Des os vieux de 5 000 ans découverts aux Bergeronnes

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 26 juillet 2022
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Jessyca Allicie (étudiante), Maude Généreux (étudiante), Robert Charron (étudiant), Véronique Duguay (bénévole), Chantale Bolduc (étudiante), Marie-Claire Gagnon (étudiante), Jany-Claude Bouchard (archéologue assistante), Noémie Plourde (archéologue et chargée de cours) et Marc-André Béchard (archéologue assistant) ont fait d’intéressantes découvertes aux Bergeronnes.

La Pointe-à-John aux Bergeronnes a une fois de plus été l’hôte de fouilles archéologiques, plus précisément sur le site Lavoie. Trois archéologues ont mené une école de fouille avec cinq étudiants de l’Université du Québec à Chicoutimi durant quatre semaines, de fin juin au 22 juillet.

Plusieurs artéfacts ont émergé du sol correspondant à la période archaïque soit entre 5 500 et 3 000 ans avant aujourd’hui.  Des pointes de projectile, des outils taillés, des outils polis qui sont typiques de cette période, un ciseau à bois poli lui aussi et un couteau font partie des objets retrouvés.

Même si le ciseau à bois est une « pièce exceptionnelle », selon la chargée de cours et archéologue depuis 10 ans, Noémie Plourde, une autre découverte a impressionné les participants. « C’est très rare, je n’en avais jamais vu dans ma carrière, il s’agit d’une pointe de projectile en os qui date de 5 000 ans », dévoile Mme Plourde.

Selon l’hypothèse de cette dernière, les occupants auraient chassé avec le projectile en os et quand ils ont retiré l’arme, la pointe serait restée coincée dans un os, ce qui a fait en sorte qu’elle serait restée en place. « On a trouvé des os et la pointe en dessous », illustre-t-elle.

Des échantillons de charbon ont été prélevés par l’équipe en place afin de mieux identifier la période à laquelle remontent les artéfacts. Mais, la grande majorité de ce que les archéologues et les étudiants ont trouvé, ce sont des os de phoque.

« Les groupes arrivaient au printemps quand il restait de la glace pour chasser le phoque, ce qui est plus facile que lorsque les mammifères marins sont dans l’eau. Ils venaient par la suite les dépecer ici. Il y a tellement eu de dépeçage d’animaux marins que le pH de sol a changé et je suis capable de retrouver des os frais de 5 000 ans. C’est vraiment une belle surprise », témoigne la chargée de cours.

Toutes ces découvertes ont été repérées dans une tranchée creusée sur le site archéologique. Le puits qui se trouve à proximité sera lui aussi fouillé cette semaine par les archéologues. Noémie Plourde a beaucoup d’espoir de mettre la main sur des structures encore en place. « Le puits n’a pas été beaucoup touché par les labours, alors ce ne serait pas surprenant de faire de belles trouvailles », divulgue-t-elle.

À la fin de la semaine, les spécialistes du patrimoine archéologique plieront bagage et repartiront avec de nombreux artéfacts à analyser en laboratoire. « Chaque pièce sera analysée, comptabilisée, mesurée et pesée. Je reprends ensuite toutes les informations que j’inclus dans un rapport qui sera remis au ministère de la Culture et des Communications.

Comme le site Lavoie est un site classé par le gouvernement du Québec, il est impossible pour quiconque d’y creuser un trou, aussi petit soit-il. Le propriétaire de la résidence située à cet endroit devait donc demander une autorisation afin de procéder à des travaux d’excavation. Le ministère de la Culture a accepté d’investir pour une école de fouille sur le site en collaboration avec le Centre Archéo-Topo.

Une tranchée a été creusée sur le site Lavoie, un des 10 sites classés de la Pointe-à-John. De nombreux artefacts ont été découverts ainsi qu’une multitude d’ossements de phoques.

Un lieu riche en patrimoine archéologique

La Pointe-à-John, qui est à l’embouchure de la rivière des Grandes-Bergeronnes, est un lieu très riche en patrimoine archéologique, selon Marc-André Béchard, originaire de Sacré-Cœur et œuvrant dans le domaine depuis huit ans. Les nombreux artéfacts qui y ont été découverts ont pris une grande place dans l’histoire du Québec.

« Il y en avait tellement que le gouvernement, en 1983, a décidé de classer une bonne partie de la Pointe-à-John. Quand on classe un site, on le protège au niveau de la loi pour ne pas détruire ce qu’il contient », précise-t-il. Une dizaine de sites archéologiques y est répertoriée alors qu’on en trouve une trentaine sur le territoire municipal des Bergeronnes ainsi que 1 200 sur la Côte-Nord.

Comme l’explique M. Béchard, « les Premières Nations venaient aux Bergeronnes pour exploiter les mammifères marins, le phoque du Groenland, le phoque commun et le phoque gris en fonction des saisons. Ce sont des populations qui proviennent probablement du golfe du Maine, de la côte est de l’Atlantique. On peut faire des similitudes avec les premiers humains à venir ici il y a 7 000 à 8 000 ans ».

Les sites de la Pointe-à-John sont tous réservés aux activités qu’ils pratiquaient, taillage de pierre, campement, débitage d’animal, tannage. Chaque activité révèle un site archéologique. Sur le site Lavoie, on a retrouvé un grand nombre d’ossements de phoques.

« Au cap de Bon-Désir, c’est un peu la même situation et à l’embouchure de la rivière Sainte-Marguerite à Sacré-Cœur, il y a un site où, dans 10 mètres carrés, on a retrouvé plus d’un million ossements de phoques du Groenland. Quand on dépèce le phoque, la graisse de l’animal fond avec le feu et s’accumule dans le sol faisant en sorte de préserver les ossements », explique le passionné d’archéologie. 

Marc-André Béchard est un archéologue originaire de Sacré-Cœur qui se passionne notamment pour le patrimoine archéologique.

Des ressources financières limitées

Pour Marc-André Béchard, détenteur d’une maîtrise en patrimoine archéologique, l’archéologie est l’enfant pauvre du ministère de la Culture et des Communications. Celui-ci est responsable du classement des sites archéologiques ainsi que le propriétaire du site. Les Municipalités, quant à elles, sont en première ligne en ce qui a trait à la gestion de leur patrimoine archéologique.

« Elles ont un pouvoir d’agir. Mais, ce sont plutôt les grandes villes qui ont les moyens de le faire, comme Montréal, Trois-Rivières et Québec, qui possèdent un département au niveau de l’urbanisme pour gérer l’archéologie », affirme le Sacré-Coeurois d’origine qui soutient que les questions de patrimoine sont également liées aux émotions et au sentiment d’appartenance.

« À qui appartient vraiment le patrimoine? À qui réveille-t-il le plus de sentiments? Les sites archéologiques de la Pointe-à-John sont liés au patrimoine des Premières Nations, alors il faut prendre en compte des réalités politiques », laisse tomber M. Béchard.

Les ressources financières limitées sont aussi un défi constant en matière d’archéologie. C’est pourquoi le jeune homme espère une meilleure sensibilisation au patrimoine archéologique au cours des prochaines années.

« La Municipalité des Bergeronnes, c’est le début de l’archéologie québécoise. C’est un des endroits qui a formé le plus d’archéologues professionnels. Pourtant, ce n’est pas encore suffisamment connu et il reste du travail à faire pour sensibiliser », de conclure Marc-André Béchard.

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