Cain’s Quest – L’incroyable détermination des Nord-Côtiers

Par Shirley Kennedy 28 mars 2018
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Réginald (Reggi), Jean-François et Sébastien Tremblay ainsi que Benoit Roberge. Photo courtoisie

Réginald (Reggi), Jean-François et Sébastien Tremblay ainsi que Benoit Roberge. Photo courtoisie

Portneuf-sur-Mer – Mars 2018, Cain’s Quest au Labrador. L’une des plus difficiles et longues courses de motoneiges au monde. Sur la ligne de départ, les équipes 36 et 63, les deux seules formations Nord-Côtières des 41 équipes participantes. Le leader de ce groupe d’intrépides, Réginald Tremblay 71 ans, surnommé Reggi, est loin de se douter qu’au fil de la course, il deviendra la coqueluche de l’édition 2018.

« Reggi! Reggi! Reggi! », scandent les amateurs qui attendent les coureurs aux différents points de contrôle (check points). Ces encouragements, Reggi les a bel et bien entendus. Ils ne sont pas le fruit de son imagination, même s’il n’a pas dormi depuis 24 heures. Pas plus que les demandes des bénévoles qui désirent se faire prendre en photo avec lui et ses compagnons d’armes. Pour le reste, que ce soit la frénésie sur les réseaux sociaux ou les appuis arrivant de toutes parts, on lui a rapporté. Parce que Reggi est déterminé comme pas un. Concentré sur la course de 3 200 km qu’il aimerait bien finir, il n’a pas le temps ni l’envie de lire ce qui se dit sur Facebook. « Moi je ne suis pas allé sur les réseaux sociaux pendant la course, mais mes sœurs m’ont rapporté cela en effet », confirme-t-il avec détachement.

Course à quatre

Homme d’affaires prospère originaire de Portneuf-sur-Mer, Reggi en était à sa 4e participation à Cain’s Quest. À 71 ans, il était le coureur le plus âgé et probablement le plus déterminé.

Alors qu’il a fait équipe avec son fils Jean-François lors des 3 éditions précédentes, Reggi décide de commanditer une autre équipe cette année, question d’avoir plus de chances de terminer la course. « La majorité des participants sont au moins 2 et même 3 équipes ensemble. À quatre, c’est plus sécuritaire, tu te poses pas de questions, tu te sens plus en sécurité. En 2016 nous avons parcouru seulement 100 km et nos deux motoneiges se sont enlisées dans une savane. Nous étions seulement deux pour se déprendre, nous avons dû abandonner », raconte-t-il. Il invite donc son neveu Sébastien Tremblay et le père de ses petits-fils, Benoit Roberge, à se joindre à eux. C’est comme ça que l’équipe 63 a pris part à la course. « On s’est payé un luxe cette année », convient-il.

Parce que faire Cain’s Quest, ce n’est pas accessible à toutes les bourses. Par équipe, seulement en frais de départ, il en coûte environ 15 000 $, à part les motoneiges et autres dépenses encourues par l’équipe de soutien technique. « Nous avions 3 motoneiges neuves sur quatre, deux véhicules et l’équipe de soutien composée de mon gendre Roy Macdermott (porte-parole officiel), mon frère Marc et mon neveu Éric Gagnon. Dès qu’on arrivait aux check points, ce sont eux qui prenaient les motoneiges en charge, qui faisaient le plein et s’occupaient des bagages ».

Bien que les équipes soient autorisées à s’entraider, seuls les deux membres de l’équipe sont autorisés à travailler sur les motoneiges en cas de bris.

Édition 2018

Les équipes 36 et 63 ont parcouru 1 700 km en 5 jours et franchi 11 points de contrôle sur 18 cette année. Leur meilleure performance en quatre courses. « C’est la première année qu’on se rend aussi loin, ajoute Reggi. En 2014 nous avions parcouru 1 100 km mais en raison d’engelures au visage nous avions abandonné. Il faisait 40-45 sous zéro, en comparaison avec des 3 à 10 degrés sous zéro la nuit cette année ».

Ennuis mécaniques

Brouillard, brume, conduite de nuit la plupart du temps, les équipes 36 et 63 ont persévéré jusqu’à Cartwright, malgré les ennuis mécaniques de Reggi et de Sébastien pendant la dernière portion du parcours. « Les 2/3 du voyage, mon moteur ne fonctionnait pas bien, à 50 % de sa puissance. Donc je pouvais rouler des maximums de 70 km/h ». À Nain, les Nord-Côtiers réussissent à réparer un connecteur sur la motoneige de Reggi. Jouant de malchance, le problème réapparait au bout de 400 km.

Quelques kilomètres avant de franchir le point de contrôle de Rigolet, la suspension de la motoneige de Sébastien casse. La chenille déchirée au ¾, ils procèdent à une réparation sommaire avec de la broche.

Finalement, avec un différentiel de 18 heures avec les meneurs qui approchaient le fil d’arrivée à Labrador City, les équipes 36 et 63 rendent les armes. « Cela nous aurait rien donné de continuer et les machines n’allaient pas bien de toute façon ».

Fort de cette expérience, Reggi sera peut-être de l’édition 2020. Il préfère ne pas s’avancer pour l’instant. Mais une chose est certaine, il a appris des vainqueurs que l’équipe de soutien sur le terrain est primordiale. « Si j’y retourne, ce ne sera pas avec deux équipes. Je vais me trouver une équipe technique qui va venir me porter de l’essence où on va être. Les gagnants (Team Maine) étaient appuyés par trois équipes de soutien qui avaient disposé de l’essence à différents endroits du tracé tandis que de notre côté, nous transportions 160 litres d’essence sur la sleigh… ».

Une expérience incroyable

Le neveu de Reggi, Sébastien Tremblay de Portneuf-sur-Mer, passe probablement plus de temps aux commandes de sa motoneige qu’au volant de sa camionnette, de décembre à avril. Dans le cadre de son travail de superviseur de centrales à Innergex et lors de ses loisirs, il parcourt entre 7 000 et 8 000 kilomètres par hiver. Pour lui, l’exigence physique n’était vraiment pas un problème. Il partage son admiration pour son oncle Reggi, qui n’a jamais baissé les bras. « Même nous, les derniers kilomètres on trouvait ça difficile. Il nous a tous épatés. Et les gens là-bas étaient en admiration, lorsqu’on arrivait nous étions accueillis avec des applaudissements, c’était un super de beau trip, les paysages sont à couper le souffle ». Enchanté de son expérience, Sébastien serait partant pour une autre édition, mais avec plus de préparation. « Il y a des trucs que tu prends par expérience. Par exemple les gagnants avaient une équipe de six gars en motoneige devant eux, ils n’avaient pas de gaz à transporter, ça fait une grosse différence ».

Préparation

En terme de préparation, Reggi et Jean-François ont participé à la course de La Tuque, la semaine précédant Cain’s Quest. « C’est 500 km à travers bois dans les sentiers de trappeurs, moi et Jean-François la faisons à toutes les années ». Aussi, avec leurs coéquipiers, Reggi et Jean-François ont roulé 4 000 km avant la course, question d’être prêts physiquement. « Ceux qui ne sont pas préparés ont des douleurs dans le cou, aux bras, au jambes. Mais quand tu roules 24 heures sans arrêt, c’est très exigeant. Et il y a une portion où nous avons roulé 160 km dans les bosses, ça été difficile ». Quant à la préparation mentale, ce n’est pas un problème pour Reggi, reconnu pour sa très grande détermination.

Sympathie

Tout au long de la course, persévérant malgré les ennuis mécaniques et le cumul des heures de retard sur les meneurs, les équipes 36 et 63 ont récolté un capital de sympathie incroyable, tant auprès des bénévoles que des nombreux spectateurs. La gentillesse, l’ambiance, ont marqué les Nord-Côtiers. « C’est dommage que nous ayons la barrière de la langue, puisque les coureurs et habitants sont très gentils. Il y a même un résident qui m’a dit que je pouvais prendre n’importe laquelle pièce sur sa motoneige et un autre qui a mis son garage à ma disposition pour me réparer ».

Chance

Alors qu’ils ont pris le départ au 35e rang sur 36 en 2016, les valeureux Nord-Côtiers n’ont pas été plus chanceux en 2018 alors qu’ils se sont retrouvés au 40e rang sur 41 sur la ligne de départ. « Les trails sont battues et plus endommagées ». Un mauvais sort que Reggi espère déjouer en 2020, s’il décide d’aller de l’avant. « C’est une possibilité, et l’âge ce n’est pas un problème pour moi. On a tout le temps aimé faire de la motoneige, c’est une passion que nous partageons Jean-François et moi. Je suis en pleine forme, j’aime la compétition et mon objectif, c’est un jour de la finir… ».

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