma chair », qui relate l’histoire de Marly Fontaine, une jeune artiste innue de Uashat mak Mani-Utenam. « Elle est la preuve que beaucoup de gens réussissent à faire quelque chose de positif avec un passé lourd. C’est ce que j’appelle la rédemption, lance-t-elle. Je veux que mon personnage puisse y aspirer. Pour cela, on doit comprendre quels sont les cycles de violence et de dépendance. »

Un engagement renouvelé

Ce rôle représente une suite logique à toutes les actions militantes que Natasha Kanapé Fontaine a menées. « Je fais d’elle, en quelque sorte, un agent de transformation. Une histoire comme celle d’Eyota Standing Bear se doit d’être racontée. On met en lumière au petit écran des réalités qui ne sont pas représentées. J’aurais aimé qu’on me propose un rôle plus positif. C’est un premier pas, insiste-t-elle. Ça incitera sûrement les scénaristes à créer davantage de rôles autochtones. On ne peut qu’en sortir gagnant à tous les niveaux. »

Elle en profite pour saluer l’Enquête nationale sur les femmes autochtones assassinées et disparues, dont elle reconnaît assurément les bienfaits et la légitimité. « Ça vient donner de la crédibilité à ces témoignages. Ça les fait entendre à un maximum de gens. C’est dommage qu’on se doive de recourir à une telle procédure pour avoir un tel impact. Ça crée une vague qui fait bouger les choses », affirme-t-elle.

Un riche parcours

À la fois poète, slameuse, comédienne et militante, Natasha Kanapé Fontaine est considérée comme l’une des voix autochtones les plus importantes au Québec. Elle mène de front une imposante carrière littéraire. En effet, elle est l’auteure de trois recueils de poésie publiés chez Mémoire d’encrier soit N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Manifeste Assi et Bleuets et abricots.

À ces livres s’ajoute aussi Kuei, je te salue, publié aux éditions Écosociété, qu’elle a coécrit avec Deni Ellis Bouchard.

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