Des tatouages sur le visage de femmes innues

Par Sylvie Ambroise Initiative de journalisme local 5:30 AM - 22 août 2023
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Bernadette Vollant. Photo courtoisie

Dans la communauté de Uashat mak Mani-utenam, de plus en plus de femmes se font tatouer sur le visage. Il s’agit parfois d’une ligne verticale en dessous du menton, ou de points ronds sur les joues, ou les tempes. 

Cela rappelle notamment les tatouages des femmes inuites. Autrefois, il était commun que les femmes des Premières Nations du Québec aient des tatouages faciaux. L’activité traditionnelle, qui vient raconter l’histoire de la femme qui en porte, diabolisée par l’Église catholique, fait une réapparition.

Bernadette Vollant, une femme de Mani-utenam, porte une ligne verticale en dessous du menton et seize points sur les côtés de ses yeux, qui représentent ses petits-enfants.

« J’ai été une femme battue, et cela me touche lorsqu’on parle de femmes autochtones disparues et assassinées, et aussi, je l’ai fait pour les enfants qui ont été retrouvés morts dans les pensionnats, mais aussi, pour la maltraitance que beaucoup d’enfants ont vécue », raconte Mme Vollant.

Elle confie avoir déjà traversé de tels épisodes durant sa vie.

« Il m’est déjà arrivé de me faire embarquer dans une voiture et qu’un homme me conduise dans la forêt. J’ai réussi à m’échapper. Je pensais à ces femmes qui ont été tuées, comment se sentaient-elles ? »

La spiritualité et l’identité

Stéphanie Jordan, de Uashat, porte une ligne rouge en dessous de son menton et deux points qui représentent ses deux tentatives de suicide. Ces tatouages signifient son cheminement personnel.

« Quand j’ai rechuté, ou quand je suis triste, je regarde mon tatouage et je me rappelle de ne pas retourner là », exprime-t-elle.

Madame Jordan l’a aussi fait pour une question identitaire.

Stéphanie Jordan. Photo courtoisie

« On ne se le cachera pas, j’ai le teint un peu plus pâle, je suis métisse », explique celle pour qui c’est également une façon d’affirmer ses origines autochtones.

« En faisant mes recherches, ils disaient que dans chaque communauté et que pour chaque personne, cela avait une signification bien précise », souligne Mme Jordan. « J’étais fière de voir ça sur le visage des femmes, car je voyais des femmes fortes, persévérantes et résilientes. »

« Plus que ça va. Plus les générations qui s’en viennent, on est de plus en plus fières, surtout de reconnaître qui on est et de retourner dans nos racines. »

Un pont vers les allochtones

Les deux femmes aux visages tatoués se font arrêter régulièrement pour se faire questionner par des allochtones.

Stéphanie Jordan croit que c’est une ouverture avec les allochtones.

« Il faut que l’on s’ouvre plus avec les allochtones, c’est ce que mon tatouage m’a apporté : plus de rapprochements. On me pose des questions et les allochtones trouvent cela beau. »

Pour Bernadette Vollant, c’est aussi un aspect positif dans la réconciliation.

« Dans les grands centres, on m’arrête souvent pour en parler et cela me fait plaisir. »

Cela lui permet de parler des autochtones. Mme Jordan ajoute que « 95 % des personnes qui me parlent trouvent ça positif, mais il reste 5 % qui ont des préjugés, mais de ces 5 %, j’ai réussi à faire changer d’idées sur les autochtones à 2 % » explique-t-elle.

Bernadette Vollant souhaite que les jeunes filles de sa communauté le fassent de plus en plus. « J’aimerais qu’elles le prennent au sérieux, ce cheminement de se faire faire ces tatouages sur le visage, de ne pas le faire simplement par parure. »

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