Pessamit : à la mémoire de six femmes assassinées
Le croquis du monument a été présenté lors de la soirée. PHOTO : ANNE-SOPHIE PAQUET-T
« Elles étaient mères, filles, sœurs, tantes ou nièces, toutes victimes d’un mal » ont fait résonner les paroles de Kim Picard, l’animatrice de la soirée du projet du monument en mémoire des femmes disparues. Ce mal dont elle fait allusion est un mal humain. Six femmes issues de la communauté de Pessamit sont décédées des mains d’hommes violents dont un seul a purgé une peine de prison.
« Femmes innues de Pessamit, qui sont parties dans un autre monde et dont les vies ont été volées », a rappelé Mme Picard à tous les gens solennellement silencieux dans la salle communautaire de Pessamit.
« Il est important d’honorer ces femmes qui sont parties de façon si brutale et qui n’étaient pas prêtes à mourir », renchérit Mme Picard. L’animatrice a insisté en expliquant que cette violence est arrivée dans sa communauté.
Énumérant plusieurs statistiques, dont l’enquête sociale générale de 2004, elle souligne que les femmes autochtones âgées de 15 ans et plus courent un risque plus élevé d’être victimes de violence, soit près de quatre fois plus. En plus d’avoir plus de risque d’être violentées, cette violence est sept fois plus mortelle que la moyenne des femmes du pays.
« Ces pertes de vies sont passées inaperçues. On a l’impression que les féminicides autochtones ne sont pas traités pareillement, c’est dur de ressentir que la valeur d’une femme autochtone a de l’importance […] Le droit à la dignité humaine est bafoué », souligne Mme Picard.
Femmes innues de Pessamit,
qui sont parties dans un autre monde
et dont les vies ont été volées
– Kathy Picard
Des statistiques qui parlent
Selon la journaliste Jennifer Brant de l’encyclopédie canadienne, il y a d’importants désaccords quant au nombre de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées au pays. Elle confirme que le rapport de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) datant de 2014, indique un chiffre de plus de 1 200 cas de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées entre 1980 et 2012. Par contre, selon les groupes de femmes autochtones le chiffre s’élèverait à plus de 4000.
Mais pourquoi ? Selon Mme Brant, « plusieurs facteurs expliquent cette confusion au sujet des chiffres, notamment un phénomène de sous‑déclaration de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones, l’absence d’une base de données efficace en la matière et l’incapacité à recenser les cas de ce type en fonction du groupe ethnique d’origine des victimes ».
Une soirée pour briser
le silence
L’initiatrice du projet, Mme Kathy Picard qui est aussi intervenante psychosociale au secteur soutien à la famille de Pessamit a senti elle-même le besoin de briser le silence devant ces actes impardonnables commis dans la communauté même.
« Ma fille est oubliée et pas l’assassin », rapporte Mme Picard, en lien avec les mots de la mère d’une des femmes qui a été tuée.
Avec ces paroles choquantes, Kathy Picard a eu l’idée d’un projet pour se remémorer la vie des six femmes victimes. L’idée a débuté avec une affiche et elle s’est amplifiée pour qu’un monument puisse leur rendre hommage.
« Le silence est intergénérationnel, les gens ont peur de parler », confie Mme Picard lors d’une entrevue avec le journal le Manic. Elle a souhaité organiser une soirée pour créer un contact avec les gens de la communauté et les organismes d’aide incluant les personnes-ressources. Cette rencontre humaine pourra aider une victime à dénoncer.
« Si je suis capable d’aider une seule victime, je vais être contente », dit-elle.
Kathy Picard connait bien la réalité de sa communauté puisqu’elle reçoit des tonnes de confidences où elle travaille à titre d’intervenante sociale.
L’une des solutions qu’elle propose est d’inciter le ministère de la Justice à se déplacer dans la communauté pour mettre en place des stratégies de dénonciation et de procès pour les victimes d’actes criminels.
Elle est persuadée que de donner cette possibilité aux femmes victimes de violence, leur donnerait confiance et assurance. Mme Picard a fait la demande pendant de nombreuses années lorsqu’elle travaillait au CAVAC « je souhaite voir la concrétisation de ce projet avant ma mort », insiste-t-elle.
Une œuvre visible
pour ne jamais oublier
Le monument officiel sera installé aux abords de la route 138 dans les prochaines semaines à l’entrée de la communauté de Pessamit. Cette visibilité est importante pour Mme Picard. L’œuvre a été dessinée par l’artiste Mali alias Marie-Rock Hervieux.
« J’étais 100 % sûre que je voulais participer parce que je suis une femme qui lutte pour les femmes autochtones à travers mon art », précise-t-elle.
L’artiste a confié qu’elle a été rapidement inspirée et que le croquis lui a demandé à peine 15 minutes à dessiner. La création du monument a été confiée au Centre d’innovation des premiers peuples et l’un des artistes est Josh Picard, natif de Pessamit. « J’ai vraiment mis mon 100 % là-dedans », conclut-il.
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