En convalescence, des heures dans les airs

Par Johannie Gaudreault 7:00 AM - 14 février 2024
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L’avion-ambulance permet de transporter des patients dont les soins sont urgents. Photo courtoisie

La convalescence de Noël Boulianne n’a pas été de tout repos. Au lendemain de son opération pour débloquer ses artères, le résident de Colombier a passé plusieurs heures dans les airs, de Québec à Blanc-Sablon, pour finalement revenir au point de départ. 

« L’infirmière m’a réveillé à 5 h du matin pour me préparer à prendre l’avion pour retourner à Baie-Comeau, raconte le Nord-Côtier, encore sous le choc de ce voyage épuisant. J’ai pris l’avion comme prévu, mais je ne pensais pas me rendre aussi loin sur la Côte-Nord. »

L’homme de 82 ans a subi deux petits infarctus le 29 janvier. Il a été transporté à l’urgence de Forestville en ambulance, puis à l’hôpital de Baie-Comeau. Finalement, son état demandait les soins des spécialistes de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (anciennement l’hôpital Laval). 

« On m’a envoyé à Québec en avion-ambulance », se souvient le patient qui est demeuré quelques jours là-bas afin que l’équipe médicale procède à une angioplastie (déblocage des artères). L’opération s’est déroulée comme prévu sans aucune complication.

C’est le lendemain de son intervention médicale que son périple a commencé. Quand M. Boulianne a mis le pied dans l’avion du Service gouvernemental aérien, il ne pensait pas en ressortir 12 heures plus tard, au même endroit. 

« On a fait plein d’arrêts. On est passé par Mont-Joli, Gaspé, Sept-Îles, Havre-St-Pierre et rendu à Blanc-Sablon, il a fallu débarquer parce que l’avion était brisé. On a attendu deux heures que les mécaniciens arrivent en avion pour réparer le nôtre », se rappelle-t-il. 

Finalement, les mécaniciens n’avaient pas apporté la bonne pièce, a-t-on dit à M. Boulianne, qui s’impatientait. « L’infirmier a dit aux mécaniciens que deux patients devaient absolument retourner avec eux. J’en faisais partie. »

Son vol de retour l’a ramené à Québec, au lieu de le déposer à l’hôpital de Baie-Comeau. Il a donc tout fait ce chemin pour revenir à la case départ, sans manger, au lendemain d’une opération.

« J’étais accompagné d’une infirmière. J’ai pu manger une barre tendre pour souper, mais c’est tout. Quand je suis revenu à Québec, les infirmières se demandaient pourquoi j’étais de retour. J’ai eu droit à des toasts et du lait. J’étais fatigué, il était presque 21 h et j’étais levé depuis 5 h », relate Noël Boulianne, qui ne trouve pas cette situation normale. 

Les proches de l’octogénaire sont aussi découragés de ce qui s’est passé ce jour-là. « Je ne pouvais pas leur donner de nouvelles. Dans l’avion, on n’avait pas le droit au téléphone. Tout le monde s’inquiétait », se désole le père de quatre enfants. 

C’est donc le 4 février que le résident de Colombier est revenu sur la Côte-Nord. Cette fois, son voyage dans les airs s’est déroulé dans les règles et il a été pris en charge à l’hôpital Le Royer.

Comme il avait également de l’eau sur les poumons, il est demeuré une journée au centre hospitalier avant d’être retourné à la maison. « J’avais hâte de rentrer chez moi », commente-t-il. 

Noël Boulianne a trouvé son voyage de retour épuisant. Photo courtoisie

Normal ou non?

Est-ce que la situation vécue par le Nord-Côtier peut être qualifiée de normale ?

À la fois le ministère des Transports et de la Mobilité durable et le CHU de Québec-Université Laval n’ont pas voulu répondre à cette question « pour des raisons de confidentialité ». 

Le MTMD, qui gère le Service aérien gouvernemental, précise toutefois que la coordination des évacuations aéromédicales relève du centre hospitalier universitaire.

Ce dernier orchestre « les demandes des centres hospitaliers, les soins cliniques et l’encadrement médical et clinique ». 

« Près de 8 000 transferts sont réalisés annuellement par les équipes du programme ÉVAQ (Évacuations aéromédicales du Québec) au bénéfice des usagers de toutes les régions du Québec », indique la porte-parole du CHU de Québec-Université Laval, Michèle Schaffner-Junius.

Quant au Service aérien gouvernemental, il assure les transports sanitaires aériens à la population québécoise se trouvant en région éloignée, que ce soit pour les patients en situation d’urgence (évacuations aéromédicales) ou pour les patients en situation stable (vols sanitaires programmés).

Différents services

Il existe différents services offerts au sein du programme ÉVAQ, selon le niveau d’urgence des usagers nécessitant un transfert aéromédical.

« Par exemple, un transfert pour un usager dont la condition médicale est stable, mais nécessite un accès à des soins spécialisés non disponibles dans sa région, est normalement planifié à l’avance et pris en charge par le service de navette multipatients », explique Mme Schaffner-Junius. 

C’est également ce service qui assure le retour vers leur centre de région pour les patients qui ont terminé leur épisode de soins dans les centres spécialisés.

« Les transferts urgents et critiques sont quant à eux organisés et planifiés à bord du service d’avion-hôpital ou d’avion-ambulance dès la réception de la demande de transfert », ajoute la responsable des relations médias.

Cette dernière précise tout de même que chaque situation est analysée singulièrement afin de garantir une prise en charge adaptée et sécuritaire à la condition de chaque usager.

Des avions désuets

Le MTMD compte sur quatre avions, dont deux principalement dédiés aux évacuations aéromédicales d’urgence et deux autres qui servent en général aux transports sanitaires programmés.

« Ces avions sont hautement médicalisés pour assurer les évacuations aéromédicales. Ils sont tous utilisés sur la Côte-Nord. Par ailleurs, des bris d’appareils peuvent survenir de façon inopinée, et ce, malgré les inspections et entretiens rigoureux qui sont effectués », divulgue la relationniste au MTMD, Émilie Lord.

Le Service aérien gouvernemental ne conserve pas de statistiques précises sur les déploiements des appareils, mais les vols sanitaires programmés peuvent se rendre sur la Côte-Nord à raison de six jours par semaine, précise Mme Lord.

L’état de désuétude de la flotte aérienne du gouvernement du Québec avait d’ailleurs été dénoncé en janvier dernier. Le MTMD dévoile qu’il « prévoit remplacer ses deux avions de type Challenger 601 servants essentiellement aux évacuations médicales. Les travaux sont en cours. »

De plus, les analyses se déroulent actuellement « afin de recommander le meilleur scénario pour le remplacement des deux avions de type DASH-8 affrétés principalement aux navettes médicales programmées », informe la porte-parole.

« Dans la foulée du remplacement des avions de type DASH-8, un projet d’implantation de service d’avion-ambulance sans médecin est en cours », renchérit Mme Lord. 

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