Commission Viens : deux à trois générations pour un changement de société

Par Sylvie Ambroise ǀ Initiative de journalisme local 3:06 PM - 6 octobre 2023
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Jonathan Pinette-Grégoire, alors directeur du Centre d’amitié autochtone de Sept-Îles, qui témoigne à la Commission Viens, le 10 mai 2018. Photo capture d’écran

Cinq ans après le début des audiences de la Commission Viens, qui avait recueilli des témoignages des Autochtones partout au Québec sur leurs relations avec les services publics, mercredi, le premier rapport de suivi a été déposé par le Protecteur du citoyen. Il constate « des avancées, mais qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir. »

Nadia Grégoire, de Nutashkuan, a témoigné à la Commission Viens en lien avec ce qu’elle a vécu dans le système de santé. 

« Je pense que les relations avec les Autochtones et le système de santé ont empiré. On peut juste le prouver avec la mort de Joyce Echaquan, il y a 3 ans. » affirme-t-elle, en réaction avec le rapport du Protecteur du citoyen.

Elle pense que le problème est invisible, puisque les Autochtones ne rapportent pas systématiquement les incidents, ou les torts et craignent les représailles.

 « Je connais une amie à qui il est arrivé un incident… elle ne l’avait pas rapporté, seulement à moi. Je vois plusieurs publications aussi sur Facebook, des personnes qui dénoncent des évènements. Et c’est même dans nos dispensaires, dans les communautés, ce sont des personnes allochtones qui sont là », explique-t-elle.

Engager un traducteur dans le milieu de la santé n’est pas suffisant, à son avis.

« Il faut un accompagnateur qui devrait être engagé pour accompagner les patients autochtones au point où on est rendu », poursuit-elle, dans sa réflexion.

Nadia Grégoire souligne avoir encore peur, aujourd’hui, d’aller à l’hôpital. « On est tous des humains et je pense que l’on a droit aux mêmes services que le reste de la population », conclut-elle.

La peur de mal faire

L’ex-directeur du Centre d’amitié autochtone de Sept-Îles, qui avait témoigné en cette qualité il y a 5 ans, et qui est maintenant le directeur de la Société de développement Économique Uashat mak Mani-utenam du secteur OBNL, Jonathan Pinette-Grégoire, va dans le même sens.

« Sur le terrain, c’est pas mal fidèle, parce que moi aussi, je trouve que cela n’a pas vraiment avancé », affirme-t-il. 

La société dominante s’est construite sans consultation chez les Premières Nations. « On demande que les normes de la société, les lois, les règlements et les tendances se fassent autrement, cela peut surprendre, cela peut faire peur de faire tout ça différemment, donc il faut encourager la mobilisation et l’ouverture d’esprit des décideurs », poursuit-il.

Il n’y a pas de précédent, souligne M. Pinette-Grégoire. « On est appelé à se connaître. Il y a encore cette petite crainte, on a peur de faire mal les choses, on a peur de faire de mauvais « move », on est extrêmement prudents, de part et d’autre. Je pense que c’est ce qui explique le grand délai de la réalisation des 142 appels à l’action.”  

Pour le directeur du Centre résidentiel communautaire (CRC) Kapatakan Gilles Jourdain, Léonard Mckenzie, « on parle de réconciliation, mais il y a un fossé entre l’administration et la législation. Ça va bien pour la tente de sudation, mais lorsqu’il est question de la cérémonie de la pleine lune, alors que les résidents doivent rentrer pour 22 heures…il est difficile de pouvoir le faire en plein après-midi.»

Pour ceux et celles qui veulent en apprendre plus sur les 142 appels à l’action de la Commission Viens, il est possible de consulter tous les témoignages sur le site du gouvernement du Québec, au mot clef CERP, ou au www.cerp.gouv.qc.ca/index.php?id=2

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