La forêt boréale nord-côtière, un garde-manger bien garni à exploiter

Par Shirley Kennedy 1:21 PM - 20 mars 2019
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Russel Tremblay récolte le bourgeon de l’aulne crispé qui sera transformé en épice appelée poivre des dunes.

Russel Tremblay récolte le bourgeon de l’aulne crispé qui sera transformé en épice appelée poivre des dunes.

Forestville – Que les mycologues aguerris et amateurs gourmands se le tiennent pour dit, la Côte-Nord est le paradis des produits forestiers comestibles. C’est du moins la prétention de Russel Tremblay, propriétaire de l’entreprise Les Saveurs Boréales, qui se spécialise dans la récolte des champignons, épices et fines herbes qui abondent dans notre arrière-pays.

Bien que la forêt boréale nord-côtière regorge d’une récolte foisonnante, celle-ci demeure quasi-inexploitée, estime le propriétaire de l’entreprise forestvilloise qui récolte une dizaine de produits écoulés selon l’offre et la demande, auprès des distributeurs, restaurateurs et particuliers.

Montréal en Lumière
« Plusieurs mycologues sont venus au cours des dernières années et tous s’entendent pour dire que notre forêt est riche en produits forestiers comestibles », ajoute cet érudit qui a épaté la galerie lors de la récente édition de Montréal en Lumière où les producteurs nord-côtiers étaient en vedette.

Il a même partagé son précieux savoir avec les auditeurs de Joël Le Bigot sur Ici Première de Radio-Canada lors de l’émission Samedi et rien d’autre le 23 février dernier.

Qu’on parle du champignon crabe, plus facile à identifier et à récolter, ou encore le poivre des dunes, un bourgeon tiré de l’aulne crispé transformé en épice que l’on récolte l’hiver, les saveurs sont infinies et malheureusement encore fort méconnues.

« Je ne récolte même pas 1% du territoire, il y a énormément de produits et nous n’avons rien à envier aux épices de l’Inde ou des autres pays. Il faut les faire connaître », lance l’entrepreneur.

Bon an mal an, Les Saveurs Boréales emploient sept récolteurs pour répondre à la demande des clients. « Il y a des bonnes années et d’autres plus difficiles selon les variétés, explique M. Tremblay.

L’an dernier, l’entreprise a récolté 1 300 kg de champignon crabe alors que l’année précédente fut médiocre, enregistrant un maigre butin de 37 kg.

Conséquences de l’incendie de Labrieville
Près d’un an après l’incendie dévastateur de Labrieville, le fondateur des Saveurs Boréales appréhende la cueillette de la morille, qui jouit d’une brève fenêtre de récolte printanière de 12 jours. « Ce champignon a la même couleur que le brûlé, alors j’ai bien hâte de voir s’il sera visible et même s’il y en aura cette année ».

Outre l’étape initiale de la cueillette, Russel Tremblay et sa partenaire dans la vie et dans l’aventure des Saveurs Boréales, Josée Thellend, s’attardent au stade du conditionnement de leur précieuse marchandise. Si le champignon est de très belle qualité, il sera expédié dans la journée pour le marché frais. S’il est un peu moins attrayant, il sera déshydraté et pourra être conservé pendant deux ans.

Certains produits forestiers comestibles de la Côte-Nord sont prisés pour leur goût exquis et les saveurs uniques qu’ils ajoutent aux plats, alors que d’autres le sont pour leurs vertus médicinales. C’est le cas du champignon chaga, cueilli à même l’écorce de bouleau ou de merisier et auquel on attribue des propriétés antioxydantes de loin supérieures au bleuet. « Infusé, il est prescrit en Europe aux gens qui sont soumis aux traitements de chimiothérapie puisqu’il rehausse le système immunitaire », soutient Russel Tremblay.

Table bioalimentaire Côte-Nord
Par l’entremise de la Table bioalimentaire Côte-Nord, Russel Tremblay et ses collègues producteurs, espèrent mettre sur pied une structure qui leur permettra d’accéder aux marchés publics des grands centres comme les marchés Jean-Talon et Atwater à Montréal, afin d’écouler leur marchandise et ainsi assurer la pérennité de leurs entreprises.

« Nous avons de beaux produits à faire connaître et quelques projets intéressants, par exemple la mise sur pied de food trucks qui sillonneraient les villages de la région pour offrir la marchandise aux locaux », affirme celui qui se dit humble devant la nature et surtout attentif à la protection de la ressource.

Bien sûr, le statut de région éloignée de la Côte-Nord exige une logistique de transport qui engendre de lourds frais financiers pour les producteurs. Une problématique que la Table bioalimentaire de la Côte-Nord tentera d’enrayer au cours des prochaines années.

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