Érosion des berges et submersion côtière: Piètre figure en matière de prévention

Par Emelie Bernier 8:00 AM - 3 juin 2023
Temps de lecture :

L’érosion menace des milliers de kilomètres de côtes. Archives

« Courtoisie » des changements climatiques, les épisodes météorologiques extrêmes — grands vents, pluies torrentielles, canicule, vortex polaire, etc. — se multiplient et les côtes de l’Est du Québec en font les frais. Les berges sont de plus en plus soumises à l’érosion et à la submersion côtière, un péril véritable pour des infrastructures tant privées et publiques. On le sait, mais le Rapport de la commissaire au développement durable, publié en avril 2023, dresse pourtant des constats accablants.

La province fait piètre figure en matière de prévention et d’action concertée pour faire face à la menace qui plane sur un nombre important de communautés riveraines dispersées le long de quelques milliers de kilomètres de côtes.

Janique Lambert, commissaire du développement durable, ne fait pas dans la dentelle dans sa critique de la gestion des risques liés à ces fléaux qui ont déjà fait leur lot de dommages.

Les constats qui émanent de l’audit de performance sur l’adaptation aux risques liés à l’érosion et à la submersion côtières dans un contexte de changements climatiques sont sans appel.

« Nos travaux démontrent que la gestion des risques liés à l’érosion et à la submersion côtières effectuée par les principaux acteurs, soit le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), le ministère de la Sécurité publique (MSP) et le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), présente des lacunes et n’est pas efficace. »

La commissaire, qui en vient à la conclusion que les ministères concernés travaillent de façon sectorielle, déplore notamment l’absence de « gestion intégrée de l’adaptation aux risques liés à l’érosion et à la submersion côtières qui ne permet pas d’avoir une vision globale et une coordination efficace de ces interventions. »

En matière de connaissance, plusieurs données sont manquantes, ou leur diffusion, déficiente. « Les trois ministères ont investi des fonds publics pour acquérir des connaissances sur ces aléas ainsi que sur les milieux côtiers, mais ils n’ont pas veillé à ce que cette information soit pleinement accessible », peut-on lire dans le rapport.

Au final, « l’absence d’une diffusion de l’ensemble des connaissances disponibles, les acteurs régionaux et locaux ainsi que le grand public peuvent difficilement repérer rapidement les informations importantes qui leur permettraient de prendre des décisions éclairées concernant les risques liés à l’érosion et à la submersion côtières », ajoute-t-on.

Rares sont les municipalités « qui bénéficient de l’encadrement et du soutien nécessaires du MSP et du MELCCFP pour la réalisation de projets d’adaptation et la prise en charge efficace des risques. »

Sans surprise, les effets des changements climatiques sont les principales causes de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité de l’érosion et de la submersion côtières, soit des tempêtes de plus en plus dommageables, la hausse des températures hivernales entraînant la réduction du couvert de glace, l’augmentation de l’impact du gel et du dégel et la hausse du niveau des eaux du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent.

L’adaptation des communautés concernées devrait être une priorité, selon la commissaire.

50 %

Selon une étude, dès 2013, 50 % des côtes à l’est de Québec présentaient un risque d’érosion côtière. 43 % étaient potentiellement à risque pour la submersion côtière.

Pour les régions du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, on estime qu’environ 65 % du littoral est sensible à l’érosion côtière et que les « taux de recul moyens de la côte peuvent atteindre deux mètres par année à certains endroits. » 

Ça coûtera cher

« Si aucune mesure d’adaptation n’est mise en place, plus de 5 000 bâtiments et près de 300 km de routes pourraient être exposés et subir des dommages causés par l’érosion d’ici 2065, et les coûts potentiels de ces dommages pourraient s’élever à près de 1,5 milliard de dollars pour cette période », selon une étude.

Qui plus est, les coûts liés à la submersion et les coûts indirects, comme la perte d’activités économiques ou la dégradation des écosystèmes, ne font pas partie de ce calcul.

Ces aléas engendrent évidemment des dépenses au chapitre du réseau routier.  

Le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), responsable de près de 2 775 km de routes situées à moins de 250 mètres de la côte, dont plusieurs tronçons des routes 132, 138 et 199, et de près de 100 km de voies ferrées, prévoit investir quelque 535 millions de dollars d’ici 2032.

La prévention ne semble pas être une priorité puisque de mars 2018 à mars 2023, près de 80 % des dépenses du MTMD en lien avec l’érosion et la submersion côtières pour le réseau routier sous sa coupe ont servi à réparer les dégâts suite à des événements fâcheux (environ 48 M$ pour 23 projets) plutôt qu’à les prévenir (environ 13 M$ pour 32 projets).

Partager cet article