Comment noyer un poisson ?

Raphaël Hovington 12:00 PM - 14 septembre 2023
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Quelle est la meilleure façon de noyer un poisson ? Dans le cas d’un dossier comme celui de la construction d’un pont sur le Saguenay, c’est de promettre des études, puis d’en retarder la sortie. Voilà ce que le gouvernement du Québec est en train de faire. Il a promis des études pour le printemps 2023, mais celles-ci ne sortiront pas avant 2024, sans en préciser la date.

Le député de René-Lévesque vient d’en faire l’annonce. Les études étaient attendues avant la fin de l’année en cours, mais sont repoussées en 2024. De quelles études s’agit-il ? Les appels d’offres ont été lancés au printemps 2022, avant l’élection provinciale, pour la tenue de deux études, une dite socio-économique pour mesurer les impacts de la construction d’un pont sur l’exploitation de la traverse Tadoussac-Baie-Sainte-Catherine, et l’autre d’opportunité pour déterminer le meilleur corridor de prolongement de la route 138. Les deux études devaient être menées parallèlement, donc être publiées en même temps. On parlait alors du printemps 2023.

Le premier ministre Legault est venu à Baie-Comeau pour présenter son candidat dans René-Lévesque, le maire démissionnaire Yves Montigny, un ardent défenseur de la construction d’un pont sur la rivière Saguenay. Il a déclaré que Québec irait de l’avant avec le projet si l’étude d’opportunité était positive. On connaît la suite : Yves Montigny a mis fin au règne du Parti québécois dans René-Lévesque et Kateri Champagne Jourdain en a fait autant dans Duplessis, ce qui lui a valu de faire son entrée au conseil des ministres.

Puis, c’est le silence jusqu’à jeudi dernier alors que le député annonçait le report de la sortie de l’étude d’opportunité en soutenant que « les gens ne seraient pas contents de nous voir bâcler ça. On n’est pas un gouvernement qui fait les choses à moitié ». Pourtant, c’est aussi un gouvernement qui ne prêche pas par l’exemple. Parlez-en aux gens de Québec et de Lévis à propos du troisième lien. Une promesse de dépense pharaonique qui heureusement n’a pas été tenue, mais tous reprochent au gouvernement son manque de transparence dans ce dossier. Sera-ce la même chose pour la Côte-Nord ?

Trois éléments retiennent l’attention à la suite de la sortie du député Yves Montigny. Le premier, c’est qu’on ne parle plus d’un pont, mais d’un besoin d’améliorer la fluidité dans le secteur de Tadoussac. Qu’est-ce que cela signifie ? Un bateau de plus ou un pont sur la rivière ? Quand le député déclare qu’il faut « une étude d’aujourd’hui démontrant le besoin de ce lien permanent », je commence à croire que des doutes s’installent sur la pertinence de désenclaver la Côte-Nord en reliant les deux rives de la rivière Saguenay au moyen d’un pont. 

L’autre élément qui surprend, c’est d’apprendre que la Société du pont fait partie d’un comité, dont on ne connaît pas le nom et où on « est très content de les avoir parce que la réalité nord-côtière est bien nommée ». De vous à moi, la meilleure façon de bâillonner les gens, c’est de les nommer à un comité. La Société du pont qui porte ce dossier depuis plus de vingt ans est en quelque sorte condamnée au silence.

Enfin, le député affirme ne pas avoir changé d’idée. Je veux bien le croire, mais il se livre aussi à un jeu politique en identifiant trois catégories de citoyens face à ce dossier qui traîne dans le décor depuis plus de 50 ans. Il parle « des majoritaires » et « des perturbateurs », ceux dit-il qui n’ont pas voté pour la CAQ, et, enfin, « des autres », des gens « qui croient au travail des élus et croient qu’on avance pour vrai dans un projet ».

Je suis désolé, mais c’est une autre façon de museler la critique en inventant deux catégories de citoyens, les bons, ceux qui pensent comme vous, et les pas bons, ceux qui critiquent et posent des questions. Personnellement, j’espère qu’on ne me prendra pas pour un perturbateur, mais comme un commentateur qui ne cherche qu’à démêler les choses afin de faire progresser les intérêts de la Côte-Nord.

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