Anticosti, “le meilleur laboratoire au monde”

Par Émélie Bernier 12:00 PM - 26 septembre 2023 Initiative de journalisme local
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L’abondance de fossiles très bien préservés fait de l’île d’Anticosti un laboratoire exceptionnel pour l’étude de la première extinction de masse, il y a environ 440 millions d’années. Courtoisie André Desrochers

Au-delà de ses paysages, magnifiques, l’île est un laboratoire à ciel ouvert unique sur la planète.

« De mon point de vue scientifique, cette reconnaissance internationale est le début d’une nouvelle ère pour Anticosti, qui va nous amener à mieux comprendre l’histoire de l’évolution de la vie sur Terre », se réjouit André Desrochers, directeur scientifique de la candidature de l’île au statut de patrimoine mondial de l’UNESCO.

Ceux qui espéraient y apercevoir des ossements de Tyrannosaurus Rex seront déçus. Les fossiles d’Anticosti proviennent de la période comprise entre la fin de l’Ordovicien et le début du Silurien, soit il y a près de 445 millions d’années ! Les dinosaures se sont éteints il y a 65 millions d’années. 

« On parle principalement d’invertébrés marins. Anticosti, c’est un témoignage unique et exceptionnel sur la 1re extinction de masse du vivant. Près de 85 % des espèces vivantes se sont éteintes et Anticosti a enregistré ça dans ses strates fossilifères », résume-t-il. 

Bien de secrets se cachent dans les rochers d’Anticosti. Courtoisie André Desrochers.

Les fossiles sur Anticosti sont « abondants, diversifiés et superbement conservés ».

« C’est singulier à Anticosti, on en retrouve tout le long du littoral, le long des rivières… La zone protégée avec les sites fossilifères les plus représentatifs fait au-delà de 1000 km carrés, sur un total de 8000 km carrés. C’est deux fois grand comme l’île de Montréal, ce qui fait d’Anticosti une première de classe, le meilleur laboratoire au monde, pour étudier la première des cinq grandes extinctions », insiste le chercheur. Mieux comprendre cette première extinction, alors que le spectre de la 6e se profile, n’est pas anodin. « Il y a un fort consensus au sein des chercheurs sur le fait que les fonds marins privés d’oxygène ont été une cause importante de cette extinction. On est en train de vivre, à quelques dizaines de kilomètres au large de l’île et à une échelle évidemment réduite, ce qui s’est passé il y a 445 millions d’années. Les fonds marins du golfe Saint-Laurent manquent à certains endroits d’oxygène et les espèces qui y vivent doivent se déplacer. Celles qui sont fixes risquent de ne pas survivre », illustre-t-il. 

La 6e extinction de masse du vivant n’est pas pour demain, relativise-t-il. Mais la recherche permet de passer des messages importants, de montrer au public de façon générale comment l’évolution de la vie est fragile sur Terre.

M. et Mme Tout-le-Monde trouveront leur compte sur Anticosti. « Nous proposons déjà une intéressante exposition dans l’ancienne église de Port-Menier et nous souhaitons bâtir un programme robuste d’interprétation avec une équipe d’animation et le développement d’autres pôles, dont celui de l’Anse-aux-fraises, un très beau site fossilifère. La nomination n’est que le début d’un grand processus ! », conclut celui qui sera évidemment de la partie pour la suite.

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