8 baleines noires observées près d’Anticosti

Par Émélie Bernier 11:12 AM - 2 août 2023 Initiative de journalisme local
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Ces callosités, spécifiques à chaque animal, permettent de reconnaître les spécimens. Courtoisie Jacques Gélineau

La zone au nord-ouest d’Anticosti semble de plus en plus prisée par les baleines franches, mieux connues sous le nom de baleines noires, une espèce classée en danger critique d’extinction en 2020. Un total de 8 baleines différentes a été vu dans le secteur par les observateurs de la station de recherche de Mingan au cours des derniers jours, un nombre record depuis 2019.

Deux spécimens ont été observés dès le 26 juillet, puis leur nombre s’est accru progressivement jusqu’à atteindre 8. « Il  y a l’air d’avoir une tendance de ces animaux-là à côtoyer de plus en plus la partie nord-ouest d’Anticosti. C’est une zone où il y a beaucoup, selon les océanographes, de copépodes calanus finmarchicus, de petits crustacés zooplanctoniques qui sont la base de la nourriture des baleines franches », explique l’observateur Jacques Gélineau, associé au projet d’observation de la station de recherche.

Cette « bonne nouvelle » devrait toutefois inciter les navigateurs à la plus grande vigilance. « Il faut faire attention! On voit des navires qui sont directement dans les secteurs où se trouvent les baleines », s’inquiète-t-il.

Un nouveau dessin du corridor de navigation pourrait être une « option viable pour l’espèce », selon lui. « Il faut envisager sérieusement de déplacer le corridor de 4 miles nautiques vers le nord et de le prolonger vers l’ouest pour obliger les bateaux à contourner le banc Parent. En maintenant bien sûr la régulation de vitesse », avance M. Gélineau.

Ce nouveau corridor devrait être permanent, considérant que de nombreux mammifères marins fréquentent le secteur. « La partie ouest de l’île est une zone de forte affluence de baleines depuis 40 ans. Quand les baleines sont sur la Côte-Nord, elles se tiennent en général entre 5 et 7 miles nautiques de la côte. Ce serait un moindre mal de libérer les aires d’alimentation », poursuit-il.

Les baleines franches ont la fâcheuse habitude de ne pas craindre les grands navires, estime celui qui les observe depuis de nombreuses années. « C’est là le danger.  Le mardi 1er août, j’ai dû m’interposer avec mon zodiac entre une baleine et un grand bateau pour éviter que la baleine s’en approche trop. Le devant des bateaux est très éloigné des sources de propulsion et les animaux, qui marchent par le son, ne les entendent pas toujours. »

Courtoisie Jacques Gélineau

Comment en arrive-t-on à un décompte de 8 spécimens? On peut différencier ceux-ci en observant les callosités sur leur peau et les nageoires caudales. « Des cellules de la peau se transforment en kératine et forment des patrons. Quand ces formations commencent à être importantes, elles se remplissent de ce qu’on appelle des « poux de baleines », des crustacés parasites qui vont prendre assise dans les callosités et les colorer en rose. Grâce à ces parasites, on voit facilement le patron des callosités et ça sert à identifier les animaux », explique Jacques Gélineau.

Ce dernier ne met pas en doute la bonne volonté des usagers du corridor de navigation, mais il croit que des mesures coercitives sont peut-être nécessaires pour mieux protéger les baleines.

« On a essayé de promouvoir de bonnes méthodes auprès des capitaines sur une base volontaire, mais ça ne semble marcher. J’ai rencontré toutes les minières une par une pour leur faire part de ce programme, ils ont un bon vouloir, mais comment ça se traduit sur le chenal? Je fais le suivi du trafic maritime avec Marine traffic et c’est facile de voir qui contrevient parce qu’on voit très bien par où ils passent. Il y a eu peu de changements par rapport à notre rencontre de l’an dernier. Il va falloir resserrer le contrôle. »

Emmanuelle Guertin Brunet, Jacques Gélineau et Charlie Deegan. Courtoisie